Les quartiers généraux des centrales syndicales les plus représentatives étaient, ce vendredi, sur le qui-vive. Et pour cause, leurs chefs avaient rendez-vous avec le ministère de l’Inclusion économique, de la petite entreprise, de l’emploi et des compétences, Younes Sekkouri. Ce dernier, en charge du dossier, s’apprête à entamer une nouvelle journée de négociations avec les partenaires sociaux. L’enjeu est de taille : parvenir à un consensus sur le projet de loi organique régissant le droit de grève, un texte attendu depuis le début des années soixante et encore plus après la Constitution de 2011.
Le chemin parcouru depuis est considérable. En 2016, un premier projet de loi avait été déposé au Parlement, mais il s’était heurté à l’opposition farouche des syndicats. «Les centrales syndicales estimaient que certaines dispositions restreignaient le droit de grève», explique notre interlocuteur au ministère. Face à cette impasse, le gouvernement a choisi de «remettre l’ouvrage sur le métier», en inscrivant la question à l’agenda du dialogue social.
Autre sujet de contentieux : l’entité habilitée à déclencher une grève. Là encore, le gouvernement semble avoir cédé du terrain. La nouvelle mouture du projet de loi ne devrait pas limiter la prérogative de l’exercice de ce droit à certaines entités spécifiques. Une concession qui répond aux revendications syndicales, mais aussi aux demandes des organisations de défense des droits de l’Homme. Les délais et procédures de grève ont également fait l’objet d’intenses discussions. «Les parties s’orientent vers une réduction significative des délais et des procédures», indique-t-on au ministère. L’objectif est de permettre à la grève d’atteindre ses objectifs, tout en préservant un cadre légal clair.
La protection des droits des grévistes figure au cœur des dispositions discutées. Le texte devrait notamment interdire le licenciement des grévistes ou toute mesure discriminatoire à leur encontre pour avoir exercé leur droit de grève. Un point crucial pour les syndicats, qui y voient une garantie essentielle pour l’exercice effectif de ce droit constitutionnel.
Un équilibre délicat entre droits des grévistes et liberté de travail Toutefois, le projet de loi ne se contente pas de protéger les droits des grévistes. Il vise également à trouver un équilibre en garantissant les droits des travailleurs non-grévistes. «La reconnaissance de la liberté de travail pour les non-grévistes est un droit fondamental qui doit être respecté parallèlement à l’exercice du droit de grève», explique notre source au ministère. Cette disposition pourrait susciter des débats. Les syndicats craignent en effet qu’elle ne soit utilisée pour affaiblir l’impact des mouvements sociaux. Le gouvernement, de son côté, y voit un moyen de garantir la liberté de choix de chaque travailleur et d’éviter les situations de blocage total. Il s’agit donc de concilier le droit de grève, conquête sociale fondamentale, avec les impératifs de continuité de l’activité économique. Un défi que le Maroc n’est pas le seul à devoir relever, comme en témoignent les débats similaires dans de nombreux pays.
Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a également été saisi par la Chambre des représentants pour émettre un avis sur le projet de loi. Une séance s’est tenue en présence du ministre Sekkouri, soulignant l’importance accordée à l’expertise de cette institution consultative. L’implication du CESE témoigne de la volonté, notamment du pouvoir législatif, d’élargir le champ de la concertation au-delà des seuls partenaires sociaux traditionnels. Elle s’inscrit dans une démarche globale visant à prendre en compte l’ensemble des dimensions – économique, sociale et environnementale – du développement du Maroc.
