Le Matin : Le 19e Congrès mondial de l’eau met l’accent sur l’innovation et l’adaptation. Selon vous, quels leviers d’innovation sont aujourd’hui prioritaires pour relever les défis de la rareté de l’eau et favoriser la résilience à l’échelle mondiale ?
Vous évoquez le dessalement, qui est en effet une avancée majeure. Mais certains y voient un paradoxe : produire de l’eau tout en risquant d’impacter l’environnement marin. Comment concilier ces deux impératifs ?
Ces stations ne présentent pas de danger lorsqu’elles sont installées sur des côtes où la profondeur marine descend rapidement, comme c’est le cas au Maroc. En revanche, dans des zones comme le golfe Persique, où les fonds sont plus faibles, le dessalement massif peut, sur la durée, provoquer une hausse des températures et certaines modifications locales. Cela exige des traitements spécifiques, mais pour le Maroc, je le répète, ce risque n’existe pas.
Revenons alors à l’expérience marocaine en matière de gestion et de préservation de la ressource. Peut-on parler, selon vous, d’un «modèle marocain» ?
Ici, il ne s’agit pas tant de gestion que d’investissement. Et dans ce domaine, le Maroc fait clairement partie des pays en tête du peloton. Il maîtrise aujourd’hui la quasi-totalité des investissements liés aux nouvelles pratiques – solaire, éolien, dessalement, recyclage... Ce qui est remarquable, c’est que ce ne sont pas des concepts ou des discours : ce sont des réalisations concrètes qui améliorent le quotidien des populations et soutiennent la production agricole. C’est ce que j’appelle une excellence marocaine, souvent méconnue, y compris des Marocains eux-mêmes. C'est pour cela qu'il est bon de le dire à leur place.
Abordons maintenant l’aspect géopolitique. Dans plusieurs régions du monde, l’eau devient un facteur de tension. Quel rôle l’hydrodiplomatie peut-elle jouer dans la prévention de ces conflits ?
Aujourd’hui, chacun comprend que pour traiter les enjeux transfrontaliers – car l’eau, elle, ignore les frontières –, il faut une approche diplomatique fondée sur la connaissance technique. Les tensions autour du Nil, par exemple, entre l’Éthiopie et l’Égypte, ou celles du passé entre la Turquie, la Syrie et l’Irak, ou encore l’Indus entre l’Inde et le Pakistan, illustrent bien ces enjeux. Je n’ai jamais cru à l’idée de «guerres de l’eau», et j’espère qu’on n’en connaîtra jamais. Mais oui, il y a des tensions, et c’est précisément le rôle de l’hydrodiplomatie d’apaiser ces situations, de trouver des solutions concrètes pour restaurer la stabilité.
Je pense notamment à Gaza : il y a deux mois, à la Semaine internationale de l’eau du Caire, j’ai proposé un plan en trois points pour l’eau à Gaza. Ce n’est pas une question politique, mais une urgence humaine. Avant le 7 octobre (2023 ndlr), les Gazaouis étaient déjà parmi les populations les plus démunies du monde en eau par habitant. Aujourd’hui, les infrastructures sont détruites. Restaurer l’accès à l’eau, c’est une condition préalable à la paix. On estime que 40% de la population mondiale vit sur des bassins transfrontaliers. Cela montre l’ampleur du défi. Et au Conseil mondial de l’eau, chaque fois que nous le pouvons, nous apportons notre expertise pour aider à désamorcer ces tensions.
Si l’on revient à l’événement qui vous amène à Marrakech, le 19ᵉ Congrès mondial de l’eau, ces rencontres visent aussi à générer des engagements politiques. Quels résultats concrets espérez-vous, et surtout comment garantir le suivi de ces engagements ?
