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La confrontation entre le Hamas et Israël est vouée à perdurer, avec un risque d’embrasement général (Expert)

La confrontation entre Israël et le Hamas dans la bande de Gaza s’annonce de longue haleine et laisse planer le risque d’un embrasement général dans l’ensemble de la région. L’objectif fixé par le gouvernement Netanyahou de bouter le Hamas hors de Gaza une fois pour toutes est, d’après le professeur d’études stratégiques au Collège de Défense (NDC) des Émirats arabes unis à Abou Dhabi, Mohamed Badine El Yattioui, un pari à haut risque, étant donné que la réalité sur le terrain penche en faveur des combattants du mouvement plutôt que des soldats de l’armée israélienne.

L’offensive terrestre d’Israël sur Gaza, dont l’objectif déclaré est de déloger le mouvement Hamas en dehors du territoire de la bande qu’il contrôle depuis 17 ans, est vouée à prendre plus d’ampleur et à coûter un lourd tribut en termes de vies humaines.

Palestine-Israël : faut-il s’attendre au pire ?

La confrontation entre le Hamas et Israël dans la bande de Gaza a vocation à perdurer cette fois. Le contrôle de cette bande par le Hamas remonte en effet à son élection en 2006, explique M. Badine El Yattioui qui était l’invité de «L’info en face». Le mouvement qui contrôle Gaza donc depuis 17 ans a construit un réseau de tunnels souterrains. «On parle de 150 tunnels et de 5 à 7 étages sous le sol pour chaque abri. Des chiffres qui restent approximatifs et même le renseignement israélien, le Shin Bet, ne peut pas les confirmer», affirme le professeur d’études stratégiques. Et «à partir du moment où nous assistons à une guerre urbaine mettant aux prises des soldats israéliens qui ne sont pas entraînés à cela et des combattants du Hamas qui, eux, sont bien préparés à ce type de confrontation, Israël risque de subir de nombreuses pertes dans les rangs de ses troupes. Et si Israël perd beaucoup d’hommes, sa réponse se fera beaucoup plus forte avec l’utilisation de l’armée de l’air, ce qui se traduira par plus de morts et plus de déplacés du côté des Palestiniens», explique M. Badine El Yattioui.

Vers une crise migratoire de grande ampleur ?

Sur la question des réfugiés, M. Badine El Yattioui indique que l’administration américaine fait pression sur les autorités égyptiennes pour qu’elles acceptent les réfugiés venant de Gaza. Toutefois, la hiérarchie militaire, qui contrôle effectivement tous les leviers de l’État égyptien, se montre radicalement opposée à l’arrivée de ces réfugiés, fait remarquer le professeur. Il en va de même pour la Jordanie, où le Roi Abdallah II a déclaré que la question des réfugiés est une ligne rouge pour son pays, pour lequel le fait d’accueillir des réfugiés palestiniens renvoie bien à une réalité, étant donné que sa population est aujourd’hui composée à 50% de Palestiniens. «Il y a ce symbole des réfugiés palestiniens, puisque ceux qui ont fui vers le Liban, la Syrie, l’Égypte ou la Jordanie en 1948 ne sont jamais rentrés chez eux», affirme M. Badine El Yattioui.

Un conflit armée sans but ?

En ce qui concerne l’objectif de cette offensive, le professeur d’études stratégiques rappelle qu’«une intervention militaire sans stratégie politique derrière est toujours vouée à l’échec». Le gouvernement Netanyahou, dit-il, a une idée claire qui consiste à chasser le Hamas de la bande de Gaza, et se sert de l’argument de l’incursion du Hamas dans le territoire israélien le 7 octobre pour dire que «ce mouvement n’a plus la légitimité pour non seulement administrer Gaza, mais rester sur son territoire». L’argumentaire israélien qu’on va entendre durant les prochains mois, après la fin de l’intervention terrestre, consiste, de l’avis de M. Badine El Yattioui, à dire que «maintenant, nous allons administrer ce territoire avec les Gazaouis qui sont toujours là». Et cette option de voir Israël administrer à nouveau la bande de Gaza comme ce fut le cas avant 2005 est peu envisageable, car cela conduirait à un feuilleton permanent de guérilla urbaine sur une portion de territoire très serrée.

Voilà pourquoi on parle de deux autres options, souligne M. Badine El Yattioui. Celles-ci consistent à :

• Confier à l’Egypte, comme c’était le cas avant 1967, l’administration de la bande. Proposition que l’Égypte va certainement décliner.

• Confier l’administration de la bande à l’Autorité palestinienne, basée à Ramallah en Cisjordanie. Mais là aussi se pose la représentativité du Fatah sur place.

Il y a aussi une autre option, ajoute le professeur, assez peu probable qui est mise sur la table par l’ancien Premier ministre Ehud Barak. Celle-ci consiste à demander, via les Nations unies, à un groupe de pays arabes qui reconnaissent Israël et ont un traité de paix avec ce pays d’administrer temporairement la bande de Gaza. Et toutes ces options ne sont, aux yeux de M. Badine El Yattioui, que de mauvaises solutions.

Plus l’opération militaire dure dans le temps, plus le risque d’embrasement augmente

La poursuite de cette opération militaire présente, selon M. Badine El Yattioui, un double risque : sa durée et son ampleur. «Si nous continuons à avoir autant de morts chaque jour, la possibilité que des négociations soient engagées se réduira», note-t-il. Aussi, il y a le risque d’ouverture d’un front dans le nord à la frontière entre le Liban et Israël avec le Hezbollah, ce qui pourrait conduire à un embrasement général de la région. L’autre risque aussi est que, si jamais le Hezbollah ne souhaite pas affronter l’armée israélienne, l’Iran utilise des milices chiites en Irak ou au Yémen pour attaquer les intérêts américains. Et il y a également la question des otages israéliens, considérés par le Hamas comme une monnaie d’échange pour libérer des prisonniers palestiniens. Tout concourt en effet à rendre la situation extrêmement complexe.

Une situation complètement bloquée

Le fait que la situation se révèle aujourd’hui extrêmement bloquée s’explique, selon M. Badine El Yattioui, par une donnée historique : à chaque fois que les Israéliens ont fait des concessions aux Palestiniens, c’était à des moments où on avait un gouvernement israélien qui avait envie de discuter et une volonté américaine très forte pour parvenir à un accord de paix (administration Carter avec Sadate et Begin et l’administration Clinton avec Rabin et Peres d’un côté et Arafat de l’autre). «Mais aujourd’hui, nous avons Biden qui est aligné sur la position de Netanyahou et cette position empêche de déboucher sur un accord de paix».
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