Dans le centre-ville de la capitale économique, Casablanca, dimanche 23 février, des groupes de travailleurs battent le pavé en brandissant des drapeaux et des banderoles colorées. Les visages sont fermés, la colère à peine contenue. Venus de différentes villes du pays, notamment de Fès, d’Agadir et de Tanger, des manifestants ont fait le déplacement pour exprimer leur rejet d’un pouvoir jugé sourd aux revendications sociales. Sur les pancartes, des slogans qui témoignent du malaise ambiant : «Vie chère, salaires de misère», «Gouvernement des riches, peuple en détresse», «Droit de grève en danger». Dans la foule, des voix scandent des slogans contre la flambée des prix, l’inaction du gouvernement face à la précarité et, surtout, contre une réforme du droit de grève perçue comme une atteinte directe aux libertés syndicales.
Cette manifestation nationale, organisée par la Confédération démocratique du travail (CDT), est le point d’orgue d’un mois de tensions croissantes entre le gouvernement et les centrales syndicales. L’Union marocaine du travail (UMT), l’Union nationale du travail au Maroc (UNTM) et la Fédération démocratique du travail (FDT), bien que sur des lignes différentes, convergent sur un constat : la politique économique et sociale menée par l’exécutif creuse les inégalités et sape les acquis des travailleurs. En ligne de mire, une série de réformes controversées, notamment le projet de loi sur la grève. Pour les syndicats, c’est «un texte liberticide» qui vise à neutraliser toute contestation sociale dans un contexte de tensions économiques exacerbées.
Même son de cloche du côté de la CDT, qui a organisé plusieurs manifestations régionales avant d’appeler à la marche nationale de dimanche dernier à Casablanca. «Nous dénonçons l’augmentation insupportable du coût de la vie, le mépris des revendications salariales et le refus du gouvernement d’entendre la colère populaire», martèle Khalid Alami Houir, vice-secrétaire général de la CDT. L’Union nationale du travail au Maroc (UNTM), s’inscrit elle aussi dans ce mouvement de fronde. Réunis à Salé, samedi 23 février 2025, les membres de son conseil national ont tiré la sonnette d’alarme à propos de la situation sociale du pays. Son secrétaire général, Mohammed Zouiten, a dénoncé «une dérive autoritaire qui menace les libertés syndicales et met en péril la paix sociale», appelant le gouvernement à revoir ses priorités et à «traiter les syndicats comme des partenaires et non comme des obstacles à son agenda politique». Critiquant une gestion technocratique «davantage soucieuse des équilibres budgétaires que du sort des travailleurs», il a pointé du doigt l’inflation galopante et l’absence de mesures concrètes pour soulager les ménages. Selon lui, cette déconnexion du pouvoir «alimente un climat de défiance qui pourrait avoir des conséquences imprévisibles si l’exécutif persistait dans sa posture de mépris». Face à cette situation, il a salué la montée en puissance de la mobilisation syndicale et réaffirmé la détermination de l’UNTM à s’inscrire dans toute action collective visant à défendre les droits syndicaux et la justice sociale.
L’UMT, de son côté, adopte un ton encore plus ferme et qualifie cette réforme de «projet répressif conçu pour bâillonner la contestation». Elle réclame l’ouverture d’un véritable dialogue social et exige la mise en place «d’une institution tripartite (État, syndicats, patronat) pour réguler les négociations collectives», estimant que seule une approche concertée pourrait garantir l’équilibre entre les droits des travailleurs et les impératifs économiques. L’UNTM, plus prudente dans sa critique, n’en demeure pas moins opposée à cette réforme. «Le gouvernement veut imposer ce texte, alors que la loi sur les syndicats et la réforme des élections professionnelles sont toujours en suspens. C’est un non-sens total», s’exclame Mohammed Zouiten, qui déplore une approche déséquilibrée du dialogue social, où les revendications syndicales restent lettre morte, tandis que les restrictions sur les droits des travailleurs sont imposées sans concertation.