Un discours ne fait pas un engagement, et un engagement ne fait pas une action. Notre rôle, au Conseil mondial de l’eau, c’est justement de transformer le discours en action, et l’action en projets. Nous fédérons aujourd’hui 60 gouvernements, des organisations internationales, des associations, des banques de développement... Notre mission est d’impulser des dynamiques concrètes. J’ai proposé plusieurs initiatives ici à Marrakech. La première est cette coalition pour les mégacités, où il s’agit de mieux prendre en compte la problématique de la croissance urbaine rapide et souvent incontrôlée. Car, même si cela surprend parfois, il ne faut pas toujours tout attribuer au changement climatique. Prenons un exemple très récent : ces derniers jours, et encore cette nuit, des pluies diluviennes ont provoqué des milliers de morts en Indonésie, au Sri Lanka, en Thaïlande et dans d’autres pays voisins. Certes, les pluies ont été violentes, mais ce phénomène météorologique existe depuis toujours, même s’il est amplifié aujourd’hui.
Le vrai problème réside ailleurs : dans la pression démographique et dans l’urbanisation désordonnée qui pousse les populations, souvent par nécessité ou faute de choix, à s’installer dans des zones à risque, inondables ou instables. Et cela ne concerne pas seulement les pays du Sud : même les nations les plus développées sont confrontées à ces choix urbains hasardeux. C’est précisément pour cela que j’ai avancé l’idée d’une alliance mondiale des mégacités : pour que l’on s’attaque aux racines du problème, pour que l’on repense en profondeur le rapport entre urbain et rural, et que l’on imagine une urbanisation plus raisonnée. Le Maroc a d’ailleurs commencé à travailler sur cette question il y a une trentaine d’années, en développant autour de grandes agglomérations comme Casablanca ou Rabat des «villes tampons», de taille moyenne, destinées à freiner l’exode rural et à désengorger les métropoles. Ce modèle n’est pas parfait – il ne l’est jamais –, mais il a permis d’amortir les effets de la croissance urbaine et d’éviter des situations d’entassement. C’est dans cet esprit que j’ai formulé cette proposition.
La deuxième proposition, en discussion avec le gouvernement marocain, consiste à créer un Centre mondial pour les eaux non conventionnelles et les énergies renouvelables. Quant à la troisième, elle porte sur la sobriété. On cherche toujours à produire plus d’eau, alors qu’il faut d’abord apprendre à en consommer moins. D’où l’idée d’un Laboratoire mondial de la sobriété, pour recenser et partager les meilleures pratiques. Enfin, je tiens beaucoup à rappeler que l’assainissement reste le parent pauvre des politiques de l’eau. Dans certains pays africains, seuls 25% des habitants y ont accès. C’est une question de dignité, mais aussi de santé publique et de protection de la nature. Nous plaidons pour que les institutions financières incluent systématiquement un volet assainissement dans leurs programmes, avec une règle simple : deux tiers pour l’eau, un tiers pour l’assainissement.
Par ailleurs, nous travaillons aussi sur un projet qui me tient particulièrement à cœur : la création du centre «One Health – One Water», qui reliera étroitement eau, énergie, alimentation, nature et santé, ce que j’appelle «l’alliance des cinq doigts». Car à quoi bon nourrir des populations pour ensuite les laisser mourir faute de suivi ou de prévention ? Cette prise de conscience, nous l’avons eue de manière brutale pendant la crise de Covid-19. Cette période, malgré sa dureté, a agi comme un accélérateur d’innovation. Grâce à l’action conjointe d’organismes publics, d’instituts de recherche et d’entreprises privées, nous avons franchi un cap décisif : nous savons désormais détecter les pandémies à partir des stations d’épuration. C’est une avancée considérable, car elle permet d’identifier très en amont la présence de virus comme la poliomyélite ou même un nouveau Covid, avant qu’ils ne se propagent.
Depuis un an et demi, ce travail de détection s’est étendu : au-delà des stations d’épuration, nous expérimentons désormais des dispositifs capables de mesurer la circulation de maladies dans les gares, les aéroports ou les grands sites publics. Une expérience grandeur nature a d’ailleurs été menée pendant six mois à l’Exposition universelle d’Osaka, pour observer comment, à travers les effluents, on pouvait repérer précocement certaines maladies ou pandémies et ainsi intervenir immédiatement. Et ce n’est qu’un début. Dans les années à venir, cette technologie pourrait se déployer à l’échelle domestique. On saura placer des micro-capteurs à la sortie des effluents des habitations, capables, grâce à des systèmes de télémétrie et d’intelligence artificielle, d’envoyer en temps réel des données à un centre d’analyse. Celui-ci pourra alerter instantanément : «attention, un membre de ce foyer présente des traces de poliovirus, il faut agir !» Ce système concernera bien sûr les maladies transmissibles, mais son impact sanitaire sera immense. Nous assistons ainsi à l’émergence d’une révolution silencieuse, une révolution lente mais déterminante, qui transformera notre manière de prévenir, de diagnostiquer et, in fine, de protéger les populations.
