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Décryptage du Discours royal devant le Parlement : Une vision ferme et mesurée pour clôturer la législature

À l’ouverture de la dernière année législative, S.M. le Roi Mohammed VI a livré un discours à la fois mesuré et ferme, traçant les contours d’une feuille de route politique, sociale et territoriale à la veille d’une échéance électorale décisive. Au-delà des orientations générales, le Souverain a adressé un message clair aux institutions : le temps des slogans est révolu, celui des bilans mesurables s’impose. Trois experts décryptent la portée de ce discours concis mais dense, qui articule responsabilité politique, justice territoriale et exigence de résultats.

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À un an des élections législatives, S.M. le Roi Mohammed VI met le gouvernement et le Parlement face à leurs responsabilités. Ce vendredi, devant les représentants de la nation, le Souverain a prononcé un discours à la fois sobre et incisif, ouvrant ainsi la dernière année législative du mandat en cours. Dans une allocution où chaque mot pesait son poids politique, le Souverain a dressé un cap clair : celui de la responsabilité et du sérieux.

«Comme il s’agit, pour les membres de la Chambre des représentants, de la dernière année de leur mandat, Nous vous invitons à vous employer avec sérieux et responsabilité à mener à bonne fin les processus législatifs, à mettre en œuvre les programmes et les projets en chantier, à demeurer alertes et engagés à plaider la cause des citoyens», souligne le Souverain à l’occasion de la première session de la 5e année législative de la 11e législature.



Une interpellation directe des institutions

Pour Mohamed Badine El Yattioui, professeur d’études stratégiques au Collège de défense nationale des Émirats arabes unis, ce passage est limpide : «le Souverain place le gouvernement et le Parlement devant leurs responsabilités à un moment charnière : seuls les actes concrets compteront, pas les slogans». Cette mise au point, relève-t-il, intervient dans un contexte où plusieurs réformes sociales structurantes accusent des retards : couverture maladie universelle, indemnisation chômage, réforme des retraites...

En citant explicitement «la dernière année législative», S.M. le Roi souligne que les promesses électorales ne suffiront plus à convaincre une jeunesse en quête d’efficacité politique, ajoute M. El Yattioui.

Grandes ambitions nationales et réformes sociales : un tandem indissociable

L’un des points forts du discours réside dans l’appel à l’articulation entre grands projets nationaux et politiques sociales : «Il ne devrait y avoir ni antinomie ni rivalité entre les grands projets nationaux et les programmes sociaux, tant que le but recherché est de développer le pays et d’améliorer les conditions de vie des citoyens», déclare le Souverain.

Cette phrase, selon notre analyste, «est un message direct aux décideurs : les grands événements économiques ou internationaux ne peuvent pas se faire au détriment de la vie quotidienne des Marocains. Ils doivent être pensés comme des leviers de développement social, non comme des priorités concurrentes». En d’autres termes, les projets de prestige et la justice sociale doivent avancer de concert.

De son côté, le professeur de droit et de relations internationales à l'Université Mohammed V de Rabat, Zakaria Aboudahab, établit le lien avec l’actualité sociale récente : «Ce rappel intervient dans un contexte marqué par des protestations sur les priorités d’investissement. Le Souverain répond à ces inquiétudes en affirmant qu’il n’y a pas de contradiction entre la construction de grands stades et la réforme de la santé ou de l’éducation. Les deux doivent avancer de concert».

Le Parlement, un acteur clé du contrôle démocratique

Ce message politique trouve un prolongement naturel dans le rôle que le Souverain attribue au Parlement. En effet, le Souverain a rappelé les responsabilités constitutionnelles des parlementaires, notamment en matière de contrôle et d’évaluation des politiques publiques. Pour M. El Yattioui, ce rappel n’est pas anodin : «le Parlement a des outils, des commissions, des mécanismes de contrôle et même la motion de censure. Ce discours est un rappel de ces leviers»

L’exigence royale de reddition des comptes s’inscrit dans la continuité de la Constitution de 2011 et de l’ambition de moderniser l’action publique. Ce cadre de redevabilité ne concerne pas uniquement les élus, mais aussi l’administration.

S.M. le Roi a également salué les efforts du Parlement dans la diplomatie partisane et parlementaire, tout en liant cette action à une exigence démocratique plus profonde : l’encadrement des citoyens et la protection des libertés fondamentales. «Nous tenons aussi à saluer les efforts déployés pour relever le niveau de performance de la diplomatie partisane et parlementaire afin de mieux servir les Causes supérieures de la Nation», a-t-il déclaré.

A ce sujet, M. Aboudahab précise que la diplomatie parlementaire n’est pas évoquée comme un simple outil d’influence externe. « C’est un prolongement de la démocratie interne. Elle doit renforcer la confiance citoyenne dans les institutions», avance-t-il.

Un appel à une mobilisation collective

Le Souverain n’a pas limité son interpellation aux seules institutions publiques. Il a clairement appelé à une mobilisation globale : partis politiques, élus, syndicats, médias et société civile. «Cette mission n’est pas du seul ressort du gouvernement. Elle est l’affaire de tous», a insisté le Souverain.

