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Moudawana : de 1958 à 2024, la saga d’une révolution tranquille qui a remodelé le Code de la famille

À l’image de l’ensemble de la société, la famille marocaine s’inscrit depuis plusieurs décennies dans une trajectoire qui la voit évoluer au fur et à mesure. Depuis 1958, des réformes successives ont accompagné ce changement, marquant lentement mais sûrement la législation nationale en la matière. Bien qu’échelonnées dans le temps, elles ont permis de mettre en équilibre l’ancrage traditionnel de la société et la modernité qu’elle épouse de plus en plus et tressent les contours d’une justice familiale plus équitable et plus en phase avec les impératifs de l’évolution.

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La famille marocaine de 2024 a peu à voir avec celle d’avant l’indépendance, ni même avec celles des années 1950, 1960 ou 2000. Les transformations sociales, économiques et culturelles l'ont profondément remodelée, comme le montrent les données du dernier recensement général de la population. D'une structure élargie et patriarcale, elle a évolué vers un modèle de famille nucléaire, marqué par une participation accrue des femmes dans tous les domaines de la vie publique et privée. Par la force des choses, le Code de la famille a suivi cette évolution de manière progressive mais constante. À travers ses réformes successives, il a cherché à concilier tradition et modernité, en posant les bases d’un développement familial ancré dans les principes d’égalité, d’équité, de solidarité et d’éthique islamique.
En effet, depuis 1958, deux ans à peine après l’indépendance, le Maroc s’est engagé sur la voie de la modernisation de son droit familial en adoptant la Moudawana, son premier Code de la famille. Après plus de six décennies et plusieurs réformes, ce Code reste un témoin et un moteur des grandes transformations sociétales marocaines. Avec les nouvelles modifications annoncées en 2024, le Maroc franchit une étape supplémentaire dans cette révolution juridique tranquille mais ô combien décisive.

1958, un texte sous l’emprise du «patriarcat»

Ce fut donc la première Moudawana du Maroc. Une promesse d’unification et d’organisation pour un peuple qui a longtemps souffert du protectorat. Une promesse de libération pour des femmes qui n’avaient presque pas de droits, mais qui ont contribué avec tous leurs moyens pour l’émancipation du pays du joug du colonisateur. Ce Code, instauré en 1958, sous le règne de Feu S.M. Mohammed V, fondé sur le rite malikite et les valeurs islamiques, se voulait le reflet d’une souveraineté nationale retrouvée, rompant avec les influences coloniales. Il représentait également une avancée symbolique et a posé les bases d’un cadre législatif unique pour toute la nation, en phase avec son identité culturelle et religieuse.

Cependant, derrière cette ambition d’unification, la Moudawana institutionnalisait à l’époque des normes patriarcales profondément ancrées dans la société marocaine. L’âge minimum du mariage pour les filles était fixé à 15 ans, la polygamie autorisée sans grandes restrictions et le divorce demeurait une prérogative strictement masculine largement facilitée par la pratique de la répudiation. Ces dispositions, bien qu’alignées sur les réalités traditionnelles, ont rapidement suscité des critiques. Promulgué dans un contexte d’urgence et fortement influencé par la pensée d’Allâl al-Fâssî, le leader indépendantiste et dirigeant du Parti de l’Istiqlal (conservateur), ce Code s’inscrivait dans une rhétorique salafiste cherchant à réaffirmer les valeurs «arabo-islamiques». Si cette orientation répondait à une volonté de réappropriation identitaire, elle a fait l’économie des enjeux d’égalité. Ainsi, dès les années 1960, des voix critiques, notamment de la société civile émergente, ont commencé à dénoncer le fossé entre les principes figés de la Moudawana et les réalités sociales d’un Royaume en pleine mutation. Ces revendications allaient poser les bases des réformes à venir, amorçant un processus long et complexe de transformation juridique.