Loïc Fauchon : Nous vivons une évolution majeure, à la fois dans le temps et dans l’espace, sur le lien entre l’eau et l’énergie – deux sujets souvent indissociables. Et dans le domaine de l’eau, cette évolution se manifeste particulièrement dans deux domaines : le dessalement et la réutilisation des eaux usées. Depuis le début du siècle, et avec une accélération très nette ces dernières années, on observe une formidable innovation dans le dessalement. Et le Maroc y joue un rôle de pionnier, à la fois à l’origine et à la démonstration. Je cite souvent l’exemple de la station de dessalement de Dakhla, en cours d’achèvement, car ce sera sans doute l’une des toutes premières au monde à être entièrement couplée avec des énergies renouvelables et des procédés ultramodernes. Pourquoi est-ce important ? Parce qu’il y a encore quatre ou cinq ans, les grandes stations mondiales produisant plus d’un million de m³ par jour affichaient un coût autour de 0,8 à 1 dollar le m³. À Dakhla, on sera autour de 0,4 à 0,5 dollar, soit une réduction de moitié. C’est une véritable révolution : cette synergie entre énergie et eau, qui n’existait pas auparavant, permet de rendre le dessalement beaucoup plus accessible. Là où cette technologie était autrefois réservée aux pays riches, elle devient aujourd’hui une solution viable pour de nombreux pays côtiers.
Le deuxième grand domaine d’innovation, c’est le recyclage des eaux usées. Concrètement, on récupère l’eau à la sortie d’une station d’épuration – c’est déjà le cas à Marrakech ou dans d’autres villes marocaines –, on la traite à nouveau par un procédé tertiaire, puis on la réutilise. Longtemps, ces eaux améliorées étaient simplement rejetées dans la mer ou dans les oueds. Aujourd’hui, elles servent à arroser des espaces verts, comme sur la corniche de Rabat, et demain, elles pourront irriguer l’agriculture, les forêts, voire être utilisées pour des usages domestiques, comme cela se fait à Singapour ou à Barcelone.
Cette innovation, qui associe dessalement, réutilisation et eau naturelle, offre une sécurité nouvelle aux villes du monde. Et c’est ce constat qui m’a conduit à proposer la création d’une coalition pour l’eau dans les mégacités : nos grandes agglomérations, certaines atteignant 60 à 70 millions d’habitants, devront demain faire face à des défis colossaux d’approvisionnement. Ces innovations sont la clé pour assurer à la fois la sécurité hydrique, la santé publique et la continuité de la vie urbaine.
Le deuxième grand domaine d’innovation, c’est le recyclage des eaux usées. Concrètement, on récupère l’eau à la sortie d’une station d’épuration – c’est déjà le cas à Marrakech ou dans d’autres villes marocaines –, on la traite à nouveau par un procédé tertiaire, puis on la réutilise. Longtemps, ces eaux améliorées étaient simplement rejetées dans la mer ou dans les oueds. Aujourd’hui, elles servent à arroser des espaces verts, comme sur la corniche de Rabat, et demain, elles pourront irriguer l’agriculture, les forêts, voire être utilisées pour des usages domestiques, comme cela se fait à Singapour ou à Barcelone.
Cette innovation, qui associe dessalement, réutilisation et eau naturelle, offre une sécurité nouvelle aux villes du monde. Et c’est ce constat qui m’a conduit à proposer la création d’une coalition pour l’eau dans les mégacités : nos grandes agglomérations, certaines atteignant 60 à 70 millions d’habitants, devront demain faire face à des défis colossaux d’approvisionnement. Ces innovations sont la clé pour assurer à la fois la sécurité hydrique, la santé publique et la continuité de la vie urbaine.
Vous évoquez le dessalement, qui est en effet une avancée majeure. Mais certains y voient un paradoxe : produire de l’eau tout en risquant d’impacter l’environnement marin. Comment concilier ces deux impératifs ?
