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Construction navale : comment le Maroc peut se doter d’une industrie forte et compétitive

La construction navale est encore le parent pauvre de la stratégie industrielle du Maroc. Certes, un plan directeur a été mis en place pour renforcer les infrastructures portuaires dédiées à cette activité, mais le Royaume est loin de tirer le meilleur parti de ses longs littoraux. Le secteur n’a généré que 500 millions de dirhams entre 2013 et 2022 comme chiffre d'affaires annuel moyen alors que le marché d'exportation, que ce soit pour la façade atlantique ou méditerranéenne, est estimé à environ 11 milliards de dollars par an sur la dernière décennie, selon un rapport du CESE rendu public hier. Le Conseil qui vient de procéder à une dissection du secteur dans son rapport appelle à la mise en place d’une stratégie ambitieuse dans ce domaine afin de permettre au Maroc de se doter d’une industrie navale forte et compétitive dans la droite ligne de l’ambition exprimée dans le Discours Royal à l'occasion du 48e anniversaire de la Marche Verte, le 6 novembre 2023. Le but in fine est de jeter les bases d’une véritable l'économie bleue en s’appuyant sur les deux façades maritimes du Royaume.

Ahmed Réda Chami
Ahmed Réda Chami
La promotion du secteur de la construction navale est un pilier fondamental pour la formation d'une flotte maritime nationale, forte et compétitive. Cet objectif qui a été exprimé dans le Discours Royal à l'occasion du 48e anniversaire de la Marche Verte, le 6 novembre 2023, s'inscrit dans une vision plus large visant l’émergence d’une véritable économie bleue, s’appuyant en particulier sur la façade atlantique.

Construction navale, un secteur en déclin

Or, l’état actuel du secteur est loin de permettre l’atteinte de ces objectifs ambitieux. Selon le dernier focus du Conseil économique, social et environnemental (CESE) publié mardi dernier dans le cadre d’une rencontre d’échange autour du rapport annuel de l’institution, le secteur de la construction navale n’a pu générer comme chiffre d'affaires annuel moyen que 500 millions de dirhams entre 2013 et 2022, principalement axé sur les activités de réparation, d'entretien et de construction de bateaux de pêche. Quant à sa contribution à l'économie nationale, elle reste très limitée, représentant à peine 0,01% du produit intérieur brut (PIB) ; sachant que cette part est en déclin constant depuis le début des années 2000. Pis encore, le secteur qui souffre d'un faible niveau d'intégration industrielle locale et dépend majoritairement de composants importés crée peu d’emplois. Seuls 700 nouveaux postes ont été créés, entre 2013 et 2022.

Cinq obstacles majeurs identifiés

Selon Ahmed Reda Chami, président du Conseil économique, social et environnemental, cinq obstacles majeurs freinant le développement du secteur de la construction navale au Maroc. Il y a lieu de citer : la multiplicité des acteurs impliqués, compliquant la coordination en raison de l'absence d'une stratégie publique intégrée qui engloberait tous les intervenants. À cela s'ajoutent des difficultés liées à la disponibilité des terrains adéquats, les coûts élevés de mise en place des infrastructures, et des conditions de concession peu attractives pour les investisseurs. En outre, certaines infrastructures existantes atteignent déjà leur capacité maximale, ce qui complique encore l’exploitation efficace du secteur. Le président du CESE pointe aussi du doigt l'absence d'un cadre juridique et fiscal suffisamment adapté aux exigences de l'industrie navale, ainsi que le manque de mécanismes de financement adaptés aux risques que présente ce secteur. Enfin, le déficit de main-d'œuvre qualifiée, touchant plusieurs spécialités clés dont l’industrie a besoin pour se développer, constitue un obstacle de taille, selon le président du CESE.

«La persistance de ces obstacles affecte négativement la compétitivité du secteur, notamment en ce qui concerne les prix des services, ainsi que la demande nationale adressée à cette industrie. Cela prive le Maroc de bénéficier des opportunités offertes par le marché de l'exportation dans le domaine de la construction navale. Par conséquent, notre pays ne parvient pas à réduire sa dépendance vis-à-vis des importations. Il est à noter que le marché d'exportation, que ce soit pour la façade atlantique ou méditerranéenne, est estimé à environ 11 milliards de dollars américains par an sur la dernière décennie», tient à souligner Ahmed Réda Chami.

Ce que recommande le CESE

Pour pallier cette situation, le CESE formule donc une série de recommandations. Il préconise ainsi, la mise en place d'une stratégie nationale intégrée pour le secteur de la construction navale. Cette stratégie doit inclure les différents programmes et plans sectoriels pertinents, tout en prenant en compte les divers aspects qui influencent la performance, l’attractivité et la compétitivité de l’offre nationale dans ce domaine.

Dans le cadre de cette future stratégie, le CESE propose d’adopter une approche progressive à court et moyen terme. Celle-ci devra mettre l'accent sur les activités à forte dynamique et à la portée du Maroc en termes de technologie, de compétences et d'infrastructures. L'objectif serait de cibler à la fois le marché local et les marchés d'exportation, en particulier ceux du bassin méditerranéen et de la façade atlantique de l'Afrique.



Ainsi au cours de cette première phase, il est recommandé selon M. Chami de se concentrer sur des activités moins complexes telles que la modernisation, la réparation d'urgence, la maintenance programmée, et le démantèlement des navires. Parallèlement, il serait crucial de renforcer les capacités du secteur dans la construction et la transformation de petits et moyens navires, des activités nécessitant des technologies proches des capacités que le Maroc maîtrise déjà dans des secteurs tels que l'automobile, l'aéronautique et l'électronique.

Poser progressivement les bases d'une industrie navale

«Une telle approche permettrait ainsi de poser les bases d'une industrie navale compétitive tout en exploitant les forces technologiques et industrielles existantes du pays. Ensuite, il serait possible de cibler des activités à forte valeur ajoutée lors d'une phase ultérieure, après l'atteinte des objectifs de la première étape et une évaluation des résultats obtenus», explique le président du Conseil.

En attendant la mise en place de cette stratégie ambitieuse, les autorités publiques ne comptent pas rester les bras croisés. Elles ont déjà pris une série de mesures anticipatives visant à développer le domaine de la construction navale. Parmi ces initiatives, un plan directeur a été mis en place pour renforcer les infrastructures portuaires dédiées aux activités de construction et de réparation navales.

Un Cluster de l’industrie navale déjà créé

De même, M. Chami rappelle qu’une banque de projets a été créée pour encourager les investissements dans la construction et la réparation des navires, dans le but de stimuler les investissements et de les orienter vers ce secteur prometteur. Le nouveau Pacte d'investissement a également inclus la construction, la réparation et le démantèlement des navires parmi les métiers d’avenir, en tant qu'activités susceptibles de devenir des axes stratégiques pour la montée en gamme.

Par ailleurs, il a été procédé en 2023 à la création, du «Cluster de l’industrie navale». Cette initiative vise à développer le secteur selon une approche intégrée basée sur le renforcement des infrastructures, le développement du capital humain, la recherche et l'innovation, ainsi que la promotion du secteur.
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