Depuis l’adoption de la Constitution de 1962, qui reconnaissait la grève comme un droit fondamental, plusieurs tentatives ont été menées pour l’encadrer, mais sans succès. Le vide juridique a longtemps laissé place à des conflits sociaux gérés au cas par cas, souvent au détriment des travailleurs. En 2011, la nouvelle Constitution marocaine réaffirmait ce droit tout en renvoyant son encadrement à une loi organique (art 29 : Le droit de grève est garanti. Une loi organique fixe les conditions et les modalités de son exercice).
Mais il aura fallu 14 ans et de multiples blocages politiques pour aboutir à un texte définitif. «Il était temps que le Maroc se dote d’une loi qui régule la grève et protège à la fois les travailleurs et les entreprises», s’est félicité Younes Sekkouri, ministre de l’Emploi et de l’insertion économique. Le 3 février 2025, le projet de loi a été adopté en première lecture par la Chambre des conseillers avec 41 voix pour et 7 contre. Le 5 février, il a été validé définitivement en seconde lecture par la Chambre des représentants avec 84 voix pour, 20 contre et aucune abstention. Le texte entrera en vigueur après sa publication au Bulletin officiel et son approbation par la Cour constitutionnelle, prévue dans quinze jours.
Autre nouveauté de taille, l’extension du droit de grève à de nouvelles catégories de travailleurs. Jusque-là, seuls les salariés du secteur privé et les fonctionnaires y avaient accès. Désormais, cette loi s’applique également aux travailleurs indépendants, aux non-salariés et aux travailleurs domestiques. Une reconnaissance inédite qui marque une avancée sociale importante, bien que les modalités de son application concrète suscitent encore des interrogations. Le texte adopté par le Parlement introduit aussi une réduction des délais de préavis et de négociation avant qu’une grève ne puisse être déclenchée. Dans le secteur privé, il était autrefois nécessaire d’attendre 30 jours avant de pouvoir cesser le travail après le début des discussions. Ce délai a été réduit à 7 jours, rendant ainsi le recours à la grève plus réactif face aux blocages sociaux. Dans le secteur public, où les décisions impliquent plusieurs administrations, la période de négociation est fixée à 45 jours. Quant au délai de notification, qui était de 15 jours, il passe à 5 jours seulement, et à 7 jours pour les grèves nationales.
Mais c’est bien l’article permettant au Chef du gouvernement de suspendre une grève qui cristallise les critiques. Pour Miloudi Moukharik, secrétaire général de l’UMT, cette loi est «rétrograde, inconstitutionnelle et dangereuse». Il accuse le gouvernement d’avoir «donné un pouvoir absolu au Chef de l’exécutif pour étouffer les mouvements sociaux», ajoutant que «cette double peine infligée aux grévistes constitue une atteinte frontale aux libertés syndicales». Face à cette vague de protestation, le gouvernement reste inflexible. Younes Sekkouri, ministre de l’Emploi, défend un texte équilibré, affirmant que cette loi met enfin un cadre à un droit constitutionnel resté trop longtemps flou. «Nous avons mis en place des garanties pour les travailleurs tout en protégeant l’économie et la continuité du service public», a-t-il déclaré. Dans les rangs de la majorité, le texte est présenté comme un levier de modernisation destiné à rassurer les investisseurs et à éviter les abus dans l’exercice du droit de grève. De son côté, le patronat (CGEM) salue une loi qui «apporte de la clarté aux investisseurs et renforce la stabilité économique».
Mais les syndicats ne comptent pas en rester là. Plusieurs centrales annoncent une poursuite du bras de fer, avec d’autres actions en perspective. Certains envisagent même de saisir la Cour constitutionnelle pour contester des articles qu’ils jugent contraires aux libertés fondamentales. Un pari risqué puisque la haute juridiction risque d’avaliser le texte et les priver ainsi d’un argument de taille dans leur combat contre la loi n°97.15, qui fixe les conditions et modalités d’exercice de la grève.
Selon M. Alj, le texte adopté est «équilibré» puisqu’il «garantit d’une part l’exercice légitime du droit de grève des salariés et, d’autre part, la liberté de travail à travers des règles claires pour protéger les non-grévistes, les employeurs et l’entreprise». Il offre, par ailleurs, un cadre propice à la résolution pacifique et concertée des différends qui peuvent survenir dans la vie d’une entreprise, ajoute le président de la Confédération patronale.
Mais il aura fallu 14 ans et de multiples blocages politiques pour aboutir à un texte définitif. «Il était temps que le Maroc se dote d’une loi qui régule la grève et protège à la fois les travailleurs et les entreprises», s’est félicité Younes Sekkouri, ministre de l’Emploi et de l’insertion économique. Le 3 février 2025, le projet de loi a été adopté en première lecture par la Chambre des conseillers avec 41 voix pour et 7 contre. Le 5 février, il a été validé définitivement en seconde lecture par la Chambre des représentants avec 84 voix pour, 20 contre et aucune abstention. Le texte entrera en vigueur après sa publication au Bulletin officiel et son approbation par la Cour constitutionnelle, prévue dans quinze jours.
