La rivalité entre Aziz Akhannouch et Abdelilah Benkirane ne faiblit pas. Au contraire, elle semble s'exacerber à mesure que les prochaines élections approchent. De meeting en meeting, les deux figures de la scène politique marocaine ne ratent aucune occasion pour se lancer des quolibets et des réflexions peu amènes. Et si les piques s’échangent souvent sans nommer l’adversaire, le public n’est pas dupe : c’est bel et bien une guerre tacite entre le Chef du gouvernement et le secrétaire général du Parti de la justice et du développement (PJD) qui se joue, à coups de discours tranchants et d’accusations à peine voilées.
À Dakhla, Akhannouch frappe fort
C’est depuis Dakhla, ville vitrine du développement régional des provinces du Sud, que Aziz Akhannouch a livré samedi une charge politique d’une rare virulence contre son adversaire politique. À l’occasion du lancement de «La voie des réalisations» du Rassemblement national des indépendants (RNI), le président du parti a profité de la tribune pour décocher plusieurs flèches bien dirigées à l'encontre de ses détracteurs – au premier rang desquels se trouve, bien entendu, le chef de file du PJD. Sans jamais citer Benkirane, le Chef du gouvernement a dénoncé une stratégie de «sabotage politique» qui, selon lui, dépasse désormais la simple opposition gouvernementale. «La gravité de la situation a dépassé le simple fait d'entraver l'action gouvernementale pour s'attaquer maintenant au Maroc en tant qu'État, à ses réalisations, et même à son image à l'international», a-t-il lancé devant une foule enthousiaste.
«La politique, c’est l’action»
Dakhla n’a pas été choisie au hasard. Aux yeux du Chef du gouvernement, cette ville est devenue un symbole des avancées concrètes du Maroc. «La politique, c’est l’action et les réalisations sur le terrain, pas les insultes ou les remises en question systématiques», a-t-il martelé, visiblement déterminé à opposer le «pragmatisme du bilan aux discours jugés stériles» de ses opposants. M. Akhannouch n’a d’ailleurs pas manqué l’occasion pour revendiquer également la légitimité démocratique du RNI : «Nous avançons la tête haute à la rencontre des citoyens», a-t-il déclaré, en réponse implicite aux accusations de fraude électorale formulées deux jours auparavant par M. Benkirane. «Ceux qui n’ont rien à proposer feraient mieux de se taire, au lieu de polluer le débat», a-t-il répondu indirectement à les accusations.
Mise en scène d’un leadership en action
Dans son discours, le Chef du gouvernement a saisi l’occasion pour insister sur les grands chantiers lancés à Dakhla, notamment les 750 millions de dirhams investis dans l’aménagement urbain et les infrastructures de proximité. Le Port Atlantique, projet structurant à forte portée géostratégique, a également été mis en avant comme illustration de la «vision Royale mise en œuvre par le gouvernement». Mais au-delà du bilan, c’est un message politique clair que le chef de file du RNI entend faire passer : «Alors que nous œuvrons pour la concrétisation des programmes de développement, certains préfèrent encore les polémiques stériles et les calomnies», a-t-il fustigé.
Benkirane contre-attaque : «Un gouvernement de l’échec»
Les clarifications de Akhannouch sont une réponse indirecte à la sortie médiatique de Benkirane. Deux jours plus tôt, depuis Casablanca, Abdelilah Benkirane avait n’a pas mâché ses mots lors d’un discours prononcé le 1er mai devant le syndicat de l’Union nationale du travail au Maroc (UNTM). À cette occasion, le chef du PJD n’a pas hésité à qualifier le gouvernement Akhannouch de «gouvernement de l’échec». Il l’a accusé d’avoir trahi les promesses faites au peuple marocain, notamment celle de bâtir un «État social», concept qu’il estime avoir été vidé de son sens. «C’est un concept porté par Sa Majesté le Roi, mais que ce gouvernement n’a pas su traduire en actes», a-t-il regretté. M. Benkirane ne s’est pas arrêté là. Il a remis en cause la légitimité du RNI, qu’il accuse d’avoir remporté les dernières élections à coups de méthodes douteuses. «Ils ont acheté des voix avec de l’argent», a-t-il affirmé, n’hésitant pas à évoquer des pressions exercées sur les électeurs.
Vers une campagne à couteaux tirés ?
Ces échanges marquent une nouvelle escalade verbale dans l’opposition frontale que mène le PJD contre le gouvernement, dans un contexte politique déjà électrisé. À l’approche des prochaines échéances électorales, chaque prise de parole semble désormais taillée pour marquer des points dans l’arène politique. Le ton se durcit et les invectives se multiplient. Tout laisse présager une campagne électorale tendue, où les affrontements verbaux risquent de se transformer en véritables clashs politiques. Une ambiance préélectorale chargée où la confrontation d’idées pourrait, hélas, céder le pas à une guerre de positions.