Alors que les négociations se poursuivent, tous les regards sont tournés vers le ministère de l’Inclusion économique. Cette série de pourparlers pourrait être décisive. Si un consensus est trouvé, un cap historique pourrait être franchi dans la régulation des relations sociales. L’adoption d’une loi organique sur le droit de grève, treize ans après son inscription dans la Constitution (elle l’est d’ailleurs depuis la première Constitution du Maroc), marquerait incontestablement un tournant. Elle viendrait combler un vide juridique qui a longtemps été source de tensions et d’incertitudes. Pour le gouvernement, il s’agit aussi de donner corps à la vision d’un «modèle marocain» d’État social et de dialogue social. Les défis restent nombreux. La mise en œuvre effective de la loi, une fois adoptée, nécessitera un effort d’adaptation de la part de tous les acteurs. Les entreprises devront intégrer ces nouvelles dispositions dans leur gestion des ressources humaines. Les syndicats, de leur côté, seront amenés à repenser leurs stratégies de mobilisation dans ce nouveau cadre légal.
Un marathon de négociations pour un droit constitutionnel
Depuis près de deux ans, le gouvernement s’est lancé dans un véritable marathon de négociations. Pas moins de 65 réunions ont été organisées, impliquant une pléiade d’acteurs : syndicats, patronat, départements ministériels et même des représentants du pouvoir judiciaire. «C’est une approche plurielle qui consacre la démocratie participative», nous confie une source proche du dossier. Cette démarche s’inscrit dans la droite ligne des Orientations Royales exprimées par Sa Majesté le Roi Mohammed VI lors de l’ouverture de la session parlementaire du 9 octobre 2015. Le Souverain avait alors appelé à l’élaboration d’une loi équilibrée sur le droit de grève, respectueuse des intérêts des travailleurs comme des employeurs.Le chemin parcouru depuis est considérable. En 2016, un premier projet de loi avait été déposé au Parlement, mais il s’était heurté à l’opposition farouche des syndicats. «Les centrales syndicales estimaient que certaines dispositions restreignaient le droit de grève», explique notre interlocuteur au ministère. Face à cette impasse, le gouvernement a choisi de «remettre l’ouvrage sur le métier», en inscrivant la question à l’agenda du dialogue social.
Des avancées significatives sur les points de friction
La cinquième série de négociations, qui vient de s’achever, a permis de réaliser des progrès substantiels sur plusieurs points de divergence. Parmi les sujets les plus épineux figurait la définition même de la grève. «Le gouvernement a fait preuve d’une grande flexibilité», souligne notre source. «Nous avons répondu favorablement aux demandes des syndicats pour éviter de restreindre le droit de grève, notamment en ne limitant pas certains types de grèves, comme la grève politique et solidaire».Autre sujet de contentieux : l’entité habilitée à déclencher une grève. Là encore, le gouvernement semble avoir cédé du terrain. La nouvelle mouture du projet de loi ne devrait pas limiter la prérogative de l’exercice de ce droit à certaines entités spécifiques. Une concession qui répond aux revendications syndicales, mais aussi aux demandes des organisations de défense des droits de l’Homme. Les délais et procédures de grève ont également fait l’objet d’intenses discussions. «Les parties s’orientent vers une réduction significative des délais et des procédures», indique-t-on au ministère. L’objectif est de permettre à la grève d’atteindre ses objectifs, tout en préservant un cadre légal clair.
La protection des droits des grévistes figure au cœur des dispositions discutées. Le texte devrait notamment interdire le licenciement des grévistes ou toute mesure discriminatoire à leur encontre pour avoir exercé leur droit de grève. Un point crucial pour les syndicats, qui y voient une garantie essentielle pour l’exercice effectif de ce droit constitutionnel.
Un équilibre délicat entre droits des grévistes et liberté de travail Toutefois, le projet de loi ne se contente pas de protéger les droits des grévistes. Il vise également à trouver un équilibre en garantissant les droits des travailleurs non-grévistes. «La reconnaissance de la liberté de travail pour les non-grévistes est un droit fondamental qui doit être respecté parallèlement à l’exercice du droit de grève», explique notre source au ministère. Cette disposition pourrait susciter des débats. Les syndicats craignent en effet qu’elle ne soit utilisée pour affaiblir l’impact des mouvements sociaux. Le gouvernement, de son côté, y voit un moyen de garantir la liberté de choix de chaque travailleur et d’éviter les situations de blocage total. Il s’agit donc de concilier le droit de grève, conquête sociale fondamentale, avec les impératifs de continuité de l’activité économique. Un défi que le Maroc n’est pas le seul à devoir relever, comme en témoignent les débats similaires dans de nombreux pays.
