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Listes et campagnes électorales, inscriptions... ce que change le projet de loi 55.25

À moins d’une année des législatives de 2026, le gouvernement engage une refonte ambitieuse du cadre électoral. Le projet de loi 55.25 relatif aux listes électorales générales, aux opérations de référendum et à l'utilisation des moyens audiovisuels publics durant les campagnes électorales et référendaires, adopté par la Chambre des représentants, introduit des modifications majeures dans le système d’inscription, renforce les garanties de transparence et durcit les sanctions contre les fraudes. Tour d’horizon d’un texte stratégique pour la crédibilité du scrutin à venir.

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Adopté par la commission de l’Intérieur de la Chambre des représentants, le 28 novembre 2025, le projet de loi 55.25 constitue l’un des piliers de la réforme électorale engagée par les autorités marocaines à l’approche des échéances législatives de 2026. Ce texte est un des trois volets d’un trio législatif comprenant également le projet de loi 54.25, relatif aux partis politiques et le projet de loi 53.25, portant organisation de la Chambre des représentants.



À eux trois, ces textes redéfinissent en profondeur les règles de la compétition électorale et, ipso facto, du jeu démocratique. Dans ce sens, le projet 55.25 vient modifier et compléter les dispositions de la loi organique 57.11, qui encadre les listes électorales générales, les opérations de référendum ainsi que l’utilisation des médias audiovisuels publics durant les campagnes électorales et référendaires. Il intervient dans un contexte où l’efficacité, la transparence et l’inclusivité des processus électoraux sont devenues des exigences majeures, aussi bien pour les institutions que pour l’opinion publique.

Des inscriptions en ligne

La réforme portée par le projet de loi 55.25 s’attaque d’abord à la question cruciale de l’inscription sur les listes électorales. Pour la première fois, l’enregistrement en ligne est officiellement intégré dans le dispositif légal, aussi bien pour les citoyens résidant au Maroc que pour les Marocains du monde. Cette numérisation du processus vise à simplifier les démarches, à en réduire les délais et à toucher un public plus jeune, souvent éloigné des procédures administratives classiques. Le texte entérine également la carte nationale d’identité comme unique justificatif pour s’inscrire, supprimant ainsi toute exigence documentaire supplémentaire. L’âge légal pour figurer sur les listes est clairement fixé à 18 ans révolus à la date de clôture des listes, ce qui harmonise les pratiques et lève toute ambiguïté en période préélectorale. En parallèle, le projet consacre l’obligation pour tout électeur ayant changé de lieu de résidence de transférer son inscription à la commune ou circonscription de son nouveau domicile. À défaut, la radiation automatique est prévue. L’administration s’arme donc de nouveaux outils pour garantir la fiabilité des listes, en réduisant les cas de double inscription et en rapprochant les électeurs de leur territoire de vote réel.

Transparence, rigueur et moralisation du processus

Au-delà des aspects techniques, le texte reflète une volonté manifeste de moraliser l’acte électoral. L’élargissement des motifs d’inéligibilité électorale constitue une des nouveautés marquantes de cette réforme. Toute personne condamnée pour corruption, détournement de fonds publics, manipulation du scrutin ou atteinte à la probité publique pourra être exclue des listes électorales. Sont également visées des infractions liées à l’exercice de fonctions publiques sensibles, comme la violation du devoir de réserve ou la divulgation d’informations privilégiées. Le projet prévoit par ailleurs des sanctions plus lourdes à l’encontre de ceux qui inscrivent des électeurs indûment, falsifient des données ou usent de moyens frauduleux pour influer sur les résultats. Ces mesures s’inscrivent dans une logique de tolérance zéro envers les pratiques clientélistes et les manipulations qui entachent la confiance des citoyens dans les scrutins.

Un cadre juridique harmonisé pour une gestion plus efficace

Le projet de loi 55.25 procède aussi à une unification bienvenue du dispositif législatif. Il intègre dans la loi 57.11 plusieurs dispositions auparavant prévues dans la loi 88.14 sur la révision exceptionnelle des listes électorales. L’objectif est de centraliser les règles dans un seul texte et de faciliter leur mise en œuvre sur le terrain, en particulier pour les administrations locales et les représentations diplomatiques. La réforme accorde également une place plus formelle aux technologies numériques, en rendant possible la notification des décisions des commissions administratives par courrier électronique, notamment pour les Marocains résidant à l’étranger. En cas de contentieux, les délais de traitement des recours par les tribunaux sont réduits, permettant une prise de décision plus rapide et un meilleur respect du calendrier électoral. Autre modification notable : la suppression du délai fixe de quarante jours avant l’échéance électorale pour la clôture définitive des listes. Le nouveau dispositif donne au ministère de l’Intérieur la latitude de fixer ce délai par arrêté, en fonction des contraintes logistiques et des impératifs politiques.

Prévenir les dérives électorales à l’ère numérique

Enfin, la réforme met l’accent sur la régulation de l’information électorale en ligne. Face à la montée en puissance des réseaux sociaux, des plateformes numériques et de l’intelligence artificielle, le projet de loi interdit formellement la publication de sondages ou d’estimations électorales pendant la période de réserve, soit du quinzième jour précédant la campagne jusqu’à la clôture du vote. Les contrevenants s’exposent à des peines de prison et à des amendes renforcées, avec des sanctions encore plus sévères si l’auteur est une personne morale. L’objectif est clair : prévenir toute manipulation de l’opinion à travers des outils numériques, souvent incontrôlables, mais à fort potentiel de désinformation. En criminalisant ces pratiques, le législateur entend préserver l’équité entre candidats et garantir une expression libre et éclairée du suffrage.

Une réforme ambitieuse, à concrétiser dans les faits

À travers le projet de loi 55.25, le Maroc engage une réforme électorale de grande ampleur, à la fois modernisatrice et éthique. Si les intentions sont louables et les outils juridiques renforcés, la réussite de cette réforme dépendra avant tout de sa mise en œuvre concrète sur le terrain : formation des agents, accessibilité des plateformes numériques, sensibilisation des citoyens et impartialité dans l’application des sanctions. Alors que le pays se prépare aux élections législatives de 2026, ce texte jette les bases d’un scrutin plus transparent, plus juste et potentiellement plus mobilisateur. Il appartient désormais à l’ensemble des acteurs politiques, institutionnels et civils d’en faire une réalité vécue, et non une promesse sans suite.
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