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Adil Embarch : Le Maroc et l’Azerbaïdjan ont posé les fondations d’une coopération structurée et multisectorielle

Les relations maroco-azerbaïdjanaises sont au beau fixe. Selon Adil Embarch, ambassadeur du Maroc à Bakou, il existe une convergence de vues, une complémentarité économique et une volonté ferme de bâtir un partenariat stratégique et mutuellement bénéfique.

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Le Matin: Comment évaluez-vous l’évolution récente des relations entre le Maroc et l’Azerbaïdjan, sur les plans politique, économique et culturel ?

Adil Embarch: Les relations entre le Maroc et l’Azerbaïdjan ont connu un développement significatif ces dernières années, et ce conformément à la vision de Sa Majesté Le Roi Mohammed VI, que Dieu L’assiste qui vise à diversifier et approfondir les partenariats du Royaume avec d’autres régions du monde, notamment le Caucase et l’Asie centrale. Cette dynamique positive a connu un tournant important avec la visite à Bakou, en 2018, de Monsieur Nasser Bourita, ministre des Affaires étrangères, pour des consultations politiques et pour coprésider avec son homologue azerbaïdjanais la première session de la commission mixte de coopération. Cette rencontre a permis de poser les fondations d’une coopération structurée et multisectorielle.

Après une courte pause durant la période de la pandémie de Covid-19, les relations ont repris de plus belle, avec une augmentation notable des échanges à tous les niveaux. Le cadre juridique bilatéral s’est d’ailleurs renforcé dans divers domaines. Les échanges de visites se sont multipliés, entre aussi bien les institutions gouvernementales que le Parlement, le monde de la culture et d’autres secteurs clés. Ces contacts réguliers ont favorisé une meilleure compréhension mutuelle et contribué à élargir les champs de coopération.

Sur le plan économique, la tenue du Conseil d'affaires maroco-azerbaïdjanais à Rabat en novembre 2023 a marqué une étape importante. Cet événement a permis aux opérateurs privés des deux pays de se rencontrer, d’échanger et d’identifier des opportunités concrètes à travers plusieurs rencontres BtoB dans des secteurs variés. Le volume des échanges commerciaux a ainsi connu une nette augmentation. Toutefois, il demeure encore en deçà des ambitions affichées et, surtout, du potentiel réel qu’offrent les deux économies.

Sur le plan culturel, des initiatives communes ont été développées pour rapprocher les peuples, à travers des manifestations artistiques, des échanges universitaires et des programmes de coopération dans le domaine du patrimoine. En résumé, les relations maroco-azerbaïdjanaises sont aujourd’hui dans une tendance ascendante, basée sur une convergence de vues, une complémentarité économique et une volonté ferme de bâtir un partenariat stratégique et mutuellement bénéfique.

Quel a été, selon vous, l’impact de la visite de S.A.R. la Princesse Lalla Hasnaa à Bakou en mai 2025 sur le renforcement des relations bilatérales, notamment à travers la coopération entre la Fondation Mohammed VI pour la protection du patrimoine culturel de Rabat et la Fondation Heydar Aliyev ?

La visite de Son Altesse Royale la Princesse Lalla Hasnaa à Bakou, en mai 2025, a constitué un jalon majeur dans l’histoire des relations bilatérales entre le Royaume du Maroc et la République d’Azerbaïdjan. Il s’agit en effet de la toute première visite officielle d’un membre de la Famille Royale marocaine en Azerbaïdjan, à l’invitation de Son Excellence Mme Mehriban Aliyeva, Présidente de la Fondation Heydar Aliyev, Première Dame et Première Vice-Présidente de la République.

Cette visite de haut niveau a été placée sous le signe du dialogue culturel et de la préservation du patrimoine, deux domaines qui occupent une place centrale dans les politiques publiques des deux pays. Le programme de Son Altesse Royale à Bakou a été particulièrement dense et riche en symboles, avec des activités mettant en valeur la coopération culturelle, la valorisation du patrimoine matériel et immatériel, ainsi que la transmission intergénérationnelle des savoirs et des traditions.

