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Droit de grève : Ce qu'il faut savoir sur la nouvelle loi

Après des années de débat, le droit de grève au Maroc bénéficie désormais d’un cadre juridique clair. Cette législation, dont l'entrée en vigueur est prévue six mois après sa publication au Bulletin Officiel, marque un tournant dans l’histoire des relations professionnelles au Maroc.

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Le droit de grève reste un instrument légitime de revendication sociale. Ce nouveau texte vient organiser son exercice pour garantir à la fois la liberté syndicale et la continuité des services publics essentiels. La loi souligne que toute renonciation à ce droit est nulle et non avenue, tout en interdisant toute forme de répression ou de discrimination à l’encontre des grévistes, dans le cadre d’une grève légale.

Des conditions strictes pour un exercice régulé

Selon les dispositions de la loi, seuls les syndicats représentatifs, ou dans certains cas des comités de grève élus, peuvent appeler à la grève. Les délais sont clairement définis : 45 jours pour les revendications sociales ; 30 jours pour les affaires contentieuses ; et immédiatement en cas de danger grave menaçant la santé ou la sécurité des travailleurs.

La grève doit être notifiée aux autorités entre 5 et 7 jours avant son déclenchement, avec des détails précis sur les motifs, les lieux, et les horaires. Le document de notification doit inclure : identité du groupe appelant à la grève, raison, lieux concernés, date et heure. L'organisation syndicale doit encadrer les grévistes et assurer, d’un commun accord avec l’employeur, le maintien des activités essentielles (santé, sécurité, conservation des biens). En cas de désaccord, un juge des référés peut trancher avant que la grève ne commence.

L’autorité gouvernementale chargée de l’emploi est habilitée, en coordination avec les autorités gouvernementales concernées, à prendre, à l’occasion de l’exercice du droit de grève, toutes les mesures et dispositions nécessaires pour faciliter la conclusion d’un accord relatif au cahier revendicatif, tenter de résoudre les différends en cours, constater l’existence ou non d’un danger imminent, et évaluer le degré de conformité de l’employeur aux dispositions prévues par la législation du travail.

En cas de calamités, de catastrophes naturelles ou de crise nationale grave susceptible de porter atteinte à l’ordre public et aux droits des citoyens, le Chef du gouvernement peut, à titre exceptionnel, ordonner l’interdiction ou la suspension de la grève pour une durée déterminée, par une décision dûment motivée.

Des services vitaux sous protection

L’une des nouveautés majeures du texte est la définition des “services vitaux”, qui doivent assurer un service minimum en cas de grève. Cela concerne notamment :
  • Les établissements de santé ;
  • Les juridictions de toutes catégories et de tous niveaux, ainsi que les professions juridiques et judiciaires qui leur sont liées ;
  • Les services de Bank Al-Maghrib ;
  • L’Unité de traitement du renseignement financier (UTRF) ;
  • Le service chargé de la publication du Bulletin officiel ;
  • Les services de la météorologie ;
  • Les services de transport ferroviaire et routier sous toutes leurs formes, ainsi que la navigation maritime et aérienne ;
  • Les entreprises audiovisuelles de communication publique ;
  • Le secteur des télécommunications ;
  • Les services et entreprises de fabrication, de distribution et de vente de médicaments, ainsi que les sociétés de production et de distribution d’oxygène à usage médical ;
  • Les services de contrôle sanitaire aux frontières, dans les aéroports et les ports ;
  • Les services vétérinaires ;
  • Les services de production et de distribution d’eau, d’électricité et de produits énergétiques ;
  • Les services d’assainissement liquide et solide, ainsi que les services de collecte des déchets sous toutes leurs formes.

Qui ne peut pas faire grève ?

Le texte exclut du droit de grève plusieurs catégories : les fonctionnaires de l’Administration de la Défense nationale, les fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères, les fonctionnaires du ministère de l’Intérieur, les agents d’autorité, les militaires, les membres des forces de l’ordre, les officiers de police judiciaire, ainsi que l’ensemble des fonctionnaires et agents habilités à porter une arme, les agents diplomatiques et consulaires, ainsi que toutes les personnes auxquelles les textes législatifs spécifiques interdisent l’adhésion à un syndicat ou l’exercice de toute activité syndicale, ne peuvent exercer le droit de grève.

De même, les travailleurs chargés d’assurer un service minimum, ainsi que ceux désignés pour garantir la continuité des activités essentielles sur les lieux de travail, y compris la préservation de la santé et de la sécurité professionnelles, ne peuvent exercer le droit de grève durant la période de son application.

Des sanctions lourdes

Il est interdit de prendre toute mesure discriminatoire à l’encontre des travailleurs ou des professionnels en raison de l’exercice de leur droit de grève, susceptible de porter atteinte aux principes d’égalité des chances, d’équité et aux garanties qui leur sont reconnues, notamment en ce qui concerne leurs droits, leur statut et leur parcours professionnel.

La grève exercée conformément aux dispositions du présent projet de loi organique ne saurait, en aucun cas, constituer un motif valable pour engager des sanctions disciplinaires, un licenciement ou une révocation à l’encontre des salariés grévistes. Plusieurs sanctions sont prévues en cas de non-respect du droit de grève :
  • Des amendes de 1.200 DH à 100.000 DH, selon le type de violation.
  • Amendes multipliées par le nombre de travailleurs concernés, plafonnées à 200.000 DH.
  • Pas de contrainte par corps en cas d’impossibilité de paiement.
  • En cas de récidive dans les 4 ans, les peines sont doublées.
Les officiers de police judiciaire rédigent les procès-verbaux des infractions. La loi précise qu'une participation à une grève non conforme à la loi est une absence illégale sanctionnable.

Une entrée en vigueur progressive

La loi entrera en application dans un délai de six mois à compter de sa publication officielle. Ce temps est laissé aux employeurs, syndicats, et autorités pour se préparer à appliquer les nouvelles règles, qui devraient à terme réduire les tensions sociales, sécuriser les services essentiels, et renforcer le dialogue social.

Pour consulter l'intégralité de la loi sur la grève, cliquez sur télécharger.
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