1993 : première brèche dans la tradition

En 1979, une commission fut créée avec pour mission de réviser certains aspects du droit de la famille. Après deux ans de travail, elle produit en mai 1981 un texte ambitieux qui comprenait notamment des propositions pour relever l’âge légal du mariage, encadrer la tutelle et statuer sur les droits des enfants nés hors mariage. Cependant, dans un climat social tendu, marqué notamment par les violentes émeutes de Casablanca en juin 1981, ce projet ne fut jamais présenté ni au gouvernement ni au Conseil des oulémas et resta lettre morte. Peu de temps après, sous la pression croissante des associations féministes, notamment l’Union de l’action féminine (UAF), ainsi que des critiques de la communauté internationale, une première réforme fut finalement adoptée en 1993 sous S.M. Hassan II. Cette révision introduisit quelques avancées notables, comme l’abolition des mariages forcés, la possibilité pour les femmes de demander le divorce dans des cas bien définis et l’obligation pour les hommes de passer devant un juge pour certaines procédures liées au mariage et au divorce.
Mais outre les avancées réalisées, cette réforme répondait également à l’enjeu de protéger la famille marocaine d’un certain progressisme qui pouvait lui nuire. Feu S.M. Hassan II, en défendant une vision mesurée de la modernité, déclarait : «Si la modernité signifie l’abolition du concept de la famille, la perte du sens du devoir envers elle, la permissivité dans les relations entre hommes et femmes, ou encore une liberté vestimentaire qui heurte les sensibilités... Si telle est la modernité, alors je préfère que le Maroc soit considéré comme un pays vivant au Moyen Âge plutôt qu’un pays moderne.»

Le débat relancé à grande échelle en 1998

Il a fallu attendre 1998, année de la formation du gouvernement d’alternance dirigé par Abderrahmane Youssoufi, pour réouvrir le débat tambour battant. En 1999, le Premier ministre lança un ambitieux Plan d’action pour l’intégration de la femme au développement, porté notamment par Saïd Saadi, alors secrétaire d’État à la Protection sociale. Ce plan, qui proposait une refonte profonde de la Moudawana, s’articulait autour de quatre axes majeurs : l’éducation, la santé, l’inclusion socio-économique et la réforme juridique. Parmi les mesures envisagées figuraient l’interdiction de la polygamie, l’introduction du divorce judiciaire, l’égalité des biens en cas de séparation et le relèvement de l’âge minimum du mariage à 18 ans pour les deux sexes. Il n’en fallait pas plus pour mettre le feu aux poudres. Les propositions audacieuses n’ont pas tardé à créer un débat, voire une controverse sans précédent ayant mis aux prises modernistes et conservateurs. La mobilisation des islamistes qui n’a pas faibli a atteint son paroxysme le 12 mars 2000 par une imposante manifestation à Casablanca. Le même jour, un rassemblement de soutien, organisé à Rabat par des féministes, des associations progressistes et des partis de gauche, cristallisait le clivage profond de la société marocaine. Face aux risques de cette polarisation, et devant l’opposition massive des milieux conservateurs, le gouvernement Youssoufi a dû abandonner ce Plan. Cependant, ce débat intense marqua un tournant majeur en posant les bases des réformes futures, notamment celle de 2004, qui a repris certaines des propositions alors rejetées, mais dans un cadre plus consensuel. Sa Majesté le Roi, en Sa qualité d’Amir Al Mouminine, de Chef de l’État et garant de l’unité de la Nation, y a joué un rôle déterminant.

2004 : une réforme historique sous l'impulsion du Souverain

En cette année, le Souverain annonçait alors une refonte en profondeur de la Moudawana. Cette réforme, considérée comme un tournant historique, consacrait des avancées majeures pour les droits des femmes. Parmi les principales mesures figuraient le relèvement de l’âge légal du mariage à 18 ans pour les filles, la restriction de la polygamie, soumise désormais à des conditions strictes, dont l’accord de la première épouse, une responsabilité partagée entre les époux dans la gestion du foyer familial, et un contrôle judiciaire renforcé sur les divorces qui a mis fin à la pratique unilatérale de la répudiation. La réforme de 2004 a été saluée à l’international comme un modèle de modernisation. Mais comme l’appétit vient en mangeant, les attentes de la société civile et du courant progressiste se sont accrues. Des marches opposant traditionalistes et réformateurs ont continué à être organisées, signe du dynamisme d’une société tiraillée entre conservatisme religieux et modernisme progressiste.