Par ailleurs, la présence de Son Altesse Royale à Bakou a suscité un vif intérêt médiatique et populaire, ce qui illustre l’estime portée au Maroc et à sa culture. Un des moments forts a été la rencontre de Son Altesse Royale avec une dizaine de femmes azerbaïdjanaises issues du monde de la culture, de l’art et des médias, qui a été perçue comme un geste de proximité et de dialogue interculturel, fortement apprécié. Cette visite a non seulement renforcé la dimension culturelle de la coopération bilatérale, mais elle a également contribué à rapprocher davantage les deux peuples.

Quelles sont les initiatives actuelles en matière de diplomatie culturelle entre le Maroc et l’Azerbaïdjan, et comment ces échanges contribuent-ils à rapprocher les deux peuples ?

La diplomatie culturelle joue aujourd’hui un rôle central dans le rayonnement international des nations, en tant qu’instrument essentiel du soft power. Le Maroc, sous la conduite éclairée de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, que Dieu l’assiste, accorde une place majeure à la culture et aux arts. Il s’agit d’un levier stratégique pour promouvoir les valeurs qui constituent le socle du Royaume. De son côté, l’ambassade du Maroc à Bakou est très active en matière de diplomatie culturelle qui vise à faire connaître la richesse, la diversité et l’authenticité du patrimoine marocain. Ainsi, à l’occasion du 30ᵉ anniversaire des relations diplomatiques entre le Maroc et l’Azerbaïdjan, un concours de peinture a été organisé, réunissant plus de 500 participants. Cet engouement illustre l’intérêt du public azerbaïdjanais pour le Maroc et sa culture.

Une exposition photographique intitulée «Le Patrimoine architectural marocain, de l’Antiquité à nos Jours», a également été organisée pour mettre en lumière la richesse de cet aspect du patrimoine national. Elle a été accueillie quelques mois plus tard dans une administration à forte affluence à Bakou. Dans le but de renforcer également la dimension panafricaine de sa diplomatie, l’ambassade a organisé, pour la deuxième fois, les Journées du cinéma africain à Bakou, avec le soutien du Festival du cinéma africain de Khouribga, à l’occasion de la Journée de l’Afrique célébrée le 25 mai. Cette initiative s’inscrit dans la Vision Royale visant à positionner le Maroc comme un acteur engagé en faveur du développement et de la promotion du continent africain dans son ensemble.

Autre moment fort: en juin dernier, un récital de piano a été donné au prestigieux Centre International du Mugham. Le jeune prodige marocain Mahmoud El Moussaoui y a interprété, aux côtés d’œuvres classiques de Debussy, Schumann ou Haydn, deux pièces du compositeur marocain Nabil Benabdeljalil. Cet événement a permis de montrer que la scène artistique marocaine est non seulement vivante et plurielle, mais qu’elle est aussi ouverte à des formes d’expression variées, y compris la musique classique occidentale.

Sur le plan économique, quels sont aujourd’hui les secteurs les plus porteurs pour développer les échanges entre les deux pays ?

Le volume des échanges commerciaux entre le Maroc et l’Azerbaïdjan demeure encore assez modeste, mais il enregistre une croissance régulière à deux chiffres. Cette évolution est soutenue par un cadre juridique déjà en place, comprenant plusieurs accords de coopération économique, commerciale, douanière et logistique, qui visent à faciliter les flux commerciaux et encourager les investissements. À ce jour, le gros des exportations marocaines vers l’Azerbaïdjan est constitué de prêt-à-porter, un secteur dans lequel le savoir-faire du Maroc est reconnu. Ces dernières années, les pièces détachées automobiles ont également fait leur apparition dans les flux commerciaux. Ces deux domaines disposent encore d’une large marge d’évolution, tant en volume qu’en valeur ajoutée, à condition d’une présence plus affirmée des opérateurs sur le marché azéri, et d’un effort accru de prospection et de promotion.