Pour M. El Yattioui, «cette phrase rappelle que la démocratie n’est pas qu’une affaire de technocrates ou d’élus : elle repose sur la participation citoyenne et la médiation sociale».

Abondant dans le même sens, le professeur Zakaria Aboudahab insiste sur la dimension collective du message royal. «Le discours est ancré dans la responsabilité partagée. Sa Majesté rappelle que cette mission ne relève pas uniquement du gouvernement, mais aussi du Parlement, des partis politiques, des médias, de la société civile et de toutes les forces vives de la Nation», affirme-t-il. Pour lui, la mobilisation nationale n’est pas une option mais une exigence démocratique, particulièrement à l’approche des élections de 2026.

L’enjeu territorial et générationnel au cœur de la feuille de route

Au-delà des institutions, le discours met fortement l’accent sur la justice sociale et territoriale, deux priorités qui, selon le Souverain, «ne sont pas un slogan creux» mais «une orientation stratégique». C’est l’un des passages les plus commentés du discours royal. Il concerne la vision d’un «Maroc émergent», déjà développée dans le Discours du Trône de 2025 .L’objectif est clair : réduire le fossé entre les territoires, en particulier les zones rurales, montagneuses et enclavées. «Le développement territorial harmonieux ne saurait être réalisé sans une complémentarité et une solidarité effective entre les différentes zones et les diverses régions», a indiqué S.M. le Roi.

M. El Yattioui décrypte : «Ce passage s’inscrit dans une logique de régionalisation avancée et d’intelligence territoriale. Le Souverain exige des politiques publiques adaptées aux besoins réels des territoires, avec des données fiables et une exécution efficace». Pour lui, cette orientation est la colonne vertébrale de la feuille de route royale.

Pour M. Aboudahab, cette orientation a une résonance particulière : «S.M. le Roi reprend la métaphore du Maroc à deux vitesses. Il appelle à une convergence réelle entre zones urbaines dynamiques et territoires ruraux fragiles. Justice sociale et justice territoriale sont les deux piliers de ce projet national». Cette vision répond à une double fracture : générationnelle et territoriale, déjà exprimée dans la rue et dans le débat public.

Moderniser la gouvernance territoriale

S.M. le Roi Mohammed VI
insiste sur une nouvelle génération de programmes de développement territorial reposant sur des données de terrain précises, l’utilisation des technologies numériques et un changement profond des mentalités.

«La transformation majeure que Nous entendons opérer en matière de développement territorial, requiert un changement significatif des mentalités et des méthodes de travail, ainsi qu’un véritable enracinement de la culture du résultat», affirme le Souverain dans Son discours.

M. Aboudahab voit là un appel à une gouvernance moderne, articulant efficacité administrative et intelligence territoriale. «Sa Majesté propose une approche gagnant-gagnant, ouverte aux partenariats public-privé et aux initiatives locales, notamment dans la santé, l’emploi et la qualification territoriale», soutient l’expert.

Santé, éducation, emploi : des priorités sociales à concrétiser

Le discours royal réaffirme que les secteurs de la santé et de l’éducation sont centraux dans le projet de développement national. Le Souverain a mentionné explicitement «la promotion concrète des secteurs de l’éducation et de la santé».

Or, comme le souligne M. El Yattioui, «ces deux secteurs sont aujourd’hui les parents pauvres des politiques publiques. C’est précisément là que les attentes sociales sont les plus fortes».

Pour sa part, M. Aboudahab insiste sur la dimension opérationnelle : «Ce sont des leviers qui doivent être activés immédiatement, avec des outils concrets et mesurables. S.M. le Roi tire ici la sonnette d’alarme : il est inacceptable que les chantiers du Maroc soient ralentis ou mal appliqués».

Trois leviers territoriaux au cœur de la vision royale

Le Souverain a identifié trois axes concrets d’action pour réduire les inégalités territoriales : «Premièrement, accorder un intérêt particulier aux régions en situation de très grande précarité, notamment les zones montagneuses et les oasis. Deuxièmement, mener avec sérieux l’opérationnalisation optimale des leviers de développement durable du littoral national. Troisièmement, étendre le Programme national pour le développement des Centres ruraux émergents».

Pour M. Aboudahab, ces trois axes sont une doctrine territoriale. «Ils traduisent une vision de convergence interrégionale. La politique publique doit relier littoral, zones montagneuses et centres ruraux dans une logique intégrée et solidaire», explique-t-il. Il ajoute un élément crucial du discours royal : l’économie bleue. Le littoral méditerranéen et atlantique doit devenir, selon le Souverain, un moteur de développement durable, générateur de richesse et d’emplois.

Parlement, gouvernement, élus : le devoir d’agir

Selon nos analystes, le discours royal était un acte politique fort : il fixe un calendrier implicite, une exigence de résultats et une méthode de gouvernance, avec en toile de fond une échéance politique majeure : les élections de 2026.

