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7ᵉ Sommet UE-UA : Yassine El Yattioui décrypte les enjeux de la participation marocaine

La participation marocaine au 7ᵉ Sommet Union européenne–Union africaine, tenu à Luanda, intervient dans un contexte diplomatique favorable, marqué par la résolution onusienne du 31 octobre 2025. Dans un entretien accordé au «Matin», Dr Yassine El Yattioui, enseignant-chercheur à l'Université Lumière Lyon 2, analyse les enjeux de cette participation, «la portée» réelle de la présence du polisario, la posture de l’Angola, ainsi que les implications diplomatiques du sommet. Il revient aussi sur la question de l’expulsion de la pseudo-Rasd de l’Union africaine et sur les priorités de la diplomatie marocaine pour les années à venir.

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Le Matin : Le Maroc a pris part au 7ᵉ Sommet Union européenne–Union africaine, tenu à Luanda les 24 et 25 novembre. Quels étaient, selon vous, les principaux enjeux de ce conclave pour le Royaume ?

7ᵉ Sommet UE-UA : Yassine El Yattioui décrypte les enjeux de la participation marocaine



Dr Yassine El Yattioui : En participant activement à ce conclave, le Royaume affirme sa volonté de renforcer ses liens avec l’Union européenne tout en consolidant sa position sur le continent africain. Les enjeux du sommet pour le Maroc sont multiples et se déclinent à plusieurs niveaux. D’une part, le Maroc entend consolider un partenariat euro-africain fondé sur la coopération économique, l’investissement et le développement durable. La question de la sécurité, de la migration, du climat et de la transition énergétique, qui figurent à l’ordre du jour, représentent autant de domaines où le Royaume peut jouer un rôle de médiateur et de facilitateur, en mettant en avant son expérience de hub économique et diplomatique dans la région.

D’autre part, le sommet constitue un cadre privilégié pour que le Maroc réaffirme sa position sur le dossier du Sahara, en particulier à la lumière des derniers développements internationaux. La résolution onusienne du 31 octobre 2025, qui a réitéré la reconnaissance de l’initiative marocaine d’autonomie comme base réaliste, crédible et sérieuse pour la résolution du conflit, place le Maroc dans une position de force diplomatique. Cette décision confère au Royaume une légitimité renforcée et un levier supplémentaire pour mobiliser les acteurs africains et européens autour d’une vision constructive du règlement du différend. Par ailleurs, la participation au sommet offre au Maroc une tribune pour exposer ses initiatives en matière de coopération Sud–Sud et pour consolider sa diplomatie économique et culturelle en Afrique. En ce sens, l’événement dépasse la simple dimension bilatérale et s’inscrit dans une stratégie globale de positionnement régional et international, qui associe diplomatie multilatérale et diplomatie de projet. Il en est ainsi de sa capacité à conjuguer ses intérêts nationaux avec des ambitions continentales, tout en se plaçant comme un acteur incontournable dans les débats sur le développement et la gouvernance en Afrique.



La participation du polisario à ce sommet a suscité de nombreux commentaires, notamment au regard des évolutions récentes de la relation de l’Angola avec le Maroc sur la question du Sahara. Comment interprétez-vous cette présence ?


La présence du polisario au sommet de Luanda constitue un élément diplomatique complexe à analyser, notamment au regard de la position officielle de l’Angola sur l’affaire du Sahara marocain. Bien que l’Angola ait historiquement affiché un certain soutien aux revendications du polisario, l’évolution récente de la diplomatie africaine et le poids croissant des positions pro-Maroc au sein de l’Union africaine ont tendance à limiter la portée politique de cette participation. Le polisario apparaît ainsi comme un acteur en décalage avec la dynamique continentale et internationale actuelle. Ses interventions, souvent répétitives et focalisées sur la contestation de la souveraineté marocaine, témoignent d’une stratégie de déni persistante et d’un alignement sur un récit qui peine à trouver un écho significatif dans les forums multilatéraux. Cette posture illustre la marginalisation progressive du mouvement face à la reconnaissance croissante de la légitimité marocaine sur le plan international.

En d’autres termes, la participation du polisario ne reflète pas une véritable influence, mais plutôt un effort de visibilité et de maintien d’une narrative obsolète. Ces tentatives persistantes peuvent être qualifiées de symboliques et défensives, visant avant tout à projeter une image de continuité de la contestation, sans impact concret sur la dynamique diplomatique réelle. Sur le plan des relations internationales, cette marginalisation du polisario démontre la consolidation du soutien au Maroc dans les arènes multilatérales et la prééminence de sa stratégie diplomatique proactive.

