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Endoctrinement des enfants par Daech : le cas emblématique de «Abou Alafra Almaghribi»

«Abou Alafra Almaghribi» a eu droit à la récompense ultime : le privilège de procéder à l’exécution d’un élément des forces de l’ordre syriennes. Cette «gratification» macabre consistant à faire croire à un enfant que le fait de donner la mort est un prix qui se mérite renseigne sur les méthodes utilisées par Daech pour préparer la relève en privant des enfants de ce qu’ils ont de plus précieux : leur innocence et leur humanité. «Abou Alafra Almaghribi» est un enfant marocain dont le père combattait dans les rangs de Daech. Son cas a été présenté par le BCIJ pour illustrer la gravité de l’endoctrinement des enfants et la montée du phénomène de l’embrigadement familial.

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Le Bureau central d’investigations judiciaires (BCIJ) a mis en lumière, lors du point de presse tenue le 30 janvier dernier, un phénomène alarmant : l’embrigadement familial comme moteur de l’extrémisme violent. Lors de cette conférence, Cherkaoui Habboub, directeur du BCIJ, a révélé des détails d’une gravité inouie, soulignant que la transmission de l’idéologie radicale au sein des familles représentait un canal de recrutement de plus en plus répandu, notamment auprès des plus jeunes.
Pour illustrer la dangerosité du phénomène, le BCIJ a diffusé devant les représentants des médias une vidéo qui donne froid dans le dos, montrant comment l’organisation terroriste Daech n’hésite pas à exploiter les enfants dans ses projets mortifères. L’extrait montre en effet un enfant d’une dizaine d’années, dit «Abou Alafra Almaghribi», fils d’un dirigeant marocain affilié à Daech et ayant perdu la vie dans un des combats de l’organisation terroriste. Dans la vidéo, on découvre un enfant, dépourvu de toute innocence, exprimant sa détermination à mener toutes les batailles possibles pour «libérer l’Orient et l’Occident» et à récupérer «l’Aqsa et l’Andalous». Son discours, d’une agressivité violente et d’une haine implacable, témoigne de l’endoctrinement intensif qu’il a subi et du matraquage idéologique dont il a fait l’objet au point de le transformer en outil de propagande au service du projet terroriste de l’organisation.

Le «Lionceau du Califat», un terroriste en herbe

Le cas de ce jeune terroriste en herbe n’est pas isolé. De nombreux enfants subissent le même sort et la même préparation mentale. La vidéo révèle ainsi un groupe d'enfants assis à même le sol, chacun à côté de ce qui semble être un Coran posé sur une table basse, dans un cadre rappelant les anciennes écoles coraniques, écoutant religieusement leur mentor. Celui-ci annonçait avec fierté la récompense ultime attribuée à «Abou Alafra Almaghribi» : le privilège de procéder à l’exécution d’un élément des forces de l’ordre en Syrie. Cette «gratification» macabre, consistant à faire croire à un enfant que le fait de donner la mort est un prix qui se mérite, renseigne sur les méthodes utilisées par Daech pour préparer la relève en privant des enfants de ce qu’ils ont de plus précieux : leur innocence et leur humanité.

Les images glaçantes qui s’en suivent poussent l’horreur dans ses dernières limites : on y voit – comme dans un film hollywoodien – l’enfant parcourir les reliefs et les grottes d’un massif, muni d’une arme, en quête de son objectif. La séquence prend fin sur une scène d’une atrocité terrible, lorsque le jeune abat froidement et sans ciller, l’homme de deux balles dans la tête. C’est dire à quel point le conditionnement psychologique et le matraquage idéologique peuvent transformer des enfants en des machines à tuer capables de commettre toutes les horreurs au nom d’une conception morbide de la religion.

Une menace qui guette les foyers dans les régions les plus reculées

À travers la projection de cette séquence vidéo, le BCIJ voulait souligner la gravité du phénomène de l’endoctrinement des enfants et le rôle de la cellule familiale dans la transmission de la pensée extrémiste et violente. L’objectif des autorités sécuritaires marocaines est de mettre en garde contre ce nouveau modus operandi en matière de recrutement et sur les dangers qui guettent les familles qui – en l’absence d’une sensibilisation et d’une protection spirituelle forte – pourraient se montrer perméables aux discours radicaux sur les réseaux sociaux. L’éducation et la prévention sont ainsi les seuls remparts pour contrer cette nouvelle menace qui, insidieusement, parvient à pénétrer dans les foyers les plus reculés.
Les responsables du BCIJ ont tenu à cet égard à mettre l’accent sur la qualité de production et le soin mis dans la réalisation de cette vidéo. Les images, tournées selon des standards cinématographiques avancés, visent selon eux à frapper les esprits et à donner une impression de puissance, de maîtrise et de légitimité au discours de Daech. C’est pourquoi le BCIJ a appelé les familles, les institutions éducatives et des acteurs sociaux à redoubler de vigilance face à ces discours et éviter ainsi que les nouvelles générations ne soient victimes de cette guerre des images.

Le recrutement des enfants par Daech : un phénomène documenté

Il faut dire que le recrutement des mineurs dans le cadre de projets terroristes n’est pas nouveau. Mais le phénomène a prise de l’ampleur ces dernières années. Des rapports ont documenté en effet le recrutement d'enfants par des organisations terroristes telles que Daech. Selon un rapport du Centre Carter publié en janvier 2017, cette organisation terroriste a mis en place des stratégies sophistiquées pour embrigader des enfants, leur attribuant divers rôles au sein de ses opérations, allant du combat à des missions de propagande. Dans le même contexte, à titre d’exemple, en 2015, une enquête publiée par un média français a révélé que Daech avait recruté plus d'un millier d'enfants soldats cette année-là, utilisant des méthodes variées pour les endoctriner et les exploiter pour devenir des combattants ou des kamikazes. Ces méthodes incluent l’endoctrinement idéologique par le biais d’écoles créées par l’organisation, l’entraînement militaire forcé et l’exploitation psychologique visant à les conditionner à commettre des actes de violence.
Pour le BCIJ, le phénomène est d’une gravité telle qu’il est urgent d’immuniser les familles. Ces dernières, jadis vecteurs de transmission des valeurs de citoyenneté, de médiation et de tolérance, sont exposées, à cause des réseaux sociaux, à des discours vantant la mort et la destruction.
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