Le Souverain n’a pas besoin de la nommer, Son discours l’encadre. Il fixe les objectifs, exige des résultats et rappelle que le bilan sera jugé par les électeurs. «Nous attendons de vous tous, au gouvernement comme au Parlement, [...] que vous fassiez prévaloir les intérêts supérieurs de la Nation et des citoyens», signale-t-il.

M. El Yattioui y voit un avertissement politique : le bilan sera jugé dans les urnes en 2026, alors que M. Aboudahab y voit une interpellation des élites politiques. «Les partis doivent encadrer la contestation sociale, canaliser les attentes et redevenir des relais efficaces entre citoyens et institutions», note ce dernier.

Une conclusion lourde de sens

La clôture du discours, marquée par une citation coranique, a donné toute sa gravité au message royal : «Quiconque fait un bien fût-ce du poids d'un atome, le verra, et quiconque fait un mal fût-ce du poids d'un atome, le verra». En citant le Coran, le Souverain referme ainsi son discours comme il l’a ouvert : en plaçant chacun devant sa responsabilité. Pour nos analystes, cette citation éloquentes et porteuse de sens, est une manière de rappeler que l’action publique n’est pas affaire de rhétorique, mais de responsabilité devant la Nation et Dieu.

Le regard institutionnel du Pr. Azzedine Hannoun

Décryptage du Discours royal devant le Parlement : Une vision ferme et mesurée pour clôturer la législature



Azzedine Hannoun, professeur en droit public à la Faculté des sciences juridiques et politiques de Université Ibn Tofaïl, a apporté un éclairage institutionnel qui met en évidence la portée constitutionnelle, territoriale et stratégique du discours royal, à la croisée des réformes structurelles et de la transition politique à venir.

Selon lui, ce discours s’inscrit clairement dans la continuité du dernier discours du Trône, prolongeant le même fil conducteur : le Maroc émergent, solidaire et équitable.

L’universitaire relève avant tout «un ton mesuré mais ferme», celui d’un chef d’État «qui fixe les orientations de fin de législature, mais aussi en pédagogue de la réforme».

Il rappelle que ce discours est fidèle à la structure et à la vocation des Discours d’ouverture de l’année législative qui sont d’ailleurs encadrés par la constitution et qu’il s’agit du seul Discours royal prévu expressément par la constitution.

«Prononcé à la fin du mandat législatif, ce discours agit comme une évaluation politique implicite à travers les paramètres suivants : la stabilité, la croissance, la justice sociale. Il trace également les défis, à savoir : la territorialité, l’efficacité de l’action publique, la proximité», ajoute-t-il.

Une triple vocation du Parlement réaffirmée

Selon M. Hannoun, il s’agit dans ce discours de préparer la transition vers un nouveau cycle politique et électoral en consolidant les réformes structurelles engagées.

Il note que le Souverain a tenu à rappeler la «triple vocation du Parlement», à savoir : une vocation législative impliquant la finalisation des réformes en cours avant la fin du mandat, une vocation de contrôle qui implique d’évaluer les politiques publiques et d’assurer la redevabilité, et une vocation de représentation impliquant la défense des causes et des droits des citoyens.

Le Souverain a insisté également sur «la responsabilité collective des élus et sur l’éthique politique : intégrité, engagement, exemplarité», soulignant que cela traduit une volonté de réhabiliter la confiance dans la représentation politique dans un contexte où «le lien entre citoyens et institutions reste fragile ».

Un développement territorial structurant

Le professeur Hannoun identifie trois priorités claires dans le discours royal : la réduction des inégalités territoriales (zones montagneuses, oasis, monde rural), la valorisation du littoral (économie bleue, durabilité, attractivité) et la dynamisation des centres ruraux émergents, charnières entre rural et urbain.

Ces orientations, note-t-il, «traduisent une vision d’équilibre spatial : urbanisation maîtrisée, solidarité territoriale et gouvernance locale rénovée», ainsi qu’«une volonté de faire profiter toutes les régions du Maroc des fruits des investissements publics».

Une culture de la performance publique

Le discours royal exprime, selon M. Hannoun, une volonté d’enraciner la culture de la performance publique, dans la continuité des réformes administratives et budgétaires en cour».

Le Souverain a mis en garde contre les pratiques bureaucratiques » et appelle à l’efficacité dans l’investissement public, l’utilisation des technologies numériques pour la planification et l’évaluation et la création d’emplois à travers l’initiative locale.

M. Hannoun insiste sur l’importance donnée à l’encadrement et la communication publique. En effet, le Parlement, les partis, la société civile et les médias doivent contribuer à co-construire le récit national : cette mission n’est pas du seul ressort du gouvernement. Elle est l’affaire de tous comme l’a souligné S.M. le Roi.

«Globalement si on veut restituer en profondeur le contenu du Discours, on pourrait avancer les éléments suivants, à savoir des éléments institutionnels pour renforcer la crédibilité du Parlement dans un contexte de fin de législature, des éléments sociaux pour concrétiser la justice territoriale et sociale, des éléments politiques pour restaurer la confiance citoyenne avant le prochain scrutin, et enfin des éléments de gouvernance pour passer d’une logique de moyens à une logique de résultats mesurables», résume l’universitaire.

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