Ce que change la nouvelle loi
L’une des principales avancées de cette nouvelle loi réside dans la définition même de la grève. Désormais, elle ne se limite plus aux revendications salariales ou aux conditions de travail. Elle peut aussi être déclenchée pour défendre des intérêts indirects des travailleurs, comme la liberté syndicale, la dignité ou les droits sociaux. De plus, une évolution majeure concerne la reconnaissance des grèves de solidarité et même des grèves politiques, un tournant dans la législation marocaine qui s’aligne ainsi sur les normes de l’Organisation internationale du travail (OIT).Autre nouveauté de taille, l’extension du droit de grève à de nouvelles catégories de travailleurs. Jusque-là, seuls les salariés du secteur privé et les fonctionnaires y avaient accès. Désormais, cette loi s’applique également aux travailleurs indépendants, aux non-salariés et aux travailleurs domestiques. Une reconnaissance inédite qui marque une avancée sociale importante, bien que les modalités de son application concrète suscitent encore des interrogations. Le texte adopté par le Parlement introduit aussi une réduction des délais de préavis et de négociation avant qu’une grève ne puisse être déclenchée. Dans le secteur privé, il était autrefois nécessaire d’attendre 30 jours avant de pouvoir cesser le travail après le début des discussions. Ce délai a été réduit à 7 jours, rendant ainsi le recours à la grève plus réactif face aux blocages sociaux. Dans le secteur public, où les décisions impliquent plusieurs administrations, la période de négociation est fixée à 45 jours. Quant au délai de notification, qui était de 15 jours, il passe à 5 jours seulement, et à 7 jours pour les grèves nationales.
Renforcement de la protection des grévistes
Mais si la loi encadre plus strictement le recours à la grève, elle renforce également la protection des grévistes. Jusque-là, les employeurs pouvaient librement remplacer les travailleurs en grève ou recourir à la sous-traitance pour contourner le mouvement social. Après la promulgation de la nouvelle loi, cette manœuvre ne sera plus possible. L’interdiction du remplacement des grévistes constitue l’une des victoires les plus notables des travailleurs. De plus, la loi impose des sanctions financières sévères aux employeurs qui entraveraient ce droit, avec des amendes pouvant atteindre 200.000 dirhams. In fine, la nouvelle loi modifie également les conditions d’appel à la grève. Auparavant, seuls les syndicats dits «les plus représentatifs» pouvaient déclencher un mouvement social. Aujourd’hui, tous les syndicats représentatifs ont ce droit, élargissant ainsi la base décisionnelle. Dans les entreprises sans syndicat, le nombre de travailleurs nécessaires pour initier une grève a également été revu à la baisse, passant de 75% à seulement 25% des salariés. Une ouverture qui vise à faciliter l’organisation des mouvements sociaux, bien que certains y voient aussi une potentielle source de fragmentation syndicale. À travers ces évolutions, la nouvelle loi organique sur la grève se veut plus équilibrée, plus claire et plus protectrice pour les travailleurs selon le gouvernement. Sauf que la majorité des syndicats ne l’entendent pas de cette oreille. Du coup, il s’en est suivi une large levée de bouclier.Un texte adopté sous haute tension
Le jour même du vote de la nouvelle loi sur le droit de grève par la Chambre des représentants en seconde lecture, des syndicats observaient une grève générale nationale dont l’ampleur fait débat, les chiffres sur le taux de participation étant contradictoires selon qu’on soit du côté du gouvernement ou des organisations syndicales. Le 5 février 2025, à l’appel des cinq principales centrales syndicales du pays – la Confédération démocratique du travail (CDT), l’Union marocaine du travail (UMT), l’Union nationale du travail au Maroc (UNMT), l’Organisation démocratique du travail (ODT) et la Fédération syndicale démocratique (FSD), des milliers de travailleurs ont cessé le travail dans plusieurs secteurs clés. Mais si les syndicats dénoncent une loi qui restreint le droit de grève et renforce le pouvoir du gouvernement sur les mouvements sociaux, leur colère dépasse ce seul texte. L’érosion du pouvoir d’achat, l’augmentation du chômage et l’absence de dialogue social sont autant de motifs qui alimentent leur contestation.Mais c’est bien l’article permettant au Chef du gouvernement de suspendre une grève qui cristallise les critiques. Pour Miloudi Moukharik, secrétaire général de l’UMT, cette loi est «rétrograde, inconstitutionnelle et dangereuse». Il accuse le gouvernement d’avoir «donné un pouvoir absolu au Chef de l’exécutif pour étouffer les mouvements sociaux», ajoutant que «cette double peine infligée aux grévistes constitue une atteinte frontale aux libertés syndicales». Face à cette vague de protestation, le gouvernement reste inflexible. Younes Sekkouri, ministre de l’Emploi, défend un texte équilibré, affirmant que cette loi met enfin un cadre à un droit constitutionnel resté trop longtemps flou. «Nous avons mis en place des garanties pour les travailleurs tout en protégeant l’économie et la continuité du service public», a-t-il déclaré. Dans les rangs de la majorité, le texte est présenté comme un levier de modernisation destiné à rassurer les investisseurs et à éviter les abus dans l’exercice du droit de grève. De son côté, le patronat (CGEM) salue une loi qui «apporte de la clarté aux investisseurs et renforce la stabilité économique».
