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La droite dure poursuit sa déferlante sur l'Europe

Autant redoutée qu’attendue, la vague d’extrême droite, qui n’a cessé de prendre de l’épaisseur en Europe, continue de secouer l’ordre politique établi et gagner du terrain face aux formations politiques traditionnelles. Les résultats des élections européennes de ce 9 juin ont confirmé cette tendance à la hausse qui a cours depuis de nombreuses années, mais qui s’est accentuée avec les récentes crises qui ont secoué le vieux continent.

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Si la grande coalition au Parlement européen sortant, formée par le groupe du Parti populaire européen (PPE) (191 sièges) de la présidente de la Commission européenne, Ursula Von Der Leyen, les Sociaux-démocrates (S&D) (135) et les centristes de Renew (83), devrait être reconduite pour un nouveau mandat de cinq ans, les trois formations totalisant, ses les résultats provisoires, 409 sièges sur 720, il n’en demeure pas moins que les partis d’extrême droite ont progressé presque partout en Europe. Ils auront désormais leur mot à dire.

Au sein de l’hémicycle européen, les deux forces de la droite dure (Conservateurs et Réformistes européens – CRE et Identité et Démocratie-ID) ont obtenu, réunies, 128 sièges. Soit un score proche des Sociaux-démocrates (135 sièges), deuxième groupe au PE, et une quarantaine de sièges de plus que les centristes de Renew. Sans compter le sort de la cinquantaine de députés non inscrits, en particulier la grosse dizaine d’élus hongrois du Fidesz du Premier ministre, Viktor Orban, qui seront courtisés par ECR et ID.

Cette déferlante a eu l’effet d’un cataclysme dans certains États membres, tout particulièrement en France et en Allemagne, qui forment le moteur économique et politique de l’Europe. Tout un symbole. En France, le président Emmanuel Macron s'est résolu à annoncer la dissolution de l'Assemblée nationale après la victoire écrasante de l'extrême droite, alors qu’en Allemagne, les partis de la coalition du chancelier allemand Olaf Scholz ont essuyé un véritable revers, les sociaux-démocrates arrivant derrière les conservateurs et l'extrême droite. La coalition gouvernementale sort très affaiblie du scrutin. La droite radicale a réalisé également des gains substantiels en Autriche et progressé aux Pays-Bas, en Espagne, en Italie et en Belgique.

Nullement un fait nouveau, ces résultats font en effet écho aux tendances lourdes enregistrées il y a des années dans les États membres, où les partis d’extrême droite ne cessent de grignoter sur les marges de la droite traditionnelle notamment. Depuis les dernières élections européennes de 2019, les partis populistes, d'extrême droite et extrémistes dirigent des gouvernements dans trois pays de l'Union européenne (UE), font partie de coalitions gouvernementales dans plusieurs autres et sont souvent crédités de scores inédits dans les sondages d’opinion dans les 27 États membres de l’Union européenne.

Les raisons de ce basculement à droite sont nombreuses, mais la détérioration des conditions économiques ces dernières années, particulièrement en termes d’inflation, semble l’emporter. Les électeurs cherchent à sanctionner les partis au pouvoir, en votant pour les extrêmes.

Aussi les partis d’extrême droite ont-ils mené un vrai travail de pédagogie. Certains ont pris soin de modérer leurs discours les plus hostiles à l’intégration européenne – pour ne pas dissuader l’électorat europhile – et ont pris leur distance avec les partis les plus outranciers, dont l’Alternative für Deutschland (AfD).

Le constat posé, c’est de l’après-scrutin dont il est aujourd’hui question. Et là, deux lectures s’opposent. À rebours de tout alarmisme, certains analystes estiment que bien que l’hémicycle européen renouvelé penchera plus à droite, la «grande» coalition traditionnelle (PPE, S&D, Renew) ne semble pas avoir perdu beaucoup de plumes et devrait continuer à imprimer son tempo et ses priorités.

Les premières sorties des leaders des groupes de la coalition l’ont confirmé. La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, qui est candidate à sa propre succession, a ainsi promis de construire un «rempart» contre les extrêmes. «Ensemble, avec d'autres, nous construirons un rempart contre les extrêmes de gauche et de droite», a lancé la chef de l’Exécutif européen, depuis Bruxelles, lors d'un rassemblement du PPE.

L’autre élément d’analyse est que la traduction politique de cette avancée des partis d’extrême droite ne sera pas si forte que ce qu’on laisse croire, en raison des dissensions au sein même de ce courant. Le dernier mandat du Parlement européen (2019-2024) a révélé que les membres de ce courant sont loin de former un bloc homogène, s’éparpillant au gré des votes. Les désaccords se manifestent, à la fois au sein même d’ECR ou d’ID, mais plus encore entre ces deux groupes, particulièrement sur les questions de politiques internationales.

Les adeptes de l’autre vision avancent, au contraire, que même si la probabilité d’un «grand groupe» d’extrême droite s’éloigne, pour le moment, le poids pris par ce courant risque de perturber la poursuite de la construction européenne. Pour preuve, il a déjà réussi à imposer un certain durcissement du débat sur les politiques migratoires ou faire valoir un conservatisme climatique, à contresens de la philosophie des principales formations politiques européennes. Un point relevé par le co-président du groupe des Verts, Philippe Lamberts, qui a tendu la main à la coalition sortante pour «sauver» l'avenir du Pacte vert européen.

«Vous aurez peut-être une majorité à vous trois, mais si vous cherchez la stabilité pour élaborer des mesures de politiques responsables pour les cinq prochaines années, intégrer les valeurs de l'extrême droite ne peut être une option. Malgré nos résultats décevants, nous, Verts/ALE, sommes tout à fait prêts à assumer nos responsabilités», a-t-il lancé.

Par ailleurs, même si les résultats des élections ne devraient pas remettre en cause le soutien à l’Ukraine ni l’élargissement de l’UE, ils pourraient ralentir les discussions sur les réformes de l’Union. Certains États membres – au sein du Conseil – pourraient faire valoir leur droit de veto en politique étrangère ou refuser une augmentation de leur contribution au budget de l’Union s’ils sont sous pression, au niveau national, de l’extrême droite.

En tous les cas, ce basculement à droite assez net du Parlement européen ne restera pas sans conséquence. La composition du nouveau Parlement devrait nécessairement se refléter dans son travail législatif et avoir des répercussions politiques importantes dans certains États membres de premier plan.
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