Dans la salle plénière du Palais des Arts de Tanger baptisée «Salle Laâyoune», jeudi 27 novembre en fin d’après-midi, diplomates, ministres et experts se sont penchés sur l’un des projets les plus ambitieux du continent africain : transformer la façade atlantique en corridor stratégique reliant le Sahel à l’océan. Sous le titre «Coopération Afrique-Atlantique : construire un espace intégré et stratégique», cette session a dressé un état des lieux des avancées enregistrées depuis le lancement de l’Initiative Royale pour l’Atlantique il y a deux ans.
De la vision à l’action : les fondations d’un projet continental Assia Bensalah Alaoui, ambassadrice itinérante de S.M. le Roi Mohammed VI, a ouvert les débats en rappelant la genèse et la portée de cette initiative. «Des progrès concrets sont en cours après trois réunions ministérielles qui ont été organisées. Le Groupe des États atlantiques africains, créé selon une approche pragmatique, s’articule autour de trois piliers», a-t-elle déclaré.
• Le premier pilier concerne la connectivité et l’intégration du Mali, du Niger et du Tchad, pays enclavés, grâce à des corridors multimodaux, des liaisons énergétiques et des chaînes de valeur régionales. «C’est un investissement direct dans la stabilité régionale à long terme, probablement l’outil de contre-insurrection et de développement le plus puissant disponible, brisant le cercle vicieux de l’instabilité et de la pauvreté», a souligné la diplomate.
• Le deuxième axe porte sur le développement d’une économie bleue souveraine et durable, exploitant l’immense potentiel africain en matière de pêche, d’énergie offshore, de commerce maritime et de minerais critiques. Le Maroc, a précisé Bensalah Alaoui, «anticipe les infrastructures critiques pour un tel processus», citant notamment le projet de port de Dakhla Atlantique dont la mise en service est prévue pour 2028.
• Le troisième pilier concerne la mise en place d’un mécanisme de sécurité maritime africain intégré pour faire face aux menaces de piraterie, de pêche illégale, de criminalité organisée et de terrorisme côtier. «Il s’agit d’harmoniser la surveillance des routes commerciales et la protection des ressources maritimes, en garantissant le partage d’informations et l’action conjointe entre États atlantiques», a-t-elle expliqué.
Le ministre a souligné que le port de Cotonou, au Bénin, sur lequel le Niger misait tout, lui était désormais interdit. «C’était une autre opportunité, un plan B qui nous a été offert», a-t-il affirmé, avant de détailler les avancées concrètes: mise en place d’une task force, réunions d’experts et propositions portant sur la mise à niveau des infrastructures routières, la construction de ports secs, et même un projet de chemin de fer.
Bakary Yaou Sangaré a toutefois identifié, en ce qui concerne la mise ne place de l’Initiative atlantique deux obstacles majeurs : l’insécurité, qui nécessite que les routes soient sécurisées, et le défi infrastructurel, qui requiert une «mise à niveau» rapide. Il a indiqué que le lancement de certaines infrastructures devrait connaître «sa première mise en œuvre avant la fin de l’année 2025».
La perspective caribéenne: reconnecter les rives de l’Atlantique Dickon Mitchell, Premier ministre de la Grenade, a apporté une dimension historique et diasporique au débat. «Du point de vue caribéen, la traversée de l’Atlantique est historiquement très douloureuse. Je pense que le temps est venu de réimaginer cette traversée comme un parcours significatif de développement économique de l’Afrique et de la diaspora africaine qui existe dans les Caraïbes, en Amérique centrale, en Amérique du Nord et en Europe.»
Le Chef du gouvernement grenadien a souligné que les économies caribéennes avaient toujours été tournées vers l’Europe et l’Amérique, jamais vers l’Afrique. «Aucune infrastructure n’existe actuellement qui facilite réellement le commerce entre les Caraïbes, l’Amérique centrale et l’Afrique. Si vous regardez les statistiques, le pourcentage du commerce entre les Caraïbes et l’Afrique est presque inexistant».
