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Après la résolution 2797, il faut s’atteler à consolider notre victoire diplomatique (El Otmani)

Pour Saad Dine El Otmani, ancien chef du gouvernement et surtout ex-ministre des Affaires étrangères, la résolution onusienne du 31 octobre consacre l’autonomie comme seul cap politique au Sahara. Tandis que le Polisario se replie, que l’Algérie s’arcboute sur des positions figées, le Maroc avance : les soutiens s’élargissent, les consulats se multiplient dans les provinces du Sud… Une victoire diplomatique nette que Rabat choisit pourtant d’inscrire dans l’ouverture, pas dans la revanche. La main reste tendue, le dialogue proposé. Car pour M. El Otmani, le basculement de la résolution 2797 n’est pas seulement un aboutissement, c’est une responsabilité nouvelle.

Ph : MAP Archives
Ph : MAP Archives
«Ce qui change, c’est que l’autre camp encaisse le coup», tranche Saad Dine El Otmani lors de son passage, au lendemain du vote onusien sur l’émission «De Rabat» au «The voice of Morocco». Pour lui, l’impact de la résolution 2797, adoptée par le Conseil de sécurité le 31 octobre 2025, qui consacre le plan d'autonomie marocain de 2007 comme base pour la résolution du conflit au Sahara, s’est d’abord mesuré aux réactions qu’elle a provoquées : «La réponse du front séparatiste a été violente, avant même le vote. Après coup, ils ont officiellement déclaré qu’ils refusaient de négocier sur la base de l’autonomie.» Côté algérien, l’abstention au moment du vote traduit, selon lui, une perte de repères. «L’Algérie est aujourd’hui dans une impasse. Elle vit des contradictions dans les déclarations de ses responsables et de sa presse. Leur presse annonçait une défaite imminente du Maroc, mais la réalité les a rattrapés.» L’ancien chef du gouvernement et ex-ministre des Affaires étrangères y voit le signe d’un isolement grandissant du régime algérien. «Il y aura un impact sur l’Union africaine. On peut s’attendre à une dynamique de retrait de la reconnaissance de la pseudo-RASD», prédit-il.

L’ONU acte un tournant politique majeur

Pour M. El Otmani, la résolution 2797 marque un moment de bascule : «Ce n’est pas un simple progrès, c’est un saut historique.» Ce texte consacre le plan d’autonomie marocain, proposé en 2007, comme unique base de résolution du conflit. «L’initiative marocaine n’est plus seulement saluée, elle est désormais désignée comme base unique des négociations.» Il insiste sur la valeur des mots : «Il ne s’agit plus de négociations ouvertes. Le Conseil parle désormais de négociations sur la base de l’initiative marocaine». Mieux encore, selon lui, «Le Conseil de sécurité a abandonné l’option du référendum depuis longtemps, et le Secrétaire général lui-même appelle à des initiatives politiques. Le Maroc, lui, a présenté la sienne.»
Et pourtant, le chemin ne sera pas simple. «Il ne faut pas croire que le problème sera réglé en six mois», tempère M. El Otmani. À ses yeux, le texte du Conseil de sécurité constitue une avancée stratégique, mais non une solution immédiate. Le blocage reste réel : «Le Maroc a ouvert la porte à la négociation. S.M. le Roi a tendu la main. Mais encore faut-il que l’Algérie accepte de franchir le seuil.» Sur ce point, l’ancien chef du gouvernement revient sur un point souvent mal compris : la notion de «droit à l’autodétermination» évoquée dans le texte onusien. Selon lui, elle est conforme à la doctrine des Nations unies : «Le droit à l’autodétermination ne veut pas dire automatiquement indépendance. L’autonomie est elle-même une des formes d’autodétermination.»

La diplomatie Royale : prudence, main tendue et fermeté

M. El Otmani salue «la constance de S.M. le Roi Mohammed VI» dans la gestion du dossier : «C’est toujours le même message : la main tendue à l’Algérie, la volonté de trouver une solution négociée, sans renoncer à la souveraineté.» Il insiste sur la force tranquille d’un Discours Royal qui, même dans la victoire diplomatique, refuse de céder au triomphalisme. «Le Souverain a bien dit : pas de vainqueur, pas de vaincu. C’est une main tendue, mais solide.» Si l’ancien ministre des Affaires étrangère ne manque pas saluer la percée diplomatique du 31 octobre dernier, il estime qu’il est temps de fignoler l’offre d’autonomie et de prendre les dispositions nécessaires pour la faire aboutir. Pour lui, le Maroc doit s’atteler sans plus attendre à la mise en œuvre du projet d’autonomie, notamment sur les plans institutionnel, politique et administratif.

Et maintenant, construire de l’intérieur

«Il faudra sans doute une modification constitutionnelle», admet-il, «et surtout, restaurer la confiance dans les acteurs du jeu politique». M. El Otmani pointe du doigt la crise de la classe politique : «Nos élites politiques doivent être à la hauteur de ce tournant. Les petits calculs, les logiques de court terme nuisent à l’image de nos institutions et de notre démocratie. Or on ne peut pas construire une solution ambitieuse sans s’appuyer sur une gouvernance forte, crédible et propre.» Ainsi, pour l’ancien secrétaire du PJD, le diagnostic est clair : réussir l’autonomie au Sahara suppose de repenser la gouvernance territoriale du Maroc dans son ensemble. «Nous devons passer d’un État centralisé à un État composé, sans pour autant tomber dans la fragilité», explique M. El Otmani. Il évoque un modèle «souple», «basé sur la subsidiarité», et inspiré de la diversité historique du Maroc.
Mais l’ancien chef du gouvernement le répète : sans transformation politique nationale, l’autonomie pourrait échouer, ou pire, se retourner contre l’État. En évoquant les défis à venir, Saad Dine El Otmani ne se veut ni optimiste naïf ni alarmiste. Pour lui, le Maroc a remporté une bataille décisive au sein des Nations unies, mais le plus dur commence peut-être maintenant : faire vivre concrètement l’autonomie, à la fois sur le terrain saharien et dans l’architecture institutionnelle du pays. «Cette avancée crée des devoirs. Ce serait une faute grave que de la gâcher. S.M. le Roi a montré la voie, à nous, classe politique, société civile et citoyens de jouer notre rôle.»
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