Parmi ces secteurs, le tourisme constitue un levier économique prioritaire. L’entrée en vigueur de l’accord d’exemption de visa touristique pour les titulaires de passeports ordinaires a pour objectif de stimuler non seulement les flux touristiques, mais aussi les visites d’affaires. Après avoir réalisé une étude de marché dans ce sens, notre ambassade, en partenariat avec l’ONMT, a organisé il y a quelques mois un voyage d’initiation au Maroc au profit d’une dizaine des plus grandes agences de voyage azerbaïdjanaises. Aujourd’hui, la présence du Royaume est de plus en plus visible à Bakou, notamment à travers des panneaux publicitaires offrant des packages vers le Maroc, et les chiffres du tourisme sont en hausse. Toutefois, cette tendance doit encore être consolidée: il est nécessaire que les opérateurs privés marocains soient plus offensifs sur le marché azerbaïdjanais, notamment en participant aux grands salons professionnels, en lançant des campagnes de promotion ciblées et en tissant des partenariats avec les agences locales. L’ambassade se tient pleinement mobilisée pour accompagner toute initiative dans ce sens.

Les économies des deux pays sont très complémentaires. Ceci offre de grandes opportunités dans plusieurs domaines tels que l’agroalimentaire, secteur où le Maroc se distingue par une forte expérience et une grande compétitivité. Le Maroc, leader mondial dans la production d’engrais phosphatés, peut contribuer à l’intensification de l’agriculture azerbaidjanaise. Le secteur des cosmétiques naturels tels que les produits à base d’argan, de rhassoul, d’eau de rose ou encore les savons traditionnels trouvent un écho favorable sur le marché azerbaidjanais, notamment auprès des classes urbaines sensibles aux produits naturels et artisanaux. L’artisanat et le textile traditionnel, tel que les caftans, la maroquinerie, le zellige et les objets décoratifs, attirent un public azerbaidjanais sensible à l’authenticité et à la finesse du travail fait main.

Par ailleurs, l’industrie pharmaceutique marocaine présente un fort potentiel d’exportation vers l’Azerbaïdjan, qui cherche à diversifier ses sources d’approvisionnement. Les médicaments génériques, les compléments alimentaires et les produits parapharmaceutiques à base de plantes médicinales pourraient trouver leur place sur ce marché. L’énergie renouvelable représente également un champ de coopération stratégique potentiel. Le Maroc, pionnier en matière d’énergie solaire et éolienne, pourrait accompagner l’Azerbaïdjan dans sa transition énergétique, à travers des partenariats technologiques ou le développement de projets conjoints.

Enfin, les services ne sont pas en reste. Les secteurs des services financiers, des assurances, de la logistique, ou encore du numérique, peuvent faire l’objet d’échanges d’expertise et de partenariats entre institutions publiques et privées. Le Maroc, fort de son expérience de hub africain dans ces domaines, peut proposer des solutions adaptées aux ambitions régionales de l’Azerbaïdjan. Malgré certaines contraintes logistiques, notamment l’absence de ligne maritime directe, des solutions viables existent, comme le transit via la Turquie ou la Géorgie, ou le recours au fret aérien pour les produits à forte valeur ajoutée. Le développement de plateformes commerciales régionales et la participation aux salons professionnels à Bakou permettraient également de renforcer la visibilité de l’offre marocaine non seulement en Azerbaïdjan, mais dans toute la région.

L’Azerbaïdjan se distingue par son modèle de vivre-ensemble fondé sur la laïcité et la diversité religieuse et ethnique. Comment ce modèle peut-il être présenté aux lecteurs marocains ?