Vers une adoption consensuelle du texte
Le chemin vers l’adoption définitive du projet de loi semble de plus en plus à la portée des acteurs. Le gouvernement se veut optimiste dès lors que le texte est rentré au Parlement avec l’accord des acteurs sociaux en juillet 2024. «L’objectif de ces pourparlers est de parvenir à un consensus», affirme-t-on au ministère. Une fois cet accord trouvé, le projet de loi sera soumis de nouveau à la Commission parlementaire concernée pour un examen approfondi. Cette démarche répond aux attentes exprimées par les groupes parlementaires lors des discussions de juillet dernier. Elle s’inscrit également dans la logique de dialogue social prônée par le gouvernement depuis l’accord du 30 avril 2022, qui avait officiellement acté la programmation de la discussion sur le droit de grève. Le ministre Younes Sekkouri, fer de lance de ces négociations, ne ménage pas ses efforts. Il multiplie les rencontres avec les représentants des syndicats les plus représentatifs (Union marocaine du travail-UMT, Union générale des travailleurs du Maroc-UGTM, Confédération générale du travail-CDT), ainsi qu’avec ceux de la CGEM (Confédération générale des entreprises du Maroc) et de la Confédération marocaine de l’agriculture et du développement rural (Comader). Son objectif : apporter des réponses concrètes aux observations et aux revendications formulées par chaque partie. Cette dynamique de concertation est saluée par de nombreux observateurs. Elle est perçue comme un pas significatif vers la consolidation de l’État social voulu par S.M. le Roi Mohammed VI et inscrit dans le nouveau modèle de développement. «C’est une étape supplémentaire dans la consécration de l’État social et la mise en place d’un dialogue inclusif tout au long du processus législatif», se félicite notre interlocuteur au ministère. Au-delà des aspects techniques et juridiques, l’enjeu est éminemment politique et social. La régulation du droit de grève est vue comme un levier essentiel pour la justice sociale et un progrès significatif vers la consolidation de la paix sociale. Des éléments jugés indispensables pour l’émergence économique du Royaume.Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a également été saisi par la Chambre des représentants pour émettre un avis sur le projet de loi. Une séance s’est tenue en présence du ministre Sekkouri, soulignant l’importance accordée à l’expertise de cette institution consultative. L’implication du CESE témoigne de la volonté, notamment du pouvoir législatif, d’élargir le champ de la concertation au-delà des seuls partenaires sociaux traditionnels. Elle s’inscrit dans une démarche globale visant à prendre en compte l’ensemble des dimensions – économique, sociale et environnementale – du développement du Maroc.
Alors que les négociations se poursuivent, tous les regards sont tournés vers le ministère de l’Inclusion économique. Cette série de pourparlers pourrait être décisive. Si un consensus est trouvé, un cap historique pourrait être franchi dans la régulation des relations sociales. L’adoption d’une loi organique sur le droit de grève, treize ans après son inscription dans la Constitution (elle l’est d’ailleurs depuis la première Constitution du Maroc), marquerait incontestablement un tournant. Elle viendrait combler un vide juridique qui a longtemps été source de tensions et d’incertitudes. Pour le gouvernement, il s’agit aussi de donner corps à la vision d’un «modèle marocain» d’État social et de dialogue social. Les défis restent nombreux. La mise en œuvre effective de la loi, une fois adoptée, nécessitera un effort d’adaptation de la part de tous les acteurs. Les entreprises devront intégrer ces nouvelles dispositions dans leur gestion des ressources humaines. Les syndicats, de leur côté, seront amenés à repenser leurs stratégies de mobilisation dans ce nouveau cadre légal.