L’analyse du comportement du polisario à Luanda souligne également les limites structurelles et stratégiques du mouvement. Alors que le Maroc adopte une approche multiforme intégrant diplomatie, coopération économique, investissements et soft power, le polisario se cantonne à une posture de revendication symbolique, déconnectée des réalités géopolitiques et économiques du continent. Cette divergence met en lumière l’efficacité de la diplomatie marocaine, qui parvient à conjuguer légitimité juridique, alliances stratégiques et initiatives concrètes de développement pour renforcer sa position. De surcroît, la résolution onusienne du 31 octobre 2025 constitue un instrument juridique et politique majeur, qui offre au Maroc un avantage indéniable dans le développement des provinces du Sud et l'attraction de nouveaux IDE. Elle réaffirme non seulement la crédibilité de l’initiative d’autonomie, mais renforce également la capacité du Royaume à mobiliser ses partenaires européens et africains, créant un contexte où le polisario apparaît de plus en plus isolé et marginalisé.
Dans ce cadre, chaque action du polisario peut être interprétée comme une tentative désespérée de maintenir un profil médiatique, mais sans véritable impact sur l’évolution du dossier sur la scène internationale. Le contraste avec la posture du polisario souligne la force de la stratégie marocaine : intégration régionale, légitimité internationale et capacité à influencer les agendas multilatéraux. La présence marginale du polisario, en revanche, met en évidence l’inadéquation de son approche et la pertinence de la politique marocaine, renforçant ainsi la perception d’un Maroc solide, légitime et capable de promouvoir la stabilité et la coopération en Afrique et au-delà. L’attitude du polisario, en décalage avec ces réalités, démontre au contraire la faiblesse de ses tentatives de contestation et la solidité de la position marocaine sur le plan continental.


L’Angola semble maintenir une certaine ambiguïté dans sa position, entre soutien symbolique à la pseudo-rasd et volonté de rapprochement avec le Maroc. Quelles en sont, à votre avis, les motivations profondes ?

Historiquement, l’Angola a entretenu des liens avec le mouvement du polisario, une posture héritée de sa trajectoire post-indépendance marquée par des alliances idéologiques et militaires datant de la Guerre froide. Cette tradition de soutien, bien qu’atténuée par l’évolution des réalités diplomatiques et économiques africaines, continue d’influencer certaines expressions officielles ou symboliques de Luanda, notamment lors d’événements multilatéraux où la visibilité internationale de ces positions peut encore être mobilisée pour légitimer son rôle sur la scène africaine. En définitive, le soutien apparent de l’Angola à la pseudo-rasd ne constitue pas un refus de reconnaissance de la position marocaine, mais plutôt un équilibre délicat entre contraintes idéologiques d'un passé révolu, considérations diplomatiques et calculs stratégiques, où le Maroc demeure néanmoins en position de force depuis la fin du mois d'octobre 2025.


Dans la déclaration finale, le sommet a appelé au respect du «bon voisinage, de la non-ingérence dans les affaires intérieures des États, du règlement pacifique des différends, du plein respect de l'intégrité territoriale et de la souveraineté, du droit à l'autodétermination». Quelle lecture faites-vous de cette formulation dans le contexte du dossier du Sahara marocain ?

L’analyse de la déclaration finale du sommet, en particulier le passage que vous avez cité, mérite une lecture attentive à la lumière du contexte du Sahara marocain et de la diplomatie internationale. Sur le plan juridique et politique, ces principes sont formulés de manière générale et neutre, mais lorsqu’ils sont interprétés à l’aune des développements récents, ils offrent une fenêtre d’opportunité pour le Maroc. La référence à l’intégrité territoriale et à la souveraineté des États apparaît comme un soutien implicite à la position marocaine, qui défend l’unité et la souveraineté sur l’ensemble de son territoire, y compris le Sahara. En d’autres termes, tout État africain ou européen qui respecte ces principes est amené, de facto, à prendre en compte la légitimité de la souveraineté marocaine sur sa région saharienne.

Le principe du règlement pacifique des différends, couplé au respect de la non-ingérence, cadre parfaitement avec la stratégie marocaine, qui privilégie la diplomatie, le dialogue constructif et l’initiative d’autonomie comme instruments de résolution. Contrairement au polisario, dont les actions sont souvent marquées par des tentatives de déstabilisation et des revendications unilatérales, le Maroc s’inscrit dans une approche conforme aux normes internationales, renforçant sa crédibilité et sa légitimité. L’appel à l’autodétermination, mentionné dans la déclaration, doit être interprété dans ce contexte diplomatique élargi. La position marocaine, consolidée par la résolution onusienne du 31 octobre 2025, démontre que l’autodétermination peut être entendue non pas comme un processus de sécession, mais comme l’expression de l’autonomie locale dans le cadre de la souveraineté nationale. Cette lecture met en évidence la pertinence et la solidité du projet marocain, qui concilie aspirations locales et unité nationale, et distingue clairement la démarche marocaine des revendications du polisario, jugées illusoires et anachroniques.