Le modèle azerbaïdjanais de vivre-ensemble mérite d’être présenté aux lecteurs marocains comme un exemple original de coexistence harmonieuse entre modernité, attachement aux traditions et respect de la diversité. L’Azerbaïdjan, bien qu’à majorité musulmane, a fait le choix d’un État laïc. Ce modèle peut être comparé à l’approche marocaine en matière de tolérance et de dialogue interreligieux, dans la mesure où les deux pays valorisent la coexistence pacifique, la diversité identitaire et la modération religieuse comme des piliers de stabilité et de progrès. En Azerbaïdjan, les musulmans sunnites et chiites vivent en parfaite symbiose. Les synagogues et les églises sont également actives et le pays accueille régulièrement des forums de dialogue interreligieux et interculturel, auxquels participent de hauts représentants des religions du monde entier.

L’Azerbaïdjan un pays musulman laïc qui a su préserver son identité tout en promouvant le respect mutuel et le multiculturalisme. Ce modèle, a beaucoup de choses en commun avec les valeurs du Royaume du Maroc promues par Sa Majesté Le Roi Mohammed VI, Amir Al-Mouminine, ce qui constitue une base pour une réflexion commune sur les manières de renforcer le rôle des pays musulmans modérés dans la promotion d’un islam du juste milieu et d’un vivre-ensemble apaisé.

Quelle est la position de l’Azerbaïdjan sur la question du Sahara marocain ?

La position de l’Azerbaïdjan sur la question du Sahara marocain est constante, cohérente et fondée sur les principes du droit international, en particulier le respect de la souveraineté, de l’intégrité territoriale des États et le rejet du séparatisme. Cette position remonte à 1994, lorsque Feu le Président Heydar Aliyev avait participé au Sommet de l’Organisation de la Conférence islamique à Casablanca. À cette occasion, il avait rencontré Feu Sa Majesté Le Roi Hassan II, que Dieu ait Son âme. Les deux leaders avaient alors posé les jalons d’une compréhension mutuelle fondée sur la solidarité face au séparatisme et le soutien respectif de l’intégrité territoriale.

Depuis lors, l’Azerbaïdjan n’a jamais reconnu ou eu de contact avec l’entité fantoche et s’est toujours abstenu de toute action susceptible de remettre en cause la souveraineté du Royaume du Maroc sur ses provinces du Sud. Cette posture de principe s’est illustrée de manière particulièrement claire à plusieurs reprises, notamment en novembre 2020, lors des événements de Guergarate, où l’Azerbaïdjan a exprimé un soutien fort et sans ambiguïté aux mesures prises par le Maroc pour rétablir la libre circulation des biens et des personnes dans la frontière qui sépare le Maroc et la Mauritanie.

Plus récemment, en novembre 2023, l’Azerbaïdjan a franchi un nouveau palier dans son soutien en exprimant de manière claire et explicite son appui au plan d’autonomie présenté par le Maroc comme base sérieuse et crédible de règlement du différend autour du Sahara. Ce soutien est consigné dans le procès-verbal de la deuxième session de la commission mixte.

Quel message souhaiteriez-vous adresser aux Marocains pour mieux découvrir l’Azerbaïdjan et les opportunités qu’offre ce pays ami ?

J’invite mes compatriotes à découvrir l’Azerbaïdjan, un pays ami et hospitalier. Situé au carrefour du Caucase, de l’Asie et de l’Europe, l’Azerbaïdjan surprend par sa modernité urbaine, son héritage historique et sa nature variée. La récente entrée en vigueur de l’exemption de visa touristique entre les deux pays est le résultat de la volonté commune de renforcer les échanges humains, culturels et économiques entre les deux pays. Elle facilite non seulement le tourisme, mais aussi les déplacements à des fins d’affaires ou d’échanges académiques.

Néanmoins, il est recommandé aux voyageurs de préparer leur séjour avec soin, conformément aux usages et aux dispositions locales. Afin d’éviter tout désagrément, les touristes pourraient être invités à présenter à l’arrivée une preuve d’hébergement, un billet de retour et des moyens de subsistance suffisants pour la durée du séjour. Ces formalités, classiques dans le contexte international, visent à garantir un accueil fluide et sans accroc.

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