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Plasturgie : Le Maroc devrait atteindre sa souveraineté dans 5 ans (Hicham El Haid)

Invité de «L’Info en face», Hicham El Haid, président de la Fédération marocaine de plasturgie, dresse le profil d’un secteur impacté par la guerre en Ukraine et, bien avant cela, par la crise de la Covid-19. Au Maroc, la plasturgie subit de plein fouet l’impact de la hausse des carburants et des matières premières et paie le prix de son incapacité à s’auto-alimenter en intrants. Une situation qui devrait changer dans les prochaines années grâce au concept de la substitution. Les détails.

Plasturgie : Le Maroc devrait atteindre sa souveraineté dans 5 ans (Hicham El Haid)
Ph. Sradni

Un conflit armé comme celui opposant l’Ukraine à la Russie impactera forcément un pays comme le Maroc. C'est la conviction de Hicham El Haid, président de la Fédération marocaine de la Plasturgie (FMP), exprimée lors de l’émission «L’info en Face» du Groupe «Le Matin» dont il a été l'invité. Dans le secteur de la plasturgie, l’impact mondial est non négligeable puisque l’Ukraine, par exemple, compte pour 70% de l’exportation mondiale de PVC. Heureusement que la consommation marocaine est principalement alimentée par la production locale. Pour le reste, notamment les matières premières, «nous serons amenés, en septembre prochain, à de très fortes fluctuations», explique le président de la FMP. Et pour cause, le marché est doublement impacté par la hausse des prix des matières premières et du transport.

En attendant l’impact de l’augmentation des prix des matières premières sur les prix des produits en plastique au Maroc, le secteur est déjà plombé par la hausse des prix des carburants. Une hausse de 10 à 15% des prix est attendue par ce professionnel. «Cet impact n’est évidemment pas immédiat et les prix n’ont pas encore changé, en raison de la forte concurrence. Il faudra que le ou les leaders du secteur annoncent des hausses dans ses prix pour que les autres suivent», explique El Haid qui salue la décision du gouvernement de subventionner les transporteurs.

L'augmentation des prix a démarré bien avant le conflit armé en Ukraine

Cependant, si les prix ont augmenté de 10% depuis la crise Ukraine-Russie, ils se sont renchéris de 50% depuis le début de la crise de la Covid-19, fait remarquer El Haid. Ceux de l’emballage ont flambé de 40% à travers le monde. Et cela risque de s’accentuer, car depuis 2008, le marché fixe ses cours en fonction de l’offre et de la demande. Or, l’offre, déjà impactée par la Covid, est de nouveau perturbée par le conflit armé en Ukraine.

Le Maroc n’est pas producteur de pétrole et importe donc toutes les matières premières nécessaires au secteur de la plasturgie. Ses principaux fournisseurs sont le Moyen-Orient, les États-Unis (pour certains plastiques techniques) et l'Europe. Il y a également l'Extrême-Orient et, d'une façon épisodique, l'Amérique latine (quand elle a un surplus). La Turquie et l’Égypte sont également des fournisseurs du Royaume en ces matières premières. Aujourd’hui, «il y a un vrai problème de sourcing et de surenchérissement de toutes les matières premières», révèle El Haid. Et d’ajouter : «Nous avons identifié, avec le ministère de l’Industrie, tous les produits finis que nous pourrions substituer par de la production locale. Mais ce n’est pas si simple».

D’abord, il faut le matériel nécessaire et, donc, des investissements conséquents. Ensuite, même s’il y a de grands donneurs d'ordre qui voudraient bien remplacer une partie de leurs achats à l’étranger par une production locale, «ils exigent que, techniquement, vous répondiez à tous les critères, normes et standards de qualité», précise El Haid. Ceci dit, rappelle le président de la Fédération, «le process a été initié et je pense que, dans 3 à 4 ans, nous aurons une croissance à deux chiffres du secteur». Cette croissance mènerait, in fine, à une souveraineté nationale en produits finis.