La FDT, réunie en conseil national le 8 février 2025 à Marrakech, rejoint également la contestation. Dans son communiqué, elle condamne une réforme «liberticide et dangereuse», estimant qu’elle vise à «restreindre la liberté d’action des syndicats et fragiliser encore plus les travailleurs». La centrale syndicale insiste sur la nécessité d’adopter d’abord une loi sur les syndicats avant toute réglementation du droit de grève et dénonce une tentative de «briser le mouvement syndical sous prétexte d’encadrement législatif». Elle appelle le gouvernement à retirer ce texte et à entamer de véritables négociations pour garantir un cadre légal respectueux des droits fondamentaux des travailleurs.
Face à cette situation, les syndicats durcissent leur position. Dans son communiqué, l’UMT réclame «une augmentation immédiate des salaires, une régulation stricte des prix des produits de première nécessité et une réforme fiscale garantissant une répartition plus équitable des richesses». La CDT exige l’abandon pur et simple de la loi sur la grève et «un dialogue social réel, basé sur des négociations sincères et non des diktats». Quant à l’UNTM, elle appelle à «des réformes structurelles pour garantir une protection sociale universelle et un cadre légal équilibré pour les travailleurs». n
Cette manifestation nationale, organisée par la Confédération démocratique du travail (CDT), est le point d’orgue d’un mois de tensions croissantes entre le gouvernement et les centrales syndicales. L’Union marocaine du travail (UMT), l’Union nationale du travail au Maroc (UNTM) et la Fédération démocratique du travail (FDT), bien que sur des lignes différentes, convergent sur un constat : la politique économique et sociale menée par l’exécutif creuse les inégalités et sape les acquis des travailleurs. En ligne de mire, une série de réformes controversées, notamment le projet de loi sur la grève. Pour les syndicats, c’est «un texte liberticide» qui vise à neutraliser toute contestation sociale dans un contexte de tensions économiques exacerbées.
Une mobilisation qui prend de l’ampleur
Alors que le premier mai s’approche à grand pas, une montée en puissance des actions syndicales se fait de plus en plus remarquer. Le 13e congrès de l’UMT, tenu à Casablanca le 23 février 2025, a été l’occasion pour son secrétaire général, Miloudi Moukharik, qui vient d’être réélu pour un quatrième mandat, de fustiger «une politique de répression sociale menée sous couvert de réformes». Dans un communiqué publié à l’issue du congrès, le syndicat dénonce «un contexte social alarmant, marqué par une flambée des prix qui étrangle les ménages, un chômage en hausse et une précarisation croissante du travail». Plus encore, il s’inquiète de «l’inaction du gouvernement face à la détérioration du dialogue social» et de «sa volonté manifeste d’imposer des lois antisociales sans concertation».Même son de cloche du côté de la CDT, qui a organisé plusieurs manifestations régionales avant d’appeler à la marche nationale de dimanche dernier à Casablanca. «Nous dénonçons l’augmentation insupportable du coût de la vie, le mépris des revendications salariales et le refus du gouvernement d’entendre la colère populaire», martèle Khalid Alami Houir, vice-secrétaire général de la CDT. L’Union nationale du travail au Maroc (UNTM), s’inscrit elle aussi dans ce mouvement de fronde. Réunis à Salé, samedi 23 février 2025, les membres de son conseil national ont tiré la sonnette d’alarme à propos de la situation sociale du pays. Son secrétaire général, Mohammed Zouiten, a dénoncé «une dérive autoritaire qui menace les libertés syndicales et met en péril la paix sociale», appelant le gouvernement à revoir ses priorités et à «traiter les syndicats comme des partenaires et non comme des obstacles à son agenda politique». Critiquant une gestion technocratique «davantage soucieuse des équilibres budgétaires que du sort des travailleurs», il a pointé du doigt l’inflation galopante et l’absence de mesures concrètes pour soulager les ménages. Selon lui, cette déconnexion du pouvoir «alimente un climat de défiance qui pourrait avoir des conséquences imprévisibles si l’exécutif persistait dans sa posture de mépris». Face à cette situation, il a salué la montée en puissance de la mobilisation syndicale et réaffirmé la détermination de l’UNTM à s’inscrire dans toute action collective visant à défendre les droits syndicaux et la justice sociale.