2024 : Une nouvelle étape dans la révolution

Vingt ans après cette réforme emblématique, la Moudawana franchit un nouveau palier en 2024. Après plus de trente mois de travail, une séance de travail tenue lundi 23 décembre 2024 au Palais Royal de Casablanca, sous la présidence de S.M. le Roi Mohammed VI, a examiné le projet présenté le 30 mars 2024 par l’Instance chargée de la révision du Code de la famille. Les mesures annoncées visent à combler les lacunes persistantes et à s’adapter aux défis contemporains : la polygamie est désormais restreinte aux cas d’infertilité ou de maladie avérée de la première épouse, avec son accord explicite. Les mariages précoces sont quasi abolis, avec des dérogations limitées pour les jeunes de 17 ans. Les mères obtiennent la tutelle légale de leurs enfants mineurs, y compris en cas de remariage. Le conjoint survivant conserve automatiquement le droit au logement familial.

Ces réformes s’inscrivent dans une volonté d’assurer une plus grande justice sociale tout en respectant les principes islamiques qui demeurent fortement ancrés dans la société marocaine. Elles traduisent également une réponse à la pression accrue des mouvements féministes et des organisations internationales. Il est à noter toutefois que la réforme devra encore être débattue et validée par le Parlement, où les différents partis politiques essaieront de défendre chacun sa position. Ce passage législatif sera une étape cruciale pour traduire les grandes lignes de la réforme en un texte consensuel. Pour sa part, le système judiciaire, confronté à des ressources limitées et à la persistance d’un certain conservatisme, devra également évoluer pour accompagner ce changement.
Malgré ces défis, cette réforme représente un tournant crucial dans l’évolution du droit familial marocain. Elle symbolise une transformation progressive qui, bien qu’étalée sur plusieurs décennies, redéfinit en profondeur les bases de la société. Chaque avancée, même modeste, contribue à construire un modèle plus inclusif et équitable qui concilie modernité et héritage culturel.

Entretien avec Abdessalam Saad Jaldi, expert en relations internationales au sein du PCNS et docteur en droit : «La gradualité des réformes garantit leur pérennité dans une société en mutation»

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Le Matin : Que pensez-vous de l’approche adoptée par S.M le Roi pour initier cette nouvelle réforme de la Moudawana ?

Abdessalam Saad Jaldi :
L’approche adoptée par S.M. le Roi Mohammed VI dans le cadre de la réforme du Code de la famille se caractérise par sa dimension triple : inclusive, visionnaire et consensuelle. Cette approche est inclusive, car elle associe l’ensemble des acteurs institutionnels et sociétaux dans le processus de réforme. Cela inclut les institutions de représentation démocratique, les institutions consultatives telles que le Conseil national des droits de l’Homme, ainsi que les organisations de la société civile et de la protection de l’enfance. Cette démarche est révélatrice, notamment en comparaison avec la commission précédente, qui ne comprenait que des oulémas et des magistrats. La démarche Royale est également visionnaire, car le Souverain a appelé le Conseil des oulémas à faire preuve d’un ijtihad constructif, notamment au regard des sujets crispants de la réforme. En effet, et contrairement à l’ijtihad classique qui se limite à une interprétation stricte et littérale des textes, l’ijtihad constructif privilégie une approche scientifique dans l’interprétation des textes islamiques, visant à adapter la pensée islamique aux réalités modernes tout en restant fidèle aux principes fondamentaux de l’Islam. Enfin, la démarche Royale est consensuelle, dans la mesure où la réforme cherche un équilibre entre tradition et modernité. L’exemple de la polygamie en est particulièrement révélateur. Si le projet de Code ne proscrit pas cette pratique, il la soumet toutefois à la condition du consentement de l’épouse au moment de la conclusion du contrat de mariage.

À la lumière des réformes annoncées récemment, comment évaluez-vous l’évolution historique de la Moudawana depuis sa création en 1958 ?

