Un rapport de l’Institution du Médiateur, présenté à Sa Majesté le Roi, met en lumière une évolution préoccupante : les tensions liées à l’accès aux services publics ne s’arrêtent plus au guichet administratif. Elles se manifestent et parfois se propagent. Invité du journaliste Ramdani dans l’émission «Maa Ramdani», diffusée le 24 septembre sur 2M, le Médiateur du Royaume, Hassan Tariq, a présenté justement les principales conclusions de ce document et proposé une analyse détaillée des dynamiques sociales actuelles. Selon lui, les différends nés de la relation entre citoyens et administration, faute d’interlocuteurs ou de relais crédibles, se transforment désormais rapidement en mobilisations sociales, parfois de grande ampleur.
De l’incident administratif à la contestation collective
L’affaire des étudiants en médecine constitue, selon le Médiateur, une illustration paradigmatique de cette tendance. «Nous étions face à un simple différend administratif. Faute d’intervention précoce, il s’est transformé en mobilisation sociale», a-t-il rappelé. L’année 2024 a d’ailleurs été emblématique de ce phénomène, marquée par une série de démêlés où des désaccords banals ont rapidement acquis une dimension collective.
Mais ce glissement doit être décrypté avec audace et lucidité, estime M. Tariq. Car il traduit l’absence ou l’insuffisance de mécanismes de médiation capables d’interrompre la chaîne des tensions dès leur apparition. «La gestion des services administratifs est aujourd’hui indissociable de la gestion de la relation avec les citoyens et, par extension, des protestations sociales», insiste Hassan Tariq. Administrer, explique-t-il, ne se limite plus à délivrer une prestation, cela suppose aussi d’anticiper les attentes, de prévenir les malentendus et de désamorcer les frustrations qui, laissées sans réponse, trouvent leur prolongement dans la rue.
Mais ce glissement doit être décrypté avec audace et lucidité, estime M. Tariq. Car il traduit l’absence ou l’insuffisance de mécanismes de médiation capables d’interrompre la chaîne des tensions dès leur apparition. «La gestion des services administratifs est aujourd’hui indissociable de la gestion de la relation avec les citoyens et, par extension, des protestations sociales», insiste Hassan Tariq. Administrer, explique-t-il, ne se limite plus à délivrer une prestation, cela suppose aussi d’anticiper les attentes, de prévenir les malentendus et de désamorcer les frustrations qui, laissées sans réponse, trouvent leur prolongement dans la rue.
Une protestation en mutation
Pour le Médiateur, les mobilisations contemporaines ne ressemblent plus aux grandes manifestations urbaines d’autrefois, cycliques et encadrées par les centrales syndicales. «Nous ne sommes plus dans le cycle des protestations urbaines qui surgissaient tous les dix ans, avec des slogans centraux et des encadrements structurés», explique-t-il. Aujourd’hui, «nous observons des protestations locales, souvent rurales ou semi-rurales, qui émergent sans slogan unificateur, sans encadrement syndical ou partisan», poursuit-il. Ce sont des mobilisations spontanées, nées de situations concrètes, mais qui acquièrent une visibilité nationale grâce aux réseaux sociaux. Autrefois structurées par des relais organisés, ces contestations se développent désormais sans «arrière-plan organisationnel traditionnel». Hassan Tariq y voit l’expression d’un nouveau type de citoyenneté protestataire, libérée des anciennes médiations, mais encore plus volatile et imprévisible.
Liberté d’expression et attentes sociales
L’évolution des mobilisations obéit, selon M. Tariq, à une équation singulière. D’un côté, le Maroc connaît un climat de libertés largement consolidées (liberté d’organisation, d’expression et de manifestation) que le Médiateur qualifie d’«acquis indéniable de notre modèle politique». De l’autre, les politiques publiques se heurtent encore à la difficulté récurrente de satisfaire des attentes sociales toujours plus pressantes.
C’est précisément dans cet écart que germe la contestation contemporaine. «Lorsque la liberté est là mais que les réponses sociales font défaut, l’espace est favorable à l’émergence de nouvelles formes de protestation», analyse-t-il. Celles-ci ne s’inscrivent plus dans la durée ni ne reposent sur des structures établies : elles surgissent dans l’instantanéité, autour de revendications éclatées et souvent ponctuelles. Pour mieux décrire ce phénomène, Hassan Tariq recourt à l’image d’«entrepreneurs de la contestation» : des acteurs capables de métamorphoser un malaise diffus en cause collective, non pas grâce à un encadrement organisationnel classique, mais par la faculté de donner une cohérence symbolique et un langage commun à des revendications dispersées.
C’est précisément dans cet écart que germe la contestation contemporaine. «Lorsque la liberté est là mais que les réponses sociales font défaut, l’espace est favorable à l’émergence de nouvelles formes de protestation», analyse-t-il. Celles-ci ne s’inscrivent plus dans la durée ni ne reposent sur des structures établies : elles surgissent dans l’instantanéité, autour de revendications éclatées et souvent ponctuelles. Pour mieux décrire ce phénomène, Hassan Tariq recourt à l’image d’«entrepreneurs de la contestation» : des acteurs capables de métamorphoser un malaise diffus en cause collective, non pas grâce à un encadrement organisationnel classique, mais par la faculté de donner une cohérence symbolique et un langage commun à des revendications dispersées.
Une protestation inscrite dans la durée
Pour étayer ses propos, Hassan Tariq cite feu Abderrahmane Youssoufi, ancien Premier ministre et figure emblématique de l’alternance démocratique, qui affirmait déjà dans les années 1990 que «le Maroc vit dans une protestation permanente».