M. Mitchell a insisté sur l’importance des infrastructures portuaires pour donner aux pays enclavés africains «un accès à l’Atlantique et donc un accès aux Caraïbes, à l’Amérique centrale et à l’Europe». Il a également évoqué les obstacles liés aux politiques d’immigration : «Nous avons des politiques d’immigration et de visas franchement racistes et anti-africaines qui rendent difficile le voyage, même si vous pouvez venir dans les Caraïbes sans visa, l’infrastructure vous fait transiter par l’Amérique du Nord ou l’Europe, et vous avez besoin de visas de transit qui sont parfois impossibles à obtenir».
L’ancien ministre a révélé qu’en une année, «nous avons eu plus de 400 actes de piraterie maritime dans le golfe de Guinée et tout au long du corridor entre l’Argentine et l’Europe». Pour lui, le projet Afrique-Atlantique représente «quelque chose de très important parce que nous allons renforcer la mutualisation de nos moyens pour combattre la piraterie maritime, le trafic d’êtres humains, le trafic de drogue et la pêche illégale».
Le manque d’harmonisation des procédures constitue un handicap majeur: «Les navires font face à des règles de documentation différentes, des processus de scan différents, des protocoles d’inspection différents. Cette absence de procédures harmonisées et numérisées crée des retards de 5 à 7 jours en Afrique de l’Ouest, ce qui représente une perte de 10 à 40% du PIB dans certains pays». M. Lamothe a proposé des solutions concrètes : installation de systèmes de surveillance en temps réel utilisant l’intelligence artificielle, investissement dans des plateformes douanières numériques partagées et utilisation de la technologie blockchain pour la traçabilité des conteneurs. «C’est faisable. Cela peut se faire. Mais bien sûr, il faut avoir la volonté politique, que ce soit dans les Caraïbes ou en Afrique, d’investir dans les ports et les systèmes numériques».
En clôture de cette session de haut niveau, les intervenants ont convergé vers une conviction partagée : l’Initiative africaine-atlantique ne constitue plus une simple proposition, mais une «nouvelle réalité stratégique du continent», selon les termes d’Assia Bensalah Alaoui, qui a conclu en saluant Sa Majesté le Roi Mohammed VI pour avoir su «inventer l’avenir» en donnant corps à cette vision transformatrice pour l’Afrique.
De la vision à l’action : les fondations d’un projet continental Assia Bensalah Alaoui, ambassadrice itinérante de S.M. le Roi Mohammed VI, a ouvert les débats en rappelant la genèse et la portée de cette initiative. «Des progrès concrets sont en cours après trois réunions ministérielles qui ont été organisées. Le Groupe des États atlantiques africains, créé selon une approche pragmatique, s’articule autour de trois piliers», a-t-elle déclaré.
• Le premier pilier concerne la connectivité et l’intégration du Mali, du Niger et du Tchad, pays enclavés, grâce à des corridors multimodaux, des liaisons énergétiques et des chaînes de valeur régionales. «C’est un investissement direct dans la stabilité régionale à long terme, probablement l’outil de contre-insurrection et de développement le plus puissant disponible, brisant le cercle vicieux de l’instabilité et de la pauvreté», a souligné la diplomate.
• Le deuxième axe porte sur le développement d’une économie bleue souveraine et durable, exploitant l’immense potentiel africain en matière de pêche, d’énergie offshore, de commerce maritime et de minerais critiques. Le Maroc, a précisé Bensalah Alaoui, «anticipe les infrastructures critiques pour un tel processus», citant notamment le projet de port de Dakhla Atlantique dont la mise en service est prévue pour 2028.
