Le feuilleton de la déchéance du conseiller Abdelilah Lafhal de son mandat de parlementaire devant la Cour constitutionnelle prend fin. Mais cette affaire somme toute ordinaire est riche en rebondissements et en enseignements juridiques. Au cœur des faits, cet élu de la Chambre des conseillers sous la bannière du RNI a été déclaré inéligible par la Cour constitutionnelle le 6 février 2024 (décision 228/24). Et pour cause, sa condamnation antérieure pour tentative d’achat de voix lors des élections communales de 2003, ce qui entraîne selon le Code électoral une inéligibilité pour deux mandats consécutifs. Mais le verdit de la Cour constitue à bien des égards un revirement de taille par rapport à une précédente décision (199/22) où la même Cour avait jugé ces dispositions non rétroactives pour les mêmes faits qui remontent à 2003. Cette nouvelle déchéance intervient après que le ministre de la Justice a saisi la Cour sur la base de l’article 12 de la loi organique régissant la Chambre des conseillers. M. Lafhal s’était pourtant vu confirmer son mandat quelques mois plus tôt par la même institution, qui avait alors débouté ses adversaires avançant des arguments similaires.
Abdelilah Lafhal a été élu dans le cadre des élections indirectes de la Chambre des conseillers dans le cadre du scrutin tenu le 5 octobre 2021 au titre du collège électoral de la chambre agricole de la circonscription électorale de la région de Béni Mellal-Khénifra. Les candidats rivaux ont saisi la Cour constitutionnelle (dossier 199/22) estimant que l’élu concerné se trouve dans l’un «des cas d’inéligibilité». Ils ont mis en avant des décisions judiciaires ayant acquis l’autorité de la chose jugée condamnant l’intéressé (décisions en première instance, en appel et par la Cour de cassation) à 2 mois de prison fermes pour avoir essayé d’influencer le vote d’un collège électoral par des dons de sommes d’argent. Ce qui entraîne, ainsi que cela a été avancé par les requérants, «l’inéligibilité pour deux mandats électoraux successifs», ainsi que le prévoit le Code électoral 9.97. Mais la Cour constitutionnelle a débouté les requérants en arguant du principe constitutionnel de la non-rétroactivité des lois. La Cour a considéré que les faits pour lesquels l’élu Abdelilah Lafhal avait été condamné concernent des faits qui remontent aux élections des conseils communaux du 12 septembre 2003 et que les dispositions juridiques mis en avant n’étaient pas encore en vigueur. En plus, la Cour a considéré que la décision judiciaire le condamnant n’a pas prononcé la sanction supplémentaire portant sur l’éligibilité du candidat pendant deux mandats. Suite à quoi, l’élu contesté a continué à exercer son mandat.
Mais contre toute attente, Abdelilah Lafhal a finalement été déchu de son mandat de conseiller à la Chambre des conseillers. Alors que la Cour constitutionnelle l’avait initialement maintenu à son poste malgré une condamnation antérieure, une nouvelle requête, initiée par le ministre de la Justice, a conduit à son inéligibilité. Une décision qui soulève des interrogations sur l’interprétation des textes juridiques par la plus haute instance. En effet, c’est sur la base de l’article 12 de la loi organique 28-11 que le ministre de la Justice a déposé une requête le 28 septembre 2023, remettant en cause le mandat controversé de M. Lafhal. Cet article prévoit qu’un conseiller peut être déchu s’il «se révèle inéligible après son élection» ou «se trouve dans un cas d’inéligibilité».
Étonnamment, la Cour s’est cette fois appuyée sur les dispositions de l’article 42 du Code électoral 9.97, qui renvoient aux dispositions jugées initialement non applicables en raison du principe de non-rétroactivité. Cet article rend inéligibles «les personnes condamnées irrévocablement à une peine de prison ferme ou avec sursis» pour certaines infractions, dont celle pour laquelle M. Lafhal avait été condamné en 2003. Face à cette nouvelle équipe de juges, les arguments précédents n’ont pas convaincu. La décision 228/24 a ainsi été rendue, prononçant la déchéance du conseiller pour inéligibilité. Près de deux ans après les premières batailles juridiques, Abdelilah Lafhal a donc finalement été déchu de ses fonctions à la Chambre des conseillers.
Toujours est-il que Abdelilah Lafhal n’a eu de cesse de se battre pour conserver son siège de conseiller, malgré cette décision de la plus haute Cour remettant en cause son éligibilité. Pas résigné pour autant, l’intéressé a tenté de jouer une dernière carte en saisissant la Cour pour une «erreur matérielle», conformément à l’article 20 de la loi organique relative à la Cour constitutionnelle. «Toute partie intéressée peut saisir la Cour constitutionnelle d’une demande en rectification d’erreur matérielle d’une de ses décisions. Cette demande doit être introduite dans un délai de vingt (20) jours à compter de la notification de la décision, prévue dans les articles 31 et 38 ci-après, dont la rectification est demandée», précise la loi organique.
Une voie sans issue cependant, puisque la Cour a estimé que sa demande ne précisait pas la nature de l’erreur alléguée, mais remettait plutôt en cause la procédure et la motivation. «La Cour estime que le requérant s’est plutôt penché sur les procédures suivies pour rendre sa décision, ainsi que sur la motivation, en cherchant à la voir révisée», peut-on lire dans les motivations de rejet de cette ultime requête. Une fin de parcours définitive donc, malgré les nombreux rebondissements de ce dossier étalé sur plus de 2 ans. «Les décisions de la Cour ne sont susceptibles d’aucun recours et s’imposent aux pouvoirs publics», tranche en effet l’article 134 de la Constitution. Ayant épuisé tous ses recours, Abdelilah Lafhal n’a désormais plus d’autre choix que d’accepter sa déchéance, conséquence de cette bataille à rebondissements. Voilà qui clôt un dossier pour le moins sinueux, où la haute juridiction constitutionnelle semble avoir évolué dans son interprétation des textes applicables. Une affaire riche en enseignements pour les spécialistes du contentieux électoral et du droit constitutionnel. La cohérence de la jurisprudence, les principes de non-rétroactivité, le champ d’application des dispositions sur l’inéligibilité... Autant de questions soulevées par ce cas fort instructif.