Mais les syndicats ne comptent pas en rester là. Plusieurs centrales annoncent une poursuite du bras de fer, avec d’autres actions en perspective. Certains envisagent même de saisir la Cour constitutionnelle pour contester des articles qu’ils jugent contraires aux libertés fondamentales. Un pari risqué puisque la haute juridiction risque d’avaliser le texte et les priver ainsi d’un argument de taille dans leur combat contre la loi n°97.15, qui fixe les conditions et modalités d’exercice de la grève.
L’UGTM, un syndicat qui défend la loi n° 97.15
L’Union générale des travailleurs du Maroc (UGTM) défend avec beaucoup de conviction le projet de loi organique relatif au droit de grève. Pour ce syndicat proche du Parti de l’Istiqlal, le texte en question tient compte à la fois des intérêts des travailleurs, mais aussi des exigences économiques et sociales du pays. L’UGTM estime en effet que la modernisation du cadre juridique régissant le droit de grève est une réponse indispensable à la nécessité d’instaurer un climat de confiance entre les partenaires sociaux. Défendant la version adoptée, l’UGTM met en avant la qualité des amendements apportés, contrairement à la version présentée en 2016 par le Parti de la justice et du développement (PJD) et qui ne cernait pas, selon l’organisation syndicale proche de l’Istiqlal, l’ensemble des attentes des différentes parties prenantes. Fruit de longues discussions entre les syndicats et l’Exécutif, ce texte, grâce aux amendements apportés, est le reflet d’une approche holistique équilibrée, estimait Youssef Allakouch, membre du bureau politique du syndicat.Le MP, un parti de l’opposition qui soutient avec force la loi n°97.15
Le groupe parlementaire du Mouvement populaire, parti de l’opposition, a voté en faveur du projet de loi organique 97.15 relatif à la définition des conditions et modalités d’exercice du droit de grève, lors de la séance législative du mercredi 5 février 2025. Pour le président du groupe, Idriss Sentissi, le MP exerce une opposition responsable, citoyenne qui incarne une force de proposition. «Nous ne sommes pas un parti lâche», a-t-il déclaré. Et d’ajouter «nous avons été les premiers à demander l’élaboration de cette loi par respect aux dispositions constitutionnelles et aux intérêts des travailleurs». M. Sentissi a souligné dans le même ordre d’idées : «Nous ne sommes pas en train de légiférer pour une partie au détriment d’une autre. Nous légiférons pour la patrie. Et aujourd’hui plus que jamais, nous devons être d’accord que c’est le climat des affaires et les investissements qui peuvent renforcer la patrie. Et le MP soutient cette loi car il défend l’intérêt du pays.»Chakib Alj : «Une loi équilibrée qui consolidera la confiance des investisseurs»
La CGEM ne cache pas sa satisfaction de l’adoption de la loi 97.15 relative à l’exercice du droit de grève, estimant qu’elle «contribuera résolument à améliorer l’environnement des affaires au sein de notre pays, à consolider la confiance des investisseurs nationaux et internationaux et à renforcer la compétitivité de toutes les entreprises, notamment les TPME». Dans un message adressé aux membres, le président de la Confédération patronale parle d’«un tournant dans l’histoire du dialogue social du Maroc» et d’un cadre juridique que les entreprises marocaines attendaient depuis plus de 60 ans. «Doter notre pays d’un cadre juridique clair et équilibré sur l’exercice du droit de grève était une priorité majeure de notre mandat à la présidence de la CGEM», a affirmé Chakib Alj, rappelant que l’ensemble des composantes de la Confédération (fédérations, CGEM régions, commissions et groupe parlementaire) se sont fortement mobilisées sur ce sujet depuis la signature de l’accord social de 2022. «Je profite de cette occasion pour les féliciter et les remercier pour leur travail et leur persévérance», a-t-il ajouté.Selon M. Alj, le texte adopté est «équilibré» puisqu’il «garantit d’une part l’exercice légitime du droit de grève des salariés et, d’autre part, la liberté de travail à travers des règles claires pour protéger les non-grévistes, les employeurs et l’entreprise». Il offre, par ailleurs, un cadre propice à la résolution pacifique et concertée des différends qui peuvent survenir dans la vie d’une entreprise, ajoute le président de la Confédération patronale.