• Le troisième pilier concerne la mise en place d’un mécanisme de sécurité maritime africain intégré pour faire face aux menaces de piraterie, de pêche illégale, de criminalité organisée et de terrorisme côtier. «Il s’agit d’harmoniser la surveillance des routes commerciales et la protection des ressources maritimes, en garantissant le partage d’informations et l’action conjointe entre États atlantiques», a-t-elle expliqué.
Le Niger : de l’isolement à l’ouverture atlantique
L’intervention de Bakary Yaou Sangaré, ministre nigérien des Affaires étrangères, a apporté un éclairage saisissant sur l’importance vitale de cette initiative pour les pays enclavés du Sahel. Revenant sur les événements de juillet 2023, il a rappelé comment son pays s’est retrouvé isolé suite aux sanctions imposées par la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao). «De façon injuste et injustifiée, la Cédéao a décidé, contre toute réglementation internationale, d’imposer un blocus total au Niger. La réglementation internationale interdit de mettre un cordon sanitaire à un pays qui n’a pas accès à la mer», a dénoncé le chef de la diplomatie nigérienne, ajoutant que cette décision s’était accompagnée d’une «menace d’intervention militaire». C’est dans ce contexte dramatique que l’Initiative Royale a pris tout son sens. «J’étais venu pour une rencontre à Marrakech, une rencontre des institutions financières qui n’avait rien à voir avec la politique. J’ai été très surpris quand le ministre des Affaires étrangères du Maroc, qui était à l’étranger, est revenu exprès pour me dire : nous avons suivi avec beaucoup d’attention les exactions dont le Niger fait l’objet, qu’est-ce que le Maroc peut faire pour vous aider ?», a raconté Bakary Yaou Sangaré avec émotion.Le ministre a souligné que le port de Cotonou, au Bénin, sur lequel le Niger misait tout, lui était désormais interdit. «C’était une autre opportunité, un plan B qui nous a été offert», a-t-il affirmé, avant de détailler les avancées concrètes: mise en place d’une task force, réunions d’experts et propositions portant sur la mise à niveau des infrastructures routières, la construction de ports secs, et même un projet de chemin de fer.
Le gazoduc Nigeria-Maroc, artère énergétique continentale
Parmi les projets structurants évoqués, le gazoduc Nigeria-Maroc occupe une place centrale. «C’est un projet d’environ 6.000 kilomètres qui va traverser 11 à 13 pays», a précisé le ministre nigérien, soulignant que cette infrastructure «permettra d’alimenter et de répondre aux besoins énergétiques de ces pays, créera des emplois et permettra aux futurs producteurs d’exporter leur gaz». Pour le Niger, l’enjeu est majeur : «Nous avons du gaz que nous relâchons dans l’air parce que nous n’avons pas la capacité de le stocker ou de l’utiliser. Avec ce gazoduc, ce serait une occasion pour nous de récupérer ce gaz, de le faire passer et d’aller le vendre au lieu que les exploitants viennent le chercher. Cette fois-ci, on va le vendre et ils vont nous payer».Bakary Yaou Sangaré a toutefois identifié, en ce qui concerne la mise ne place de l’Initiative atlantique deux obstacles majeurs : l’insécurité, qui nécessite que les routes soient sécurisées, et le défi infrastructurel, qui requiert une «mise à niveau» rapide. Il a indiqué que le lancement de certaines infrastructures devrait connaître «sa première mise en œuvre avant la fin de l’année 2025».
La perspective caribéenne: reconnecter les rives de l’Atlantique Dickon Mitchell, Premier ministre de la Grenade, a apporté une dimension historique et diasporique au débat. «Du point de vue caribéen, la traversée de l’Atlantique est historiquement très douloureuse. Je pense que le temps est venu de réimaginer cette traversée comme un parcours significatif de développement économique de l’Afrique et de la diaspora africaine qui existe dans les Caraïbes, en Amérique centrale, en Amérique du Nord et en Europe.»