Ces stations ne présentent pas de danger lorsqu’elles sont installées sur des côtes où la profondeur marine descend rapidement, comme c’est le cas au Maroc. En revanche, dans des zones comme le golfe Persique, où les fonds sont plus faibles, le dessalement massif peut, sur la durée, provoquer une hausse des températures et certaines modifications locales. Cela exige des traitements spécifiques, mais pour le Maroc, je le répète, ce risque n’existe pas.
Revenons alors à l’expérience marocaine en matière de gestion et de préservation de la ressource. Peut-on parler, selon vous, d’un «modèle marocain» ?
Ici, il ne s’agit pas tant de gestion que d’investissement. Et dans ce domaine, le Maroc fait clairement partie des pays en tête du peloton. Il maîtrise aujourd’hui la quasi-totalité des investissements liés aux nouvelles pratiques – solaire, éolien, dessalement, recyclage... Ce qui est remarquable, c’est que ce ne sont pas des concepts ou des discours : ce sont des réalisations concrètes qui améliorent le quotidien des populations et soutiennent la production agricole. C’est ce que j’appelle une excellence marocaine, souvent méconnue, y compris des Marocains eux-mêmes. C'est pour cela qu'il est bon de le dire à leur place.
Abordons maintenant l’aspect géopolitique. Dans plusieurs régions du monde, l’eau devient un facteur de tension. Quel rôle l’hydrodiplomatie peut-elle jouer dans la prévention de ces conflits ?
Aujourd’hui, chacun comprend que pour traiter les enjeux transfrontaliers – car l’eau, elle, ignore les frontières –, il faut une approche diplomatique fondée sur la connaissance technique. Les tensions autour du Nil, par exemple, entre l’Éthiopie et l’Égypte, ou celles du passé entre la Turquie, la Syrie et l’Irak, ou encore l’Indus entre l’Inde et le Pakistan, illustrent bien ces enjeux. Je n’ai jamais cru à l’idée de «guerres de l’eau», et j’espère qu’on n’en connaîtra jamais. Mais oui, il y a des tensions, et c’est précisément le rôle de l’hydrodiplomatie d’apaiser ces situations, de trouver des solutions concrètes pour restaurer la stabilité.
Je pense notamment à Gaza : il y a deux mois, à la Semaine internationale de l’eau du Caire, j’ai proposé un plan en trois points pour l’eau à Gaza. Ce n’est pas une question politique, mais une urgence humaine. Avant le 7 octobre (2023 ndlr), les Gazaouis étaient déjà parmi les populations les plus démunies du monde en eau par habitant. Aujourd’hui, les infrastructures sont détruites. Restaurer l’accès à l’eau, c’est une condition préalable à la paix. On estime que 40% de la population mondiale vit sur des bassins transfrontaliers. Cela montre l’ampleur du défi. Et au Conseil mondial de l’eau, chaque fois que nous le pouvons, nous apportons notre expertise pour aider à désamorcer ces tensions.
Si l’on revient à l’événement qui vous amène à Marrakech, le 19ᵉ Congrès mondial de l’eau, ces rencontres visent aussi à générer des engagements politiques. Quels résultats concrets espérez-vous, et surtout comment garantir le suivi de ces engagements ?
Un discours ne fait pas un engagement, et un engagement ne fait pas une action. Notre rôle, au Conseil mondial de l’eau, c’est justement de transformer le discours en action, et l’action en projets. Nous fédérons aujourd’hui 60 gouvernements, des organisations internationales, des associations, des banques de développement... Notre mission est d’impulser des dynamiques concrètes. J’ai proposé plusieurs initiatives ici à Marrakech. La première est cette coalition pour les mégacités, où il s’agit de mieux prendre en compte la problématique de la croissance urbaine rapide et souvent incontrôlée. Car, même si cela surprend parfois, il ne faut pas toujours tout attribuer au changement climatique. Prenons un exemple très récent : ces derniers jours, et encore cette nuit, des pluies diluviennes ont provoqué des milliers de morts en Indonésie, au Sri Lanka, en Thaïlande et dans d’autres pays voisins. Certes, les pluies ont été violentes, mais ce phénomène météorologique existe depuis toujours, même s’il est amplifié aujourd’hui.