Abdelilah Lafhal au cœur d’une bataille juridique
Abdelilah Lafhal a été élu dans le cadre des élections indirectes de la Chambre des conseillers dans le cadre du scrutin tenu le 5 octobre 2021 au titre du collège électoral de la chambre agricole de la circonscription électorale de la région de Béni Mellal-Khénifra. Les candidats rivaux ont saisi la Cour constitutionnelle (dossier 199/22) estimant que l’élu concerné se trouve dans l’un «des cas d’inéligibilité». Ils ont mis en avant des décisions judiciaires ayant acquis l’autorité de la chose jugée condamnant l’intéressé (décisions en première instance, en appel et par la Cour de cassation) à 2 mois de prison fermes pour avoir essayé d’influencer le vote d’un collège électoral par des dons de sommes d’argent. Ce qui entraîne, ainsi que cela a été avancé par les requérants, «l’inéligibilité pour deux mandats électoraux successifs», ainsi que le prévoit le Code électoral 9.97. Mais la Cour constitutionnelle a débouté les requérants en arguant du principe constitutionnel de la non-rétroactivité des lois. La Cour a considéré que les faits pour lesquels l’élu Abdelilah Lafhal avait été condamné concernent des faits qui remontent aux élections des conseils communaux du 12 septembre 2003 et que les dispositions juridiques mis en avant n’étaient pas encore en vigueur. En plus, la Cour a considéré que la décision judiciaire le condamnant n’a pas prononcé la sanction supplémentaire portant sur l’éligibilité du candidat pendant deux mandats. Suite à quoi, l’élu contesté a continué à exercer son mandat.
La Cour constitutionnelle fait une nouvelle interprétation des textes
Mais contre toute attente, Abdelilah Lafhal a finalement été déchu de son mandat de conseiller à la Chambre des conseillers. Alors que la Cour constitutionnelle l’avait initialement maintenu à son poste malgré une condamnation antérieure, une nouvelle requête, initiée par le ministre de la Justice, a conduit à son inéligibilité. Une décision qui soulève des interrogations sur l’interprétation des textes juridiques par la plus haute instance. En effet, c’est sur la base de l’article 12 de la loi organique 28-11 que le ministre de la Justice a déposé une requête le 28 septembre 2023, remettant en cause le mandat controversé de M. Lafhal. Cet article prévoit qu’un conseiller peut être déchu s’il «se révèle inéligible après son élection» ou «se trouve dans un cas d’inéligibilité».
Étonnamment, la Cour s’est cette fois appuyée sur les dispositions de l’article 42 du Code électoral 9.97, qui renvoient aux dispositions jugées initialement non applicables en raison du principe de non-rétroactivité. Cet article rend inéligibles «les personnes condamnées irrévocablement à une peine de prison ferme ou avec sursis» pour certaines infractions, dont celle pour laquelle M. Lafhal avait été condamné en 2003. Face à cette nouvelle équipe de juges, les arguments précédents n’ont pas convaincu. La décision 228/24 a ainsi été rendue, prononçant la déchéance du conseiller pour inéligibilité. Près de deux ans après les premières batailles juridiques, Abdelilah Lafhal a donc finalement été déchu de ses fonctions à la Chambre des conseillers.
Abdelilah Lafhal plaide l’erreur matérielle
Toujours est-il que Abdelilah Lafhal n’a eu de cesse de se battre pour conserver son siège de conseiller, malgré cette décision de la plus haute Cour remettant en cause son éligibilité. Pas résigné pour autant, l’intéressé a tenté de jouer une dernière carte en saisissant la Cour pour une «erreur matérielle», conformément à l’article 20 de la loi organique relative à la Cour constitutionnelle. «Toute partie intéressée peut saisir la Cour constitutionnelle d’une demande en rectification d’erreur matérielle d’une de ses décisions. Cette demande doit être introduite dans un délai de vingt (20) jours à compter de la notification de la décision, prévue dans les articles 31 et 38 ci-après, dont la rectification est demandée», précise la loi organique.
Une voie sans issue cependant, puisque la Cour a estimé que sa demande ne précisait pas la nature de l’erreur alléguée, mais remettait plutôt en cause la procédure et la motivation. «La Cour estime que le requérant s’est plutôt penché sur les procédures suivies pour rendre sa décision, ainsi que sur la motivation, en cherchant à la voir révisée», peut-on lire dans les motivations de rejet de cette ultime requête. Une fin de parcours définitive donc, malgré les nombreux rebondissements de ce dossier étalé sur plus de 2 ans. «Les décisions de la Cour ne sont susceptibles d’aucun recours et s’imposent aux pouvoirs publics», tranche en effet l’article 134 de la Constitution. Ayant épuisé tous ses recours, Abdelilah Lafhal n’a désormais plus d’autre choix que d’accepter sa déchéance, conséquence de cette bataille à rebondissements. Voilà qui clôt un dossier pour le moins sinueux, où la haute juridiction constitutionnelle semble avoir évolué dans son interprétation des textes applicables. Une affaire riche en enseignements pour les spécialistes du contentieux électoral et du droit constitutionnel. La cohérence de la jurisprudence, les principes de non-rétroactivité, le champ d’application des dispositions sur l’inéligibilité... Autant de questions soulevées par ce cas fort instructif.