La révision du Code de la famille marocain, projet ayant mûri depuis des décennies, est une saga juridique et sociale complexe, emblématique des tensions entre tradition et modernité. L’actuelle réforme en cours, initiée par Sa Majesté le Roi en juillet 2022, ne fait pas exception. En effet, loin d’être une simple mise à jour technique, cette entreprise audacieuse devait concilier conservatisme et progressisme dans un pays où les lignes entre les deux s’entremêlent allègrement par moments. Le processus a déchaîné des débats passionnés, révélant les profondes divergences de la société marocaine.
Ainsi, si certains voyaient dans la révision une occasion de renouveau, un pas de plus vers l’égalité et la modernité, d’autres nourrissaient de profondes réserves. La partie n’était dès lors pas gagnée d’avance. Un large pan de la société perçoit la famille comme un espace privé, inviolable et l’intervention de l’État une intrusion indésirable. Pour les réfractaires au changement, la Moudawana touchait à l’intimité même du foyer, suscitant des craintes d’une possible perturbation de l’ordre établi. Aux antipodes des tenants de cette vision conservatrice, les progressistes prônaient un chamboulement des règles. Pour eux, il fallait révolutionner la législation, les mentalités suivraient.
Le débat autour de la Qiwamah, souvent interprétée comme une domination masculine, a illustré ces divergences. Les oulémas ont relevé que ce concept ne se résumait pas à une autorité ou une violence, mais à un devoir d’assurer la sécurité et le bien-être de la famille. Pour ce qui est de l’héritage, point de friction majeur avec les associations féministes, les oulémas ont confirmé l’inamovibilité des versets coraniques sur le sujet. Cependant, la possibilité d’adapter la tutelle légale de la femme, notamment dans le cas de divorce, a été envisagée, en veillant à préserver les intérêts de toutes les parties concernées, en particulier l’intérêt supérieur de l’enfant. Le mariage des mineures, lui aussi, a été condamné, mais l’abrogation totale a été jugée contreproductive, notamment en raison du risque accru de mariages clandestins.
Parallèlement aux débats théologiques et sociaux, une autre facette de l’histoire a émergé, celle du système judiciaire marocain lui-même. Les associations féministes ont souligné que la simple réforme du Code ne suffirait pas, le système judiciaire devait aussi être réformé, pour assurer une application juste et équitable des nouvelles dispositions. Le manque de ressources humaines et matérielles, l’accumulation des dossiers, l’impact du référentiel culturel des juges sur l’interprétation des lois, ainsi que le rôle «terne» du ministère public ont été pointés du doigt comme autant d’obstacles à une application effective.
Un besoin impérieux de réforme
La première pierre de ce chantier a été posée par la reconnaissance d’un besoin impérieux de modernisation du Code de 2004. Vingt années d’application avaient mis en lumière ses lacunes et son inadéquation aux évolution de la société marocaine. Les sociologues ont souligné l’ampleur du défi. Le changement, même souhaité, se heurte aux résistances souvent vives, particulièrement lorsqu’il touche au statut de la femme et à l’intimité familiale. La société marocaine, véritable «mosaïque», est faite de conservateurs, de progressistes, de libéraux, et même d’individus oscillant entre ces positions au gré des circonstances. Cette diversité était parfois à l’origine de tensions, de rivalités et même de confrontations, ce qui rendait la tâche de réformer le Code encore plus ardue.Ainsi, si certains voyaient dans la révision une occasion de renouveau, un pas de plus vers l’égalité et la modernité, d’autres nourrissaient de profondes réserves. La partie n’était dès lors pas gagnée d’avance. Un large pan de la société perçoit la famille comme un espace privé, inviolable et l’intervention de l’État une intrusion indésirable. Pour les réfractaires au changement, la Moudawana touchait à l’intimité même du foyer, suscitant des craintes d’une possible perturbation de l’ordre établi. Aux antipodes des tenants de cette vision conservatrice, les progressistes prônaient un chamboulement des règles. Pour eux, il fallait révolutionner la législation, les mentalités suivraient.
