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Subventions à l’importation des moutons : l’opposition appelle à une enquête parlementaire

Face aux doutes croissants sur l’efficacité des fonds accordés à l'importation du bétail, des groupes parlementaires de l’opposition ont demandé de former une commission d’enquête pour évaluer les subventions attribuées depuis 2022. Détails.

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Pour une fois, depuis le début du mandat de l’actuel gouvernement, les principales forces politiques de l’opposition ont décidé de faire front commun. Le Parti du progrès et du socialisme (PPS), le Parti de la justice et du développement (PJD), le Mouvement populaire (MP) et, plus tardivement, l’Union socialiste des forces populaires (USFP) ont initié une procédure constitutionnelle visant à établir une commission parlementaire d’enquête. Cette dernière devra examiner en profondeur les mécanismes de soutien public qui ont été adoptés pour l’importation du bétail.

Dans une requête officielle adressée au président de la Chambre des représentants dimanche dernier, les signataires s’appuient sur l’article 67 de la Constitution et sur la loi organique relative aux commissions d’enquête. L’objectif : analyser les documents liés aux subventions, identifier les bénéficiaires selon leur profil et les critères d’attribution, et vérifier le respect des principes d’équité et de transparence.

Un communiqué qui a mis le feu aux poudres

La décision de l’opposition intervient dans un climat de tension accentuée par le dernier communiqué publié par le ministère de l’Agriculture. Ce document, censé faire la lumière sur l’opération d’importation des ovins subventionnée par l’État, a suscité l’ire des partis de l’opposition. Saloua Berdaï, députée du PJD, n’a pas mâché ses mots. Dans une déclaration récente au site officiel de son parti, elle dénonce : «Ce communiqué puise allègrement dans le mensonge et la désinformation. Il s’agit d’une tentative grossière de manipulation des citoyens, avec des chiffres fantaisistes et des données trafiquées.» La parlementaire poursuit son réquisitoire : «Pendant des semaines, le gouvernement est resté silencieux face aux révélations explosives sur les 13 milliards engloutis sans résultats. Et lorsqu’il décide enfin de s’exprimer, c’est pour nous servir un tissu d’approximations !» Elle dénonce également les contradictions au sein même de la majorité : «Entre le secrétaire général de l’Istiqlal qui parle de gaspillage, le ministre de l’Industrie qui minimise le nombre de bénéficiaires et les démentis cinglants du président de la Chambre des représentants, c’est l’incohérence totale.»

Pour Saloua Berdaï, le véritable enjeu dépasse la question des subventions. Ce scandale met à nu l’échec d’une politique agricole tout entière. «Le Plan Maroc Vert et Génération Green ont accouché d’un désastre. Plutôt que de l’assumer, le gouvernement préfère noyer le poisson dans un océan de faux chiffres. Pourtant, poursuit-t-elle, chaque dirham de ces subventions vient directement de la poche des Marocains. «Et que nous offre-t-on en retour ? Des comptes truqués, des justifications vides et un mépris total pour notre droit à la transparence.»

Ouzzine fustige l’Exécutif

Le secrétaire général du Mouvement populaire, Mohammed Ouzzine, est également monté au créneau. Dans une tribune virulente publiée sur sa page Facebook lundi dernier, il illustre la situation par un proverbe marocain : «On ne les a pas vus voler, mais on les a surpris en train de partager le butin !» Pour M. Ouzzine, cette maxime reflète une réalité crue : «Aujourd’hui, des termes comme «farrakchi» ou «chennaq», autrefois réservés aux petits voleurs, ont fait leur entrée dans le domaine politique par les politiciens eux-mêmes. La confusion est telle que ces derniers ne distinguent plus le vol d’un mouton de celui du citoyen.»

Il ajoute : «Le “tfarqich”, ce geste de voler un mouton en le portant par les pattes, ressemble étrangement à la façon dont on vide les poches du contribuable, sans effort, pendant qu’il reste immobile chez lui... Le politicien l’observe droit dans les yeux, s’enrichit à ses dépens et aggrave sa misère», lance-il sur un ton ironique. Allant plus loin dans sa missive, le chef de file du parti de l’épi pointe du doigt les vraies causes de l’inflation. Selon lui, celles-ci ont été clairement identifiées par le Haut-Commissariat au Plan : une production nationale fragile, la domination des chennaqa (intermédiaires) et la priorité donnée à l’export. «Pendant ce temps, le gouvernement se réfugie derrière son trio classique : Covid-19, inflation importée, guerre en Ukraine. Ce ne sont pas des causes, mais des révélateurs», poursuit-il.

L’USFP rejoint l’initiative, après hésitation

Si le groupe parlementaire socialiste (USFP) a été le dernier à rejoindre l’initiative de création de cette commission d’enquête, officialisant ainsi son ralliement à l’opposition une journée après, il a tout de même exprimé son soutien entier à toute initiative visant à jeter la lumière sur les dysfonctionnements de toute politique publique. «En tant que parti socialiste, nous ne pouvons qu’être aux côtés de toutes les initiatives visant à renforcer le travail institutionnel et à préserver l’équilibre entre les pouvoirs», a affirmé Abderrahim Chahid, président du groupe parlementaire socialiste, dans une déclaration accordée à la presse au lendemain du dépôt de la requête de l’opposition. Il ajoute que cette initiative devra permettre de «clarifier la réalité des subventions, leur modalité d’octroi et leur impact réel sur les conditions sociales des Marocains».

Un appel à un audit complet

En effet, face à ce climat de méfiance généralisée, les groupes du PPS, du MP et du PJD ont demandé un audit complet des politiques d’importation de bétail. Ils veulent savoir si les objectifs annoncés ont été atteints : approvisionnement suffisant, protection du cheptel national, régulation des prix. Cette initiative vise aussi à rappeler le rôle fondamental du Parlement dans le contrôle de l’action publique et la protection des deniers publics.
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