La semaine dernière, du 27 au 29 septembre, Marrakech a été un haut lieu de rencontre et d’échange entre experts internationaux venus des cinq continents. Un thème particulièrement pertinent a été ainsi traité : les risques liés notamment à la pénurie d’eau, à la pollution et au réchauffement climatique, à la sécurité alimentaire et aux catastrophes naturelles, et les moyens d’y faire face dans le cadre de l’Agenda 2063 de l’Union africaine.
L’approche marocaine pour réformer le secteur de la santé mise en exergue
Dans son discours d’ouverture officielle de cette Conférence, le Chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, a mis en exergue l’approche innovante dans la réforme du secteur de la santé au Maroc. «En exécution des Hautes Directives Royales, le secteur de la santé vit actuellement au rythme d’un chantier de réforme innovant qui lui permettra d’instaurer un système de santé solide, doté d’institutions stratégiques capables de faire face aux défis actuels et futurs avec beaucoup d’efficacité et de résilience», a indiqué M. Akhannouch. À cet égard, il a souligné que les acquis réalisés, sous la conduite de S.M. le Roi Mohammed VI, dans la lutte contre la pandémie de Covid-19 a renforcé la résilience du système national de santé face aux crises sanitaires et l’action des différents départements et partenaires pour une gestion plus efficace et efficiente.
Par ailleurs, le Chef du gouvernement a mis en avant l’importance de la thématique de cette édition, placée sous le signe «Santé en Afrique : eau, environnement et sécurité alimentaire», de par le rapport étroit entre ces trois éléments et la santé et le bien-être des populations africaines, soulignant la nécessité de la fédération des efforts et de l’action commune pour renforcer la sécurité sanitaire et environnementale en Afrique. L’eau, l’environnement et la sécurité alimentaire font face à des défis majeurs, surtout dans le contexte actuel marqué par les répercussions négatives de la dégradation de l’environnement et son impact sur la santé des Africains et sur la planète, a-t-il noté, ajoutant que la stratégie de prévention des risques sanitaires revêt une importance capitale pour la réduction des maladies et des décès résultant de la dégradation de l’environnement, de la qualité de l’eau et de la malnutrition.
Cette stratégie contribue aussi à l’atténuation de la pression exercée sur le système de santé et du fardeau économique qui pèse sur les familles, les établissements d’assurance maladie et les ressources de l’État, a-t-il expliqué. À la lumière des défis environnementaux et climatiques auxquels le monde est confronté, M. Akhannouch a mis l’accent sur l’importance de transformer les systèmes alimentaires et les chaînes de valeur agroalimentaires pour garantir davantage de durabilité et de résilience en vue d’assurer la sécurité alimentaire du pays. À cet égard, la sécurisation des approvisionnements en eau est une condition essentielle pour atteindre la souveraineté alimentaire, a-t-il fait remarquer, notant que le Maroc connaît depuis plus de cinq ans une période de sécheresse exceptionnelle due au changement climatique, qui exerce une pression croissante sur les systèmes alimentaires les rendant plus vulnérables aux chocs économiques et environnementaux.
Faisant référence à l’accroissement par le gouvernement des investissements dans le Programme national pour l’approvisionnement en eau potable et l’irrigation 2020-2027, M. Akhannouch a indiqué que l’Exécutif s’attelle à l’élaboration d’une nouvelle vision qui permettra au Maroc, à travers ce programme, d’avoir une réserve d’eau stratégique pour soutenir sa souveraineté alimentaire. Il a aussi mis en relief les efforts du Royaume pour assurer un approvisionnement régulier du marché national en denrées alimentaires de base, doubler le produit intérieur brut agricole et améliorer les conditions de vie des agriculteurs, tout en veillant à la protection de la santé des citoyens et à la sécurité des produits alimentaires par le biais de plusieurs établissements, dont l’Office national de sécurité sanitaire des produits alimentaires.
La souveraineté sanitaire passe par la réduction des risques
De son côté, le ministre de la Santé et de la protection sociale, Khalid Aït Taleb, a souligné que «la souveraineté sanitaire passe par la réduction des risques et ne saurait exister en l’absence d’une réponse aux questions de l’eau, de l’environnement et de la sécurité alimentaire». S’exprimant lors d’un panel organisé dans le cadre de cette deuxième Conférence africaine, M. Aït Taleb a indiqué que la santé est une question centrale qui sera affectée prochainement par des défis de taille, notant que la réduction des risques est transversale, nécessitant une harmonisation des différentes politiques publiques.
Ces défis, tout comme les différentes évolutions observées sur le terrain, notamment celles liées aux progrès technologiques, ont un impact sur le panier et le coût des soins, et aucune assurance maladie ou financement public ne sera à l’avenir en mesure de supporter les dépenses de santé, a expliqué M. Aït Taleb. La technologie change le métier de la santé, a-t-il dit, notant que la médecine de demain sera personnalisée et fera appel à plus de génomiques et de métabolomiques, d’où l’importance d’une vision commune et d’une résilience face aux risques sanitaires. Le ministre a, à cet effet, argué que le continent africain doit passer à l’action, envisager une meilleure convergence et devenir le pionnier en matière de protection sociale, pour pallier ce type de problèmes. «L’heure de l’Afrique a sonné», a-t-il affirmé.
Le potentiel crucial de l’agriculture pour remédier à la fragilité des systèmes de production et des chaînes de valeur alimentaires
Intervenant lors du panel consacré aux stratégies de réduction des risques liés à la sécurité alimentaires en Afrique et dans le monde, le ministre de l’Agriculture, de la pêche maritime, du développement rural et des eaux et forêts, Mohammed Sadiki, a, quant à lui, a indiqué que cette Conférence, qui offre l’opportunité de mobiliser l’Afrique sur une thématique d’une extrême importance, ambitionne de contribuer à stimuler l’édification d’une vision continentale, concertée pour la santé et le bien-être humain ainsi que des écosystèmes sur le continent africain. Notre continent, rappelle le ministre, «fait face à des défis en matière de santé, notamment en lien avec la disponibilité durable d’une alimentation saine et d’un environnement propre, ainsi que de l’accès à l’eau potable».