Le rôle des oulémas dans le débat
Un autre chapitre de cette histoire a été écrit par les oulémas, acteurs clé du changement en cours. Si un consensus s’est dégagé sur la nécessité de mettre à jour le Code, notamment pour pallier les dysfonctionnements révélés par les 20 ans d’application (divorces croissants, mariages de mineures, difficultés liées à la tutelle légale), des divergences subsistaient sur les limites à franchir. L’Ijtihad, ou l’effort d’interprétation, a été présenté comme le cadre légitime pour des amendements compatibles avec les principes religieux. Là, le rôle des oulémas a été déterminant en tant garants du respect des valeurs religieuses de la société marocaine, mais aussi en tant qu’acteurs indispensables de la nécessaire adaptation des préceptes islamiques aux défis contemporains.Le débat autour de la Qiwamah, souvent interprétée comme une domination masculine, a illustré ces divergences. Les oulémas ont relevé que ce concept ne se résumait pas à une autorité ou une violence, mais à un devoir d’assurer la sécurité et le bien-être de la famille. Pour ce qui est de l’héritage, point de friction majeur avec les associations féministes, les oulémas ont confirmé l’inamovibilité des versets coraniques sur le sujet. Cependant, la possibilité d’adapter la tutelle légale de la femme, notamment dans le cas de divorce, a été envisagée, en veillant à préserver les intérêts de toutes les parties concernées, en particulier l’intérêt supérieur de l’enfant. Le mariage des mineures, lui aussi, a été condamné, mais l’abrogation totale a été jugée contreproductive, notamment en raison du risque accru de mariages clandestins.
L’importance du Leadership Royal
Face aux clivages générés par cette réforme, le Maroc a pu compter sur la sagesse du leadership incarné par la Commanderie des croyants. S.M. le Roi, conscient de la nécessité du changement, mais tout en respectant les valeurs religieuses et culturelles du pays, a veillé à ce que la révision soit menée avec équilibre et subtilité. Formulée explicitement, cette Volonté Royale de moderniser tout en conservant l’essence même de la culture marocaine, et dans le respect strict de la Charia, a guidé l’ensemble du processus. Ainsi, le respect des valeurs authentique de l’islam marocain est resté la ligne rouge infranchissable, imposée par les Hautes Directives Royales. Au milieu de tous ces débats, l’évolution de la société marocaine, particulièrement celle des femmes, a été mise en avant comme un facteur positif. Les femmes ont accompli des progrès considérables, s’affirmant comme des citoyennes à part entière et revendiquant des relations plus équitables. La jeunesse, plus connectée et exposée aux réalités mondiales, apparaît comme un moteur de changement, nourrissant des espoirs pour l’avenir. De plus, l’accès massif aux nouvelles technologies et l’ouverture sur le monde extérieur ont contribué à cette évolution, même dans les milieux ruraux.Des discours alarmistes sur les réseaux sociaux
Pourtant, le processus de révision n’a pas été exempt de manipulations et de tentatives d’instrumentalisation. Des discours alarmistes, relayés notamment sur les réseaux sociaux, ont exacerbé les craintes et entretenu les malentendus. Les débats dans ces espaces ont souvent dérapé, amplifiant les voix conservatrices et nourrissant les fausses informations. Certains ont mis en garde contre une perte de l’autorité masculine, d’autres contre la déchéance des droits patrimoniaux. Face à ces distorsions, l’importance d’une communication claire et transparente, portée par des spécialistes et relayée par les institutions, a été soulignée pour calmer les angoisses et clarifier les enjeux de la réforme. La question de l’héritage en particulier a déclenché des débats passionnés. Malgré les réticences traditionnelles sur l’égalité homme-femme en matière successorale, plusieurs associations féminines nourrissaient des espoirs, misant sur une hypothétique maturation de la société, même si les règles coraniques régissant l’héritage doivent rester intangible selon la majorité des Marocains. Le mariage des mineures, quant à lui, posait un défi complexe. L’abrogation totale a été jugée problématique, risquant de favoriser les unions non officialisées. Une approche plus nuancée, combinant l’augmentation de l’âge légal du mariage et des mesures d’accompagnement socio-économique, semblait une option plus accessible.Parallèlement aux débats théologiques et sociaux, une autre facette de l’histoire a émergé, celle du système judiciaire marocain lui-même. Les associations féministes ont souligné que la simple réforme du Code ne suffirait pas, le système judiciaire devait aussi être réformé, pour assurer une application juste et équitable des nouvelles dispositions. Le manque de ressources humaines et matérielles, l’accumulation des dossiers, l’impact du référentiel culturel des juges sur l’interprétation des lois, ainsi que le rôle «terne» du ministère public ont été pointés du doigt comme autant d’obstacles à une application effective.