La déclaration illustre également la capacité du Maroc à mobiliser son réseau diplomatique pour aligner les principes universels du droit international sur sa stratégie nationale, tout en marginalisant progressivement le polisario. Cette lecture souligne la force de la diplomatie marocaine, qui transforme des principes généraux en leviers concrets de légitimité et de pouvoir, démontrant que le Royaume demeure un acteur central et crédible dans la coopération euro-africaine.


Tout cela remet sur le tapis la question de l’expulsion de la pseudo-Rasd de l'Union africaine. Pensez-vous que le contexte actuel est favorable à l’ouverture de ce front diplomatique ? Où se situe donc cette question dans l’ordre des priorités à votre avis ?

La question de l’expulsion de la pseudo-rasd de l’Union africaine se pose inévitablement dans le contexte actuel, mais il convient d’en mesurer la pertinence stratégique et le moment opportun à l’aune des priorités marocaines et de la dynamique internationale. La position marocaine, consolidée par la résolution onusienne du 31 octobre 2025, confère au Royaume un levier puissant : il s’agit désormais de traduire cette légitimité juridique et diplomatique en gains politiques et institutionnels concrets, tout en poursuivant une stratégie graduelle d’isolement du polisario et de ses partisans. La priorité doit donc être la consolidation de l’initiative marocaine d’autonomie, qui représente la solution réaliste, crédible et pragmatique au conflit artificiel.

Cette consolidation passe par une démarche de constitutionnalisation et d’ancrage institutionnel au sein du dispositif national et régional. Le Maroc a déjà amorcé cette orientation avec la réforme constitutionnelle de 2011, qui a introduit la régionalisation avancée comme principe structurant du développement et de la gouvernance. L’enjeu est aujourd’hui de traduire cette ambition dans les faits sur le terrain, en déployant un cadre administratif et juridique solide qui rende l’initiative marocaine opérationnelle et tangible pour les populations locales dans la continuité de la Jemaâ (assemblée générale locale), le 26 février 1976, véritable autodétermination des tribus sahariennes et des zaouïas dans l'attachement historique au Trône Alaouite. Un tel ancrage institutionnel permet de démontrer que l’autonomie proposée n’est pas un concept abstrait, mais un projet concret de gouvernance inclusive, de développement économique et de stabilité sécuritaire. Dans ce cadre, la priorité stratégique pour le Maroc consiste à isoler progressivement le polisario, à marginaliser ses idéaux fallacieux et à neutraliser son influence symbolique et politique sur le continent. Cette démarche s’inscrit dans une vision globale de neutralisation diplomatique, qui bénéficie du soutien croissant de partenaires internationaux, dont plusieurs élus américains comme Joe Wilson, qualifiant le polisario de «groupe terroriste», et peut être relayée par d’autres acteurs européens pour renforcer la légitimité marocaine et préparer un cadre opérationnel sur le terrain.

L’objectif est ainsi double : renforcer la crédibilité marocaine en Afrique et en Europe, tout en s’assurant que l’initiative d’autonomie devienne un instrument concret de stabilisation régionale. Le Sahel, zone multidimensionnelle à risque, constitue un exemple illustratif de cette dynamique. La coopération marocaine avec les partenaires européens dans ce contexte permet de capitaliser sur l’expertise sécuritaire, humanitaire et institutionnelle du Royaume, tout en intégrant le Maroc comme acteur clé de la stabilité régionale.

En termes de priorités diplomatiques, il convient de considérer que l’expulsion immédiate de la pseudo-Rasd ne doit pas être un objectif isolé, mais une conséquence naturelle d’une stratégie graduelle. Le Maroc doit d’abord sécuriser et institutionnaliser son initiative. Une fois ces conditions réunies, la question de l’expulsion de l’entité fictive de l’Union africaine pourra s’inscrire comme une étape naturelle, logique et légitime, renforçant la crédibilité et la légitimité de l’action marocaine. Dans cette approche, chaque partenaire africain, ou des pays occidentaux qui soutiennent la stabilité et le développement de la région, peut être mobilisé pour accompagner cette transition et isoler définitivement le polisario.
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