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Chèques sans provision : le gouvernement assouplit le cadre légal

Face à plus de 972.000 incidents de paiement enregistrés en 2024 et à la judiciarisation massive des litiges liés aux chèques, le Conseil de gouvernement a adopté le projet de loi n°71.24 modifiant le Code de commerce. Portée par le ministre de la Justice, cette réforme introduit des alternatives à l’incarcération, repense l’article 316 et mise sur la conciliation pour relancer l’usage sécurisé du chèque dans les transactions économiques.

L’utilisation du chèque comme moyen de paiement, bien qu'encadrée par la loi, continue de susciter de graves dysfonctionnements au Maroc. En cause : la multiplication des chèques sans provision, leur traitement systématique par la voie pénale et les conséquences sociales lourdes qui en découlent. Pour remédier à cette situation devenue structurelle, le gouvernement a adopté une réforme en profondeur du régime juridique du chèque à travers le projet de loi n°71.24. Cette révision vise à alléger les procédures judiciaires, renforcer la crédibilité du chèque et encourager les solutions de régularisation amiable.



Présenté par le ministre de la Justice, Abdellatif Ouahbi, le projet de loi s’inscrit dans les orientations stratégiques du Royaume en matière de modernisation du droit des affaires. Il vient modifier et compléter le livre III du Code de commerce, afin d’adapter le cadre juridique aux évolutions rapides dans le domaine des instruments de paiement, tout en répondant aux exigences de la politique pénale en matière financière.

Le porte-parole du gouvernement, Mustapha Baitas, a précisé que selon les statistiques de Bank Al-Maghrib, l’année 2024 a connu près de 30 millions d’opérations de paiement par chèque, représentant un montant total de 1.319 milliards de dirhams. Cependant, 972.230 rejets de chèques ont été enregistrés, pour absence ou insuffisance de provision. Entre 2022 et juin 2025, ces incidents ont donné lieu à 180.223 plaintes, poursuivant 76.936 personnes, dont 58.710 se trouvent actuellement en détention. Des chiffres jugés alarmants, qui traduisent une véritable "crise du chèque", selon le gouvernement.

Face à cette situation, la réforme vise à réhabiliter le chèque comme instrument de paiement crédible, en révisant notamment l'article 316 du Code de commerce. Alors qu’il imposait auparavant une amende de 25 % de la valeur du chèque et un traitement judiciaire systématique en cas de défaut de provision, le nouveau dispositif introduit des mécanismes de régularisation allégés. Désormais, dès lors que le montant du chèque est réglé, la procédure judiciaire est suspendue, moyennant une amende réduite à 2 %.

Le projet introduit aussi une logique de conciliation élargie. Celle-ci est désormais possible à toutes les étapes de la procédure, y compris lors de l’exécution de la peine. Le paiement du montant ou le retrait de la plainte entraîne automatiquement l’arrêt des poursuites ou la suspension de la peine.

En parallèle, de nouveaux dispositifs procéduraux viennent renforcer la flexibilité du système. Le parquet pourra notifier au tireur du chèque la nécessité de provisionner le compte sous 30 jours, avec une possibilité de prolongation de 30 jours supplémentaires avec l’accord du bénéficiaire. L'incarcération pourra, quant à elle, être remplacée par une mesure de contrôle judiciaire. En cas de litiges entre conjoints, ascendants ou descendants, un régime d’exonération des poursuites est aussi prévu.

À travers ce projet de loi, le gouvernement cherche à instaurer une justice plus humaine et proportionnée, tout en renforçant la sécurité juridique des transactions. En facilitant la régularisation des incidents liés aux chèques, la réforme vise à relancer la confiance des opérateurs économiques et à désengorger durablement les juridictions commerciales et pénales.
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