Menu
Search
Jeudi 23 Janvier 2025
S'abonner
close
Jeudi 23 Janvier 2025
Menu
Search

Imbroglio autour du très chic immeuble abritant la Bibliothèque de l'Institut Cervantès à Paris

Au cœur d'une controverse depuis des décennies, le très chic édifice abritant à Paris la bibliothèque de l'Institut Cervantès, appartenant à l'État espagnol, mais revendiqué par le Parti nationaliste basque (PNV), a fait un retour remarqué au cœur de l'actualité espagnole cette semaine.

Un décret-loi adopté en décembre par le gouvernement du socialiste Pedro Sánchez – dont le PNV est un allié au Parlement – semblait avoir mis fin à cette interminable querelle en transférant au parti basque la propriété de cet immeuble de 1883 sis au 11 de l'avenue Marceau, en plein 16ᵉ arrondissement.

Mais les députés ont rejeté mercredi le texte devant permettre de ratifier cette mesure, intégrée dans un vaste paquet législatif, illustrant une nouvelle fois la fragilité du gouvernement Sánchez, privé d'une majorité claire et contraint de faire avec des alliés versatiles.

Pour le PNV, ce rejet ne change rien, et n'invalide pas le transfert rendu effectif selon lui par le décret-loi adopté par le gouvernement fin décembre. «La non-ratification d'un décret-loi (...) n'annule pas les effets produits pendant sa période de validité. La transmission a déjà été établie dans la Loi (ope legis), et c'est un acte qui a déjà été parfait (complété)», ont assuré des sources du PNV.

Abritant aujourd'hui la bibliothèque de l'Institut Cervantès, l'entité publique espagnole qui promeut la langue espagnole dans le monde, l'immeuble du 11 avenue Marceau compte quatre niveaux et plus de 1.000 m² de surface, au coeur d'une zone où le mètre carré coûte autour de 14.000 euros, selon le portail immobilier français SeLoger.com.

La propriété du bâtiment est objet de litige depuis des décennies : acquis par des proches du PNV en 1936, il devient en 1937, en pleine guerre civile espagnole (1936-1939), le siège du gouvernement régional basque en exil.

Mais après la fin de la guerre civile, achevée sur la victoire du dictateur Franco – mort cette année il y a tout juste 50 ans, une date célébrée par le gouvernement Sánchez, qui y voit le début de l'avènement de la démocratie –, le bâtiment change de mains en 1940.

Dans la France occupée par les nazis, qui ont soutenu le général Franco pendant la guerre civile espagnole, la Gestapo confisque alors l'édifice et en transfère la propriété à l'Espagne franquiste. En 1943, un premier jugement en France entérine ce changement de propriétaire.

Le PNV n'a depuis cessé de le revendiquer, mais, en 2003, la Cour suprême espagnole l'a débouté, jugeant que les nationalistes n'avaient pas pu prouver qu'ils l'avaient acheté, et l'affaire semblait juridiquement close... jusqu'à l'adoption en 2022 par le précédent gouvernement Sánchez d'une «loi de mémoire démocratique».

Celle-ci prévoyait notamment «la restitution des biens confisqués aux forces politiques pendant la dictature lorsqu'ils l'ont été à l'étranger à la suite de procédures judiciaires ou administratives».

Elle a trouvé sa traduction concrète il y a quelques semaines dans le décret-loi qui transférait au PNV la propriété de l'immeuble «en raison du lien historique du bâtiment avec ce Parti».

En plus de lui attribuer cette propriété, le gouvernement espagnol s'est engagé à compenser le PNV pour la perte de deux autres biens en France.

La décision du gouvernement Sánchez a été fustigée par le Parti populaire (PP, droite), le principal parti d'opposition : «C'est la privatisation d'un bien public pour le donner à un parti», afin qu'il bénéficie «de cette propriété d'une manière lucrative», a regretté Miguel Tellado, porte-parole du PP.

Au Congrès, le porte-parole du PNV, Aitor Esteban, s'était lui dit avant le vote des députés «très tranquille, juridiquement et politiquement», et avait souligné que recevoir ce bâtiment «confisqué par la Gestapo et remis à Franco» était un acte «de justice démocratique».
Lisez nos e-Papers