L’histoire du droit de la famille au Maroc a connu des évolutions importantes qui ont façonné son contenu et son application au fil du temps. Avant l’indépendance en 1956, le droit de la famille était essentiellement régulé par la charia, la loi islamique. Les juridictions religieuses régissaient les questions liées au mariage, au divorce, à la garde des enfants et à la succession. Cette période était marquée par une inégalité entre les sexes, avec des droits limités pour les femmes au sein de la famille. Après l’indépendance, le Maroc s’est engagé dans un processus de modernisation de son système juridique, en particulier en ce qui concerne le droit familial. En 1957, le Roi Mohammed V a créé une commission pour réformer le Code de la famille et en faire un instrument plus moderne, respectueux des principes d’égalité et de justice. Cette commission a conduit à l’adoption du premier Code de la famille en 1958, qui visait à concilier les principes de la charia avec les exigences de la modernisation de la société marocaine. Ce premier Code a marqué une évolution importante des droits des femmes, notamment par le relèvement de l’âge minimal du mariage et la reconnaissance d’un droit de divorce limité pour les femmes. Cependant, malgré ces réformes, des inégalités demeuraient, notamment en ce qui concerne la tutelle matrimoniale et les procédures de divorce. En outre, ce Code était marqué par une conception très hiérarchique des rôles, où la femme restait soumise à l’autorité de l’époux, celui-ci se devant de l’entretenir.

La réforme de 1993, sous le règne du Roi Hassan II, a été un tournant majeur. Elle a été largement influencée par une mobilisation de la société civile, qui a réuni un million de signatures pour soutenir les réformes. Cette réforme a aboli la tutelle matrimoniale pour les femmes majeures et a modifié les procédures de divorce, exigeant qu’un juge intervienne après l’échec des tentatives de réconciliation. Elle a également introduit une garantie financière pour le mari en cas de divorce. Mais la réforme la plus importante a eu lieu en 2004, avec l’adoption d’un nouveau Code de la famille, la «Moudawana». Cette réforme a aligné le droit marocain sur les normes internationales en matière de droits de l’Homme et a mis l’accent sur l’égalité des sexes, tout en restant fidèle aux principes de l’Islam. Elle a introduit des mesures pour protéger les femmes, renforcer la stabilité familiale et assurer une plus grande justice pour les enfants, notamment en matière de garde et d’héritage. Cette réforme a constitué un progrès considérable vers l’égalité et a renforcé la position des femmes au sein de la famille marocaine. Bien que cette réforme ait représenté une révolution juridique, force est de constater que certaines de ses dispositions sont aujourd’hui caduques, notamment en raison des transformations que connait la société marocaine. En effet, la famille marocaine est passée d’une structure familiale patriarcale à une famille nucléaire et urbanisée, où les femmes, grâce à leur autonomie économique croissante, contribuent de manière significative aux charges du foyer. C’est dans cette perspective qu’un débat a été amorcé afin d’élaborer un nouveau Code de la famille, en phase avec les transformations de la nouvelle société marocaine, tout en prenant en compte les équilibres qui façonnent le Maroc.

Comment expliquez-vous la gradualité des réformes du Code de la famille qui s’étalent parfois sur plus d’une décennie ?

Les réformes du Code de la famille au Maroc illustrent bien la nécessité d’une approche progressive dans un contexte sociétal complexe. Le Maroc, tout en respectant ses traditions islamiques et culturelles profondément ancrées, s’est engagé dans un processus de modernisation juridique pour améliorer les droits des femmes et l’équilibre familial. Cependant, l’intégration de ces réformes a dû se faire avec une attention particulière, en prenant en compte les structures sociales conservatrices. Les différentes réformes de la Moudawana visaient principalement à renforcer les droits des femmes et des parties juridiquement vulnérables, en particulier en matière de divorce, de garde d’enfants et d’héritage. Pourtant, le chemin vers une transformation complète était semé d’embûches, notamment en raison du caractère conservateur de la société marocaine et de l’ampleur des enjeux juridiques soulevés. Pour surmonter ces obstacles, le processus de réforme a été réalisé par étapes, permettant ainsi une transition plus douce et une adaptation progressive de la société.

