Ce diagnostic repose sur les données issues de l’enquête nationale sur la violence à l’encontre des femmes et des hommes menée en 2019, et met en lumière un fléau profond, multiforme et toujours banalisé.
Le Maroc ne part pas de zéro : des efforts ont été faits. Mais l’ampleur du problème exige une mobilisation nationale, transversale et urgente. Écoles, familles, médias, justice, institutions : tous doivent parler d’une seule voix pour briser le silence. Il en va non seulement des droits des enfants, mais de l’avenir même de notre société.
Le foyer, premier lieu de violence
Les résultats sont sans appel : le cadre domestique reste le principal espace de violences pour les jeunes filles marocaines. Près de 60 % d’entre elles y subissent des violences conjugales, familiales ou économiques. Dans les relations intimes, les actes de brutalité physique, de coercition sexuelle ou de harcèlement psychologique sont fréquents. Plus d'une jeune fille sur deux a été frappée, bousculée ou humiliée par son partenaire. Le drame se joue souvent à huis clos, sous couvert de traditions ou de silence familial.L’école, un espace d’apprentissage... et de peur
Un quart des filles interrogées ont subi des violences dans le milieu éducatif, avec une forte disparité entre milieux urbain (22,8 %) et rural (34,9 %). Les agresseurs sont dans la majorité des cas des camarades (62 %) ou des enseignants (31 %). Au-delà de la gravité des actes – harcèlement, menaces, humiliations, voire agressions sexuelles – ces violences alimentent le décrochage scolaire des jeunes filles et compromettent leur avenir.L'ombre des écrans : la cyberviolence en hausse
Avec près de 282 000 victimes, la violence électronique touche 29,4 % des filles âgées de 15 à 19 ans. Cette forme insidieuse de maltraitance, qui se déploie sur les réseaux sociaux, dans les messageries ou les jeux en ligne, reflète une nouvelle configuration de la violence de genre. Elle est majoritairement perpétrée par des hommes, souvent anonymes. Les filles issues de foyers dirigés par des femmes sont particulièrement exposées, tout comme celles insérées dans le monde professionnel.
Quand la violence commence dès l’enfance
Le rapport révèle une autre réalité glaçante : 42 % des filles ont subi une violence physique ou sexuelle durant leur enfance. Les parents – et particulièrement les pères – sont désignés comme les principaux agresseurs. Dans ces foyers, l’éducation peut prendre la forme d’un contrôle autoritaire où coups, cris et humiliations deviennent un mode de régulation.Mariages précoces et pauvreté : un terreau fertile
Parmi les filles mariées ou divorcées, 63,2 % ont été mariées avant 18 ans, un chiffre qui grimpe à 67,2 % en milieu rural. Ces mariages précoces, souvent dictés par des logiques économiques ou sociales, exposent les jeunes filles à un risque accru de violence conjugale. Le mariage devient, non pas un refuge, mais un piège.Une société encore complice ?
Le poids des normes sociales reste écrasant. Près de 40 % des jeunes filles considèrent que la violence conjugale est une affaire privée, et 18,4 % estiment qu’il faut parfois l’endurer pour préserver la famille. Ces représentations, nourries par la peur, le manque de ressources et l’inertie sociale, constituent un obstacle majeur à la dénonciation et à la prise en charge des victimes.Lutter, mais comment ?
Les données analysées montrent qu’une autonomie économique et éducative réduit significativement le risque de violence. Les filles disposant d’un revenu ou exerçant une activité sont beaucoup moins exposées. L’éducation, l’accès à l’emploi, la lutte contre les stéréotypes de genre et la sensibilisation dès le plus jeune âge apparaissent comme des leviers décisifs.Le Maroc ne part pas de zéro : des efforts ont été faits. Mais l’ampleur du problème exige une mobilisation nationale, transversale et urgente. Écoles, familles, médias, justice, institutions : tous doivent parler d’une seule voix pour briser le silence. Il en va non seulement des droits des enfants, mais de l’avenir même de notre société.
Chiffres-clés de la violence envers les filles (15-19 ans)
- 70,7 % ont subi une forme de violence en 12 mois
- 59,4 % dans le cadre domestique (famille ou couple)
- 25,3 % dans les établissements scolaires
- 29,4 % victimes de cyberviolence
- 23,3 % victimes de violence sexuelle
- 63,2 % mariées avant 18 ans
- 42 % ont subi de la violence dès l’enfance