Le vrai problème réside ailleurs : dans la pression démographique et dans l’urbanisation désordonnée qui pousse les populations, souvent par nécessité ou faute de choix, à s’installer dans des zones à risque, inondables ou instables. Et cela ne concerne pas seulement les pays du Sud : même les nations les plus développées sont confrontées à ces choix urbains hasardeux. C’est précisément pour cela que j’ai avancé l’idée d’une alliance mondiale des mégacités : pour que l’on s’attaque aux racines du problème, pour que l’on repense en profondeur le rapport entre urbain et rural, et que l’on imagine une urbanisation plus raisonnée. Le Maroc a d’ailleurs commencé à travailler sur cette question il y a une trentaine d’années, en développant autour de grandes agglomérations comme Casablanca ou Rabat des «villes tampons», de taille moyenne, destinées à freiner l’exode rural et à désengorger les métropoles. Ce modèle n’est pas parfait – il ne l’est jamais –, mais il a permis d’amortir les effets de la croissance urbaine et d’éviter des situations d’entassement. C’est dans cet esprit que j’ai formulé cette proposition.
La deuxième proposition, en discussion avec le gouvernement marocain, consiste à créer un Centre mondial pour les eaux non conventionnelles et les énergies renouvelables. Quant à la troisième, elle porte sur la sobriété. On cherche toujours à produire plus d’eau, alors qu’il faut d’abord apprendre à en consommer moins. D’où l’idée d’un Laboratoire mondial de la sobriété, pour recenser et partager les meilleures pratiques. Enfin, je tiens beaucoup à rappeler que l’assainissement reste le parent pauvre des politiques de l’eau. Dans certains pays africains, seuls 25% des habitants y ont accès. C’est une question de dignité, mais aussi de santé publique et de protection de la nature. Nous plaidons pour que les institutions financières incluent systématiquement un volet assainissement dans leurs programmes, avec une règle simple : deux tiers pour l’eau, un tiers pour l’assainissement.
Par ailleurs, nous travaillons aussi sur un projet qui me tient particulièrement à cœur : la création du centre «One Health – One Water», qui reliera étroitement eau, énergie, alimentation, nature et santé, ce que j’appelle «l’alliance des cinq doigts». Car à quoi bon nourrir des populations pour ensuite les laisser mourir faute de suivi ou de prévention ? Cette prise de conscience, nous l’avons eue de manière brutale pendant la crise de Covid-19. Cette période, malgré sa dureté, a agi comme un accélérateur d’innovation. Grâce à l’action conjointe d’organismes publics, d’instituts de recherche et d’entreprises privées, nous avons franchi un cap décisif : nous savons désormais détecter les pandémies à partir des stations d’épuration. C’est une avancée considérable, car elle permet d’identifier très en amont la présence de virus comme la poliomyélite ou même un nouveau Covid, avant qu’ils ne se propagent.
Depuis un an et demi, ce travail de détection s’est étendu : au-delà des stations d’épuration, nous expérimentons désormais des dispositifs capables de mesurer la circulation de maladies dans les gares, les aéroports ou les grands sites publics. Une expérience grandeur nature a d’ailleurs été menée pendant six mois à l’Exposition universelle d’Osaka, pour observer comment, à travers les effluents, on pouvait repérer précocement certaines maladies ou pandémies et ainsi intervenir immédiatement. Et ce n’est qu’un début. Dans les années à venir, cette technologie pourrait se déployer à l’échelle domestique. On saura placer des micro-capteurs à la sortie des effluents des habitations, capables, grâce à des systèmes de télémétrie et d’intelligence artificielle, d’envoyer en temps réel des données à un centre d’analyse. Celui-ci pourra alerter instantanément : «attention, un membre de ce foyer présente des traces de poliovirus, il faut agir !» Ce système concernera bien sûr les maladies transmissibles, mais son impact sanitaire sera immense. Nous assistons ainsi à l’émergence d’une révolution silencieuse, une révolution lente mais déterminante, qui transformera notre manière de prévenir, de diagnostiquer et, in fine, de protéger les populations.
