À la suite du drame survenu mardi à Nogent, où une surveillante a été poignardée par un élève de 14 ans, Emmanuel Macron a relancé avec force son projet d’interdiction des réseaux sociaux pour les moins de 15 ans. Depuis Nice, le président de la République a affirmé que la France devait aller vite et que, si l’Union européenne ne bougeait pas, il serait prêt à agir seul. "On peut le faire parce que toutes ces plateformes ont la possibilité de vérifier l'âge. Et je nous donne quelques mois pour le faire avec l'Europe, sinon on le fera tout seul", a-t-il déclaré.
Si cette décision intervient dans un contexte émotionnel fort, elle s’appuie également sur une série de constats alarmants. Le président établit un lien direct entre l’usage massif des réseaux sociaux par les adolescents et la banalisation de comportements violents. Il pointe notamment une génération "qui, de manière native, est sur Instagram, sur X, sur Tiktok", soulignant que cette immersion numérique précoce remonte à 2015.
Selon la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), l’âge moyen de la première inscription à un réseau social en France se situe aujourd’hui autour de 8 ans et demi, bien loin des seuils légaux. Or, depuis 2018, la loi fixe la "majorité numérique" à 15 ans, interdisant en principe l’accès aux plateformes sans l’accord parental. Mais dans la pratique, les enfants contournent allègrement cette limite en mentant sur leur âge, et les réseaux ferment les yeux. On estime ainsi qu’un million de mineurs de moins de 13 ans sont actifs sur TikTok.
Le président a choisi un ton ferme, presque martial. « On peut le faire parce que toutes ces plateformes ont la possibilité de vérifier l’âge. Et je nous donne quelques mois pour le faire avec l’Europe, sinon on le fera tout seul », a-t-il déclaré mardi depuis Nice, quelques heures après le drame.
Une loi adoptée en 2023 a pourtant élargi les pouvoirs de l’ARCOM, l’autorité de régulation, lui permettant d’exiger le blocage d’un site en cas d’infraction manifeste. Mais l’absence de procédure technique imposée aux plateformes limite son efficacité.
Pour sortir de cette impasse, Emmanuel Macron mise désormais sur un changement d’échelle : imposer une vérification d’âge automatique, sécurisée, infalsifiable. Le principe serait d’obliger les plateformes à s’assurer que l’utilisateur a bien plus de 15 ans, via des dispositifs technologiques ou des tiers de confiance. Des outils existent, affirme l’Élysée, et certains secteurs les utilisent déjà. Reste à les imposer à l’univers mouvant, transfrontalier et peu coopératif des réseaux sociaux.
Mardi encore, au moment même où le président annonçait ce durcissement, des influenceurs étaient auditionnés par la commission d’enquête sur TikTok. Parmi eux, plusieurs figures polémiques, aux discours extrêmes, ont affirmé que la responsabilité ne leur incombait pas. « Si des enfants de CE2 ont accès à TikTok, ce n’est pas de ma faute », a déclaré l’un d’eux.
Si Paris prenait les devants, elle ne serait pas seule. La Floride a interdit l’accès aux réseaux sociaux aux moins de 14 ans, sauf autorisation parentale jusqu’à 16 ans. L’Australie a voté une mesure similaire. La Chine, elle, a tenté d’imposer des couvre-feux numériques et des temps de connexion limités, avec des résultats mitigés mais "un symbole fort".