Dans le contexte que vit l’humanité tout entière, poursuit-il, «la vulnérabilité de nos systèmes alimentaires est encore une fois clairement dévoilée et exacerbée par les répercussions de la violence des changements climatiques entre sécheresse, inondations et immigrations des poissons, etc.» Cela, ajoute M. Sadiki, «affecte lourdement la sécurité et la souveraineté alimentaires qui sont devenues au centre des préoccupations politiques et économiques des pays». Pour le responsable gouvernemental, «la transformation de nos systèmes alimentaires et de nos chaînes de valeur agroalimentaires vers plus de durabilité et de résilience est «aujourd’hui une priorité pour assurer une sécurité alimentaire durable et résiliente en Afrique garantissant une préservation de l’accès à une alimentation salubre, diversifiée et nutritive tout en préservant nos ressources naturelles et nos écosystèmes».
Et le ministre d’affirmer que «la situation exige de nous tous la mise en avant du potentiel crucial de l’agriculture pour le traitement de la fragilité des systèmes de production et des chaînes de valeur alimentaires». «Le développement de l’agriculture est de toute évidence une condition de la souveraineté alimentaire. Il passe par l’élaboration d’une politique agricole forte, efficace et adaptée à chaque pays». Le développement de l’agriculture et la sécurité alimentaire, selon M. Sadiki, sont entre autres des défis communs pour tous les pays africains. «Le futur de la coopération intra-africaine repose sur la capacité à mieux traiter ces enjeux dans une perspective collective», estime-t-il. Cela requiert, d’après lui, des actions novatrices consolidées dans un processus de coopération et de partenariat».
La souveraineté alimentaire africaine dépend de la sécurité hydrique
Pour sa part, le ministre de l’Équipement et de l’eau, Nizar Baraka, a indiqué que «la gestion intégrée de la sécurité hydrique s’avère impérative pour atteindre l’indépendance dans les domaines du développement durable, à savoir l’énergie, l’alimentation et l’environnement, dans un contexte marqué par les changements climatiques et d’autres défis majeurs qui pèsent sur le monde en général et l’Afrique en particulier».
S’exprimant en ouverture du panel consacré au thème «Eau potable : ressources, exploitations agricoles, investissements continentaux et équité», M. Baraka a souligné que «les changements climatiques ont impacté les ressources en eau, à travers des phénomènes extrêmes comme les inondations soudaines et les longues périodes de sécheresse, mettant à mal les réserves d’eau et la sécurité alimentaire». À l’instar d’autres pays africains et arabes, le Maroc est confronté à de nombreux défis urgents et imbriqués, relatifs notamment à la raréfaction de l’eau, qui est exacerbée par les changements climatiques, la désertification, la perte de la biodiversité et la dégradation des terres, a-t-il rappelé.
Dans ce cadre, le ministre a affirmé que grâce à la politique visionnaire de S.M. le Roi Mohammed VI, le Maroc a pu construire une infrastructure hydraulique importante répartie au niveau de toutes les régions du Royaume pour assurer l’approvisionnement en eau potable, mais également pour l’irrigation, la production d’énergie hydroélectrique et la protection contre les inondations. Cette vision consiste également à achever la construction des barrages prévus et des réseaux d’interconnexion de l’eau entre les bassins et les stations de dessalement de l’eau de mer, outre le renforcement de l’approche de rationalisation de l’utilisation de cette ressource, a-t-il fait savoir.
M. Baraka a, dans ce contexte, mis en avant l’élaboration du Programme national d’approvisionnement en eau potable et d’irrigation 2020-2027, axé sur le développement des ressources hydriques, l’approvisionnement en eau potable en milieu urbain et rural, la gestion de la demande, la communication et la sensibilisation à l’économie de l’eau. Les réformes entreprises par le Royaume concernent également l’orientation des agriculteurs vers les cultures les plus adaptées aux ressources en eau limitées, la modernisation de l’agriculture comme base essentielle pour assurer et développer la sécurité hydrique et alimentaire, et l’investissement dans l’innovation scientifique et technique, a-t-il noté.
Appel à une coopération entre les nations africaines pour promouvoir des politiques de santé panafricaines
Les participants à cette deuxième Conférence africaine sur la réduction des risques en santé ont plaidé pour la réflexion et la coopération entre les nations africaines en faveur de politiques de santé panafricaines, fondées sur des données probantes, l’application de la technologie et de l’innovation, ainsi que sur une capacité accrue à répondre aux catastrophes et urgences. À l’issue de trois jours de discussions, les décideurs, experts, spécialistes et professionnels africains et internationaux présents à ce conclave ont préconisé d’encourager une collaboration solide sous la direction de leaders et d’experts africains, tant publics que privés, pour le développement de la santé en Afrique. Ils ont également appelé à promouvoir un mouvement de solidarité commun mobilisant l’expertise Sud-Sud, qui permettrait d’atteindre une souveraineté sanitaire continentale, en plus de faciliter et d’encourager les partenariats fructueux et les collaborations solides entre experts d’Afrique et d’autres continents, et créer ainsi des bureaux de santé mondiaux. Enfin, ils ont invité à adopter une Charte panafricaine sur la réduction des risques sanitaires, laquelle intégrera tous les aspects médicaux, sociaux, économiques et psychologiques liés à la santé des diverses communautés africaines.