Le législateur a cherché à trouver un équilibre entre un référentiel traditionnel, s’appuyant sur le droit musulman et le droit coutumier, et un référentiel moderne, fondé sur le droit international, les conventions, les traités, ainsi que la loi, la doctrine et la jurisprudence. L’interprétation des lois varie en fonction de ces référentiels, utilisant une méthode exégétique pour le droit musulman et des méthodes modernes pour le droit positif. Par ailleurs, la Moudawana a été adaptée au fil du temps, avec des ajustements visant à mieux refléter l’évolution des mentalités au sein de la population. Bien que les progrès aient parfois été lents, le Maroc a réussi à réaliser des avancées, garantissant ainsi que les réformes trouvent leur place dans une société en constante mutation, tout en maintenant un équilibre entre les valeurs traditionnelles et les besoins modernes.

Le souci de préserver un équilibre entre tradition et modernité dans la société marocaine peut-il ralentir des réformes plus audacieuses ?

La question des réformes sociétales au Maroc fait face à un défi : trouver un équilibre entre tradition et modernité, afin de préserver les équilibres sociétaux. Cela suppose d’atteindre un point d’entente avec le composant conservateur, sans contrarier la composante moderniste, et vice versa. Le Maroc, riche d’un patrimoine historique, religieux et séculaire profond, fait face à des attentes sociales de plus en plus tournées vers la modernité, notamment en matière de droits, de justice sociale et d’égalité. Cependant, toute réforme doit prendre en compte les spécificités culturelles et religieuses du pays. Autrement dit, les réformes sociétales doivent s’opérer de manière progressive et réfléchie, car des changements trop rapides risqueraient de perturber un équilibre social complexe. Le Maroc a tout au long de son histoire choisi d’opter pour des réformes sociétales graduelles, comme l’illustre l’exemple du Code de la famille, qui a permis d’introduire progressivement des avancées en matière de droits des femmes sans déstabiliser l’ordre social. Ces réformes ne peuvent ignorer les valeurs profondes de la société marocaine, tout en répondant aux enjeux de justice et d’égalité. L’objectif est de concilier respect des traditions et aspirations modernistes. Les réformes sociétales au Maroc doivent être menées tenant compte des différentes sensibilités.

Dans quelle mesure cette nouvelle réforme permettra de remédier aux lacunes relevées par la mise en œuvre du Code de 2004 ?

Sur le fond, le projet de réforme de 2024 est globalement significatif. Il prend en compte les équilibres qui fondent la société marocaine. Certaines dispositions sont même révolutionnaires, notamment celles relatives à la responsabilité parentale, à la tutelle partagée, à la garde des enfants après le remariage de la mère, à la criminalisation du mariage des mineurs, ou encore à la reconnaissance du travail de l’épouse au sein du foyer. Par contre, certaines autres dispositions suscitent débats et critiques, comme le refus du recours à l’expertise génétique pour prouver scientifiquement la paternité d’un enfant, ou encore la parité successorale. Bien que la commission propose des donations pour les filles comme alternative à la parité successorale, cette mesure reste insuffisante pour garantir un système juridique équitable et adapté reflétant les transformations sociales et sociétales. Il est également crucial de définir avec précision les exceptions au mariage des mineurs, notamment à l’âge de 17 ans, et les dérogations à l’acte de mariage afin d’éviter toute dérive juridique. C’est probablement pour cette raison que Sa Majesté le Roi Mohammed VI a invité le Conseil des oulémas à poursuivre sa réflexion sur certains points clivants de la réforme, dans le cadre d’un ijtihad constructif. Sur la forme, le projet de réforme du Code de la famille de 2024 se distingue du texte de 2004 par son ambition d’établir une égalité substantielle, en arrimant le régime juridique de l’enfance aux dispositions de la Convention de New York de 1991, dont le Maroc est signataire. C’est pourquoi l’entreprise de réforme du Code de la famille, dans sa double dimension référentielle et symbolique, peut préfigurer l’avènement d’une nouvelle ère de réforme sociétale.

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