Le projet de loi «explosif» sur la grève
Au-delà des revendications socioéconomiques, l’adoption par le Parlement de la réforme du droit de grève cristallise les divergences entre gouvernement et syndicats. Le projet de loi impose, selon les syndicats, de nouvelles contraintes jugées restrictives par les centrales syndicales. Parmi les dispositions les plus contestées, l’obligation d’un préavis de 15 jours avant toute grève, sous peine de sanctions, suscite une levée de boucliers. À cela s’ajoutent des restrictions sur les piquets de grève, désormais considérés comme une entrave à la liberté du travail, ainsi que la possibilité pour les employeurs de suspendre les salaires des grévistes et d’engager des poursuites contre les meneurs. Pour les syndicats, ce texte représente une «attaque en règle contre le droit syndical». «Ils veulent nous empêcher de nous défendre», s’indigne Alami Houir qui dénonce une tentative d’étouffer toute contestation sociale. «Une grève annoncée quinze jours à l’avance, c’est une grève neutralisée d’avance», insiste-t-il, soulignant que cette obligation prive les travailleurs de tout levier de pression efficace face aux employeurs.L’UMT, de son côté, adopte un ton encore plus ferme et qualifie cette réforme de «projet répressif conçu pour bâillonner la contestation». Elle réclame l’ouverture d’un véritable dialogue social et exige la mise en place «d’une institution tripartite (État, syndicats, patronat) pour réguler les négociations collectives», estimant que seule une approche concertée pourrait garantir l’équilibre entre les droits des travailleurs et les impératifs économiques. L’UNTM, plus prudente dans sa critique, n’en demeure pas moins opposée à cette réforme. «Le gouvernement veut imposer ce texte, alors que la loi sur les syndicats et la réforme des élections professionnelles sont toujours en suspens. C’est un non-sens total», s’exclame Mohammed Zouiten, qui déplore une approche déséquilibrée du dialogue social, où les revendications syndicales restent lettre morte, tandis que les restrictions sur les droits des travailleurs sont imposées sans concertation.
La FDT, réunie en conseil national le 8 février 2025 à Marrakech, rejoint également la contestation. Dans son communiqué, elle condamne une réforme «liberticide et dangereuse», estimant qu’elle vise à «restreindre la liberté d’action des syndicats et fragiliser encore plus les travailleurs». La centrale syndicale insiste sur la nécessité d’adopter d’abord une loi sur les syndicats avant toute réglementation du droit de grève et dénonce une tentative de «briser le mouvement syndical sous prétexte d’encadrement législatif». Elle appelle le gouvernement à retirer ce texte et à entamer de véritables négociations pour garantir un cadre légal respectueux des droits fondamentaux des travailleurs.
Un contexte social sous tension
Il faut dire que le débat législatif autour du projet de loi sur la grève a été en fait la goutte qui a fait déborder le vase. Car c’est le malaise économique et social qui alimente la colère syndicale. Les chiffres parlent d’eux-mêmes... selon les données de la CDT, 8 millions de Marocains n’ont pas d’assurance maladie, 5 millions de retraités vivent avec des pensions inférieures au seuil de pauvreté et plus de 6 millions d’emplois sont précaires. L’UMT met en garde contre «l’explosion des inégalités». «Alors que les grandes entreprises affichent des profits records, les salaires stagnent et les prix s’envolent. Le gouvernement refuse d’augmenter les revenus des travailleurs, mais laisse libre cours à la spéculation et aux monopoles», accuse Miloudi Moukharik. À la CDT, le constat est tout aussi alarmant. «Un tiers des Marocains vit sous le seuil de pauvreté. La majorité peine à couvrir ses besoins de base. Cette situation est intenable», s’indigne Alami Houir.Face à cette situation, les syndicats durcissent leur position. Dans son communiqué, l’UMT réclame «une augmentation immédiate des salaires, une régulation stricte des prix des produits de première nécessité et une réforme fiscale garantissant une répartition plus équitable des richesses». La CDT exige l’abandon pur et simple de la loi sur la grève et «un dialogue social réel, basé sur des négociations sincères et non des diktats». Quant à l’UNTM, elle appelle à «des réformes structurelles pour garantir une protection sociale universelle et un cadre légal équilibré pour les travailleurs». n