Le Médiateur du Royaume estime que ce diagnostic conserve toute sa pertinence aujourd’hui : depuis plus de trois décennies, l’expression contestataire ne disparaît pas, elle change de visage. Aux grandes mobilisations urbaines et cycliques d’hier ont succédé des mouvements plus localisés, segmentés et désencadrés, portés par de nouveaux acteurs et amplifiés par les ressources communicationnelles contemporaines. Ainsi, la protestation n’apparaît plus comme un épisode exceptionnel, mais comme un invariant de la vie publique marocaine, dont la physionomie évolue au gré des outils, des territoires et des attentes sociales.
Le Médiateur du Royaume estime que ce diagnostic conserve toute sa pertinence aujourd’hui : depuis plus de trois décennies, l’expression contestataire ne disparaît pas, elle change de visage. Aux grandes mobilisations urbaines et cycliques d’hier ont succédé des mouvements plus localisés, segmentés et désencadrés, portés par de nouveaux acteurs et amplifiés par les ressources communicationnelles contemporaines. Ainsi, la protestation n’apparaît plus comme un épisode exceptionnel, mais comme un invariant de la vie publique marocaine, dont la physionomie évolue au gré des outils, des territoires et des attentes sociales.
La crise de la médiation sociale
Comment en est-on arrivé là ? «Pendant des décennies, le modèle politique marocain s’est appuyé sur des relais solides (partis, syndicats, élus) pour canaliser la demande sociale», rappelle Hassan Tariq. Mais ces structures sont aujourd’hui fragilisées. «Nous sommes face à une crise de la médiation sociale. Les canaux classiques ne remplissent plus leur mission», constate-t-il.
Même lorsque des tentatives de médiation apparaissent, elles sont peu efficace. Le problème dépasse les procédures : il révèle un désajustement plus profond du modèle sociopolitique, à l’heure où les citoyens expriment une demande accrue de reconnaissance et de participation directe. Là où les syndicats et les partis pouvaient jadis encadrer et traduire les revendications, les mobilisations actuelles surgissent en dehors de ces circuits, échappant aux médiations classiques.
Même lorsque des tentatives de médiation apparaissent, elles sont peu efficace. Le problème dépasse les procédures : il révèle un désajustement plus profond du modèle sociopolitique, à l’heure où les citoyens expriment une demande accrue de reconnaissance et de participation directe. Là où les syndicats et les partis pouvaient jadis encadrer et traduire les revendications, les mobilisations actuelles surgissent en dehors de ces circuits, échappant aux médiations classiques.
La responsabilité politique et le choix de l’État
Pour Hassan Tariq, la multiplication des protestations impose une exigence nouvelle aux responsables publics. «La gestion des politiques publiques est devenue inséparable de la gestion politique des risques», affirme-t-il. Concevoir une politique sociale ne consiste plus uniquement à produire des prestations : cela suppose aussi d’anticiper les tensions qu’elle peut susciter et de mettre en place les mécanismes de régulation nécessaires.
Le médiateur du Royaume insiste sur le fait qu’il s’agit d’un choix d’État inscrit dans la Constitution. Cette orientation engage l’ensemble des acteurs politiques, qui doivent désormais assumer une responsabilité accrue dans l’écoute et la prévention. «Beaucoup de contestations et de tensions auraient pu être désamorcées vite si des mécanismes d’alerte et de médiation avaient fonctionné dès l’apparition des premiers signes», souligne-t-il.
Le médiateur du Royaume insiste sur le fait qu’il s’agit d’un choix d’État inscrit dans la Constitution. Cette orientation engage l’ensemble des acteurs politiques, qui doivent désormais assumer une responsabilité accrue dans l’écoute et la prévention. «Beaucoup de contestations et de tensions auraient pu être désamorcées vite si des mécanismes d’alerte et de médiation avaient fonctionné dès l’apparition des premiers signes», souligne-t-il.
Le rôle des institutions de gouvernance
D’où l’importance, selon Hassan Tariq, des institutions de gouvernance et de médiation prévues par la Constitution, telles que l’Institution du Médiateur, le Conseil national des droits de l’Homme ou encore le Conseil économique, social et environnemental. Leur mission n’est pas de se substituer aux pouvoirs élus, mais d’apporter un regard complémentaire, fondé sur l’expertise, l’écoute et l’indépendance.
«Ces institutions existent pour alerter, pour éclairer le débat public et pour proposer des voies de réforme», explique-t-il. Leur valeur ajoutée réside dans leur autonomie : libérées des contraintes du cycle électoral et des rapports de force partisans, elles peuvent inscrire leur action dans le temps long et replacer les revendications dans un cadre plus large que l’urgence immédiate. Pour lui, c’est dans l’articulation entre la démocratie représentative, portée par les partis et les élus, et la démocratie participative, incarnée par ces instances indépendantes, que devrait résider la solidité du modèle marocain.
«Ces institutions existent pour alerter, pour éclairer le débat public et pour proposer des voies de réforme», explique-t-il. Leur valeur ajoutée réside dans leur autonomie : libérées des contraintes du cycle électoral et des rapports de force partisans, elles peuvent inscrire leur action dans le temps long et replacer les revendications dans un cadre plus large que l’urgence immédiate. Pour lui, c’est dans l’articulation entre la démocratie représentative, portée par les partis et les élus, et la démocratie participative, incarnée par ces instances indépendantes, que devrait résider la solidité du modèle marocain.