Un marché en passe d’atteindre sa taille critique

Sauf que, pour l’instant, la plasturgie au Maroc, ce sont 700.000 tonnes de matières transformées, tous produits confondus. Les achats de matières premières, eux, pèsent quelque 10 milliards de DH pour un chiffre d‘affaires de 28 milliards de DH. Or, souligne El Haid, il faut que le marché atteigne une taille critique sur les produits finis qui justifie des investissements critiques pour produire les intrants. Il se trouve justement que les différentes études qui ont été initiées par le ministère de l’Industrie estiment que le Maroc devra atteindre plus de 2 millions de tonnes de produits transformés dans les prochaines années «si cette transition sur les produits de substitution s'accélère et se déploie», indique le plasturgiste avant de lancer : «Nous pensons y arriver dans les cinq ans à venir». Ce n’est donc qu’en «recentrant nos énergies sur la consommation locale que nous ferons du Maroc un pays souverain sur ses produits finis en plastique». Comment y arriver ? Selon El Haid, en donnant la priorité aux produits marocains. «Il faut que les marchés publics donnent de façon exclusive la priorité aux produits marocains, non aux sociétés de droit marocain, car c’est là la grande faille», préconise le président de la fédération qui refuse de parler de mesures protectionnistes. «Nous n’avons pas peur de la concurrence internationale tant qu’elle est loyale. Comment expliquer que la Turquie, qui est importateur d’intrants comme le Maroc, avec en plus une énergie et une main d’œuvre plus chères que la nôtre, puisse exporter des produits finis à des prix plus bas que ceux des matières premières importées au Maroc ? Soit il y a un dumping social qu’on n’arrive toujours pas à détecter, soit ils ne jouent pas le jeu de l’accord de libre-échange», note l’invité de «L’Info en Face».

Ce professionnel adopte la même position concernant les exportations marocaines de produits en plastique. «La vraie question est de savoir comment le plastique peut bien voyager. Généralement, il voyage très mal, étant léger et volumineux. Et avec les coûts du fret et du transport, je vois mal comment les produits en plastiques, bouchons, jouets ou autres peuvent rester compétitifs, dans un environnement concurrentiel loyal», s'interroge El Haid qui demande de la réciprocité dans l’application des termes des accords de libre-échange.

Recyclage, c’est le moment ou jamais !

«En tant que tel, le plastique n’est pas polluant. Il l’est juste parce qu’il n’est pas récupéré. Par exemple, l’impact énergétique d’un pot en verre est 14 fois plus qu’un pot en plastique, celui d’un pot en céramique est 10 fois supérieur», affirme El Haid. Par ailleurs, la production mondiale en matière plastique c'est 360 millions de tonnes. Une grande partie de cette production est absorbée par les cycles très courts, notamment l’agroalimentaire.

Ces deux éléments, conjugués aux problèmes d’approvisionnement et à la hausse des prix des intrants remet sur la table la question du recyclage. «Il faut mettre l’accent sur la récupération, légiférer pour que les industriels réintègrent, comme en Europe, les produits régénérés dans une partie de leur consommation de matières premières. Mais c’est beaucoup plus difficile à mettre en œuvre. Cependant, c’est clairement le bon timing», souligne El Haid.

Selon ce professionnel, le Maroc est l’un des rares pays à payer une taxe écologique sur le plastique depuis 2014. «De mémoire, 4.000 tonnes de déchets ménagers sont acheminées à Casablanca aujourd’hui. Il y a 3-4 ans, nous récupérions à peu près 100 tonnes par jour de matières plastiques. Aujourd'hui, on en récupère 15 à 20 tonnes parce que le délégataire préfère enfouir plutôt que de sélectionner et revaloriser. Il faudra légiférer là-dessus», insiste El Haid. Concernant les bioplastiques, le professionnel reste, pour le moins, stoïque : «c’est du marketing, rien de plus. Le plastique, lui, c’est fantastique !»

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