Le premier à s’exprimer publiquement, plusieurs jours après l’éclatement des manifestations de la GenZ, du 28 et 29 septembre 2025, a été Mohammed Mehdi Bensaïd, ministre de la Jeunesse, de la culture et de la communication. Très présent ces derniers jours, il a enchaîné les interventions sur différents médias, notamment sur Medi1 TV ou encore sur le podcast de Moutalat avec un objectif affiché : rétablir le dialogue avec la jeunesse. Sur le podcast qui a réalisé plus de 100.000 vues, le ministre a reconnu d’emblée un «vrai problème de communication» au sein de l’Exécutif : «Il y a des réalisations, des projets, mais le message n’arrive pas. Les citoyens n’en ressentent pas encore les effets.»
Un aveu que l’on a rarement l’occasion d’entendre. Mais au fil de l’entretien, le ministre retombe dans une logorrhée technocratique, évoquant «la nécessité d’un cadre légal pour tout dialogue» et «des discussions internes en cours». Un langage jugé trop institutionnel, loin de la spontanéité qu’attendait une génération connectée et impatiente. «Nous avons communiqué de manière trop classique, avec des méthodes qui parlent à une génération plus âgée», a-t-il admis, tout en plaidant pour «un changement de ton et de canaux». Son initiative de mobiliser les jeunesses partisanes sur les réseaux sociaux pour «relayer le message gouvernemental» a toutefois suscité des réactions ironiques. «Ils veulent qu’on like leurs communiqués avant de réparer les écoles», a commenté un internaute sur X. Présenté comme un ministre «proche de la jeunesse», M. Bensaïd n’a finalement pas été très convaincant. Ses multiples interventions ont surtout révélé une communication maîtrisée sur la forme, mais creuse sur le fond, à mille lieues du quotidien des jeunes qu’il prétend comprendre.
Mustapha Baïtas : la séquence qui a choqué
Quelques jours plus tard, samedi 4 octobre 2025, c’est au tour du porte-parole du gouvernement, Mustapha Baïtas, de s’exprimer sur Medi1 TV dans l’émission «صدى الأحداث» «Sada al ahdath». L’enjeu était majeur : incarner la voix de l’apaisement après plusieurs semaines de mobilisation. Pendant près d’une heure, M. Baïtas, également ministre délégué auprès du Chef du gouvernement chargé des relations avec le Parlement, déroule les priorités de l’Exécutif : réforme du système de santé, couverture sociale généralisée, investissements dans l’éducation. «Depuis le premier jour, nous avons choisi l’écoute», affirme-t-il, tout en soulignant que les revendications des jeunes sont «légitimes». Mais l’échange bascule lorsque le journaliste Nawfal Al Awamla l’interroge sur la rupture de confiance entre la jeunesse et le gouvernement et les appel à la démission de ce dernier. Visiblement agacé, M. Baïtas lui répond, sur un ton un tantinet agressif : «Je n’ai pas entendu cela. Et toi, tu les représentes ? Tu parles en leur nom ? Je vais noter que tu es avec eux !»
Une réplique qui a immédiatement déclenché une vague d’indignation en ligne. Sur les réseaux sociaux, l’extrait est devenu viral, accompagné de commentaires dénonçant «l’arrogance» et «l’attitude condescendante» du ministre. «Au lieu d’écouter, il menace», résume un internaute. «Voilà comment le pouvoir répond à la jeunesse : en la discréditant, pas en dialoguant», écrit un autre. Mais au-delà du ton, c’est le fond qui a suscité la colère.
Plusieurs journalistes et spécialistes du secteur ont dénoncé un comportement irrespectueux envers la presse et une méconnaissance flagrante des règles élémentaires de communication de crise. Nombre d’entre eux rappellent que le cahier revendicatif des jeunes avait été rendu public 24 heures avant l’émission, un fait que le porte-parole ne pouvait ignorer, entouré comme il l’est «d’une équipe entière de communicants». Ce qui devait être un exercice de pédagogie s’est transformé en épisode de crispation symbolisant la difficulté du gouvernement à gérer la communication en période de tension sociale. M. Baïtas, pourtant censé maîtriser le discours officiel, a donné l’image d’un Exécutif sur la défensive et déconnecté des réalités du terrain.
Plusieurs journalistes et spécialistes du secteur ont dénoncé un comportement irrespectueux envers la presse et une méconnaissance flagrante des règles élémentaires de communication de crise. Nombre d’entre eux rappellent que le cahier revendicatif des jeunes avait été rendu public 24 heures avant l’émission, un fait que le porte-parole ne pouvait ignorer, entouré comme il l’est «d’une équipe entière de communicants». Ce qui devait être un exercice de pédagogie s’est transformé en épisode de crispation symbolisant la difficulté du gouvernement à gérer la communication en période de tension sociale. M. Baïtas, pourtant censé maîtriser le discours officiel, a donné l’image d’un Exécutif sur la défensive et déconnecté des réalités du terrain.
Baraka et Koukous : une désunion affichée sur 2M
L’émission spéciale «نكون واضحين», diffusée sur 2M le 6 octobre 2025, a offert une autre illustration des difficultés de la majorité à tenir un discours cohérent. Invité sur le plateau, Nizar Baraka, ministre de l’Équipement et de l’eau et secrétaire général du Parti de l’Istiqlal, commence son intervention en précisant : «Je suis ici en tant que secrétaire général du Parti de l’Istiqlal.» Une phrase jugée révélatrice d’un désengagement vis-à-vis de la responsabilité gouvernementale. En se présentant sous sa casquette partisane, M. Baraka a semblé se distancier du gouvernement Akhannouch, renvoyant implicitement la gestion de la crise sociale à ses partenaires de la coalition. Malgré son ton mesuré et ses explications sur «les réformes en cours», son discours, centré sur les contraintes budgétaires et le contexte international, n’a pas trouvé d’écho auprès des jeunes invités sur le plateau.
Quelques minutes plus tard, Najwa Koukous, députée et présidente du Conseil national du PAM, renchérit dans le même sens : «Je ne répondrai pas à la place du gouvernement, car je n’en fais pas partie. Nous, la majorité, sommes une chose, et le gouvernement en est une autre.» Ces propos, perçus comme une prise de distance assumée vis-à-vis de l’Exécutif, ont rapidement fait réagir sur les réseaux sociaux. «Quand tout va bien, ils sont ministres, parlementaires, membres de la majorité... Quand ça chauffe, ils deviennent observateurs», a ironisé un internaute. Cette séquence a mis en lumière les fractures internes d’une coalition où chaque parti semble désormais soucieux de préserver son image, au détriment de la cohésion du groupe.
Un discours politique en perte de crédibilité
De Bensaïd à Baïtas, de Baraka à Koukous, les prises de parole des responsables de la majorité ont toutes eu un point commun : elles n’ont pas convaincu. Tantôt trop institutionnelles, tantôt maladroites, ces interventions ont souligné les limites d’une communication politique centrée sur la justification plutôt que sur l’écoute réelle. Face à une jeunesse qui réclame des réponses concrètes sur l’emploi, la santé et la justice sociale, les responsables politiques ont privilégié des formules convenues et des explications techniques, voire figées. Résultat : au lieu d’apaiser la colère, ces interventions ont renforcé la défiance et donné l’image d’un gouvernement désuni, peinant à parler d’une seule voix. «Ils parlent d’écoute, mais on n’entend rien de nouveau», résume un jeune internaute.