Le Chef du gouvernement grenadien a souligné que les économies caribéennes avaient toujours été tournées vers l’Europe et l’Amérique, jamais vers l’Afrique. «Aucune infrastructure n’existe actuellement qui facilite réellement le commerce entre les Caraïbes, l’Amérique centrale et l’Afrique. Si vous regardez les statistiques, le pourcentage du commerce entre les Caraïbes et l’Afrique est presque inexistant».
M. Mitchell a insisté sur l’importance des infrastructures portuaires pour donner aux pays enclavés africains «un accès à l’Atlantique et donc un accès aux Caraïbes, à l’Amérique centrale et à l’Europe». Il a également évoqué les obstacles liés aux politiques d’immigration : «Nous avons des politiques d’immigration et de visas franchement racistes et anti-africaines qui rendent difficile le voyage, même si vous pouvez venir dans les Caraïbes sans visa, l’infrastructure vous fait transiter par l’Amérique du Nord ou l’Europe, et vous avez besoin de visas de transit qui sont parfois impossibles à obtenir».
Hommage historique à la résolution 2797
Luis Felipe Lopes Tavares, ancien ministre cap-verdien des Affaires étrangères, a tenu à marquer un moment solennel. «Rarement on a l’occasion de vivre des moments historiques. Rarement. Et là, nous tous qui sommes dans cette salle vivons un moment historique très important pour l’Afrique. La résolution 2797 du 31 octobre a été un tournant pour la question du Sahara». M. Tavares a ensuite détaillé l’importance géopolitique du Cap-Vert dans l’initiative atlantique. «Quand j’étais ministre de la Défense, on me réveillait parfois à 3 heures du matin pour me dire qu’il fallait envoyer une vedette pour interpeller des pirates, des trafiquants de drogue en mer en provenance de l’Amérique du Sud. Nous faisions la police dans tout le golfe de Guinée».L’ancien ministre a révélé qu’en une année, «nous avons eu plus de 400 actes de piraterie maritime dans le golfe de Guinée et tout au long du corridor entre l’Argentine et l’Europe». Pour lui, le projet Afrique-Atlantique représente «quelque chose de très important parce que nous allons renforcer la mutualisation de nos moyens pour combattre la piraterie maritime, le trafic d’êtres humains, le trafic de drogue et la pêche illégale».
L’efficacité portuaire, clé de la compétitivité
Laurent Lamothe, ancien premier ministre haïtien, a apporté une analyse économique précise. «Le corridor africain-atlantique représente ce que j’appelle une puissance collective : 33 pays sont dans cet espace, plus de 55% du PIB africain transitent dans ce corridor, et 90% du commerce continental s’y déroulent». M. Lamothe a salué la transformation du Maroc sous le leadership de S.M. le Roi Mohammed VI : «Tanger Med est devenu le port numéro un en Afrique, dans le top 20 mondial, avec 9 millions de conteneurs transitant chaque année, connecté à 180 ports dans le monde et 70 pays, avec une productivité au niveau des terminaux asiatiques, considérés comme la référence mondiale». Cependant, l’ancien chef du gouvernement haïtien a identifié des faiblesses majeures. «À Lagos, au Nigeria, le port traite le plus grand volume commercial d’Afrique de l’Ouest, mais souffre de congestions de 20 à 30 kilomètres, causant des pertes économiques de plus de 1,5 milliard de dollars par an à cause d’une gouvernance peu efficace.Le manque d’harmonisation des procédures constitue un handicap majeur: «Les navires font face à des règles de documentation différentes, des processus de scan différents, des protocoles d’inspection différents. Cette absence de procédures harmonisées et numérisées crée des retards de 5 à 7 jours en Afrique de l’Ouest, ce qui représente une perte de 10 à 40% du PIB dans certains pays». M. Lamothe a proposé des solutions concrètes : installation de systèmes de surveillance en temps réel utilisant l’intelligence artificielle, investissement dans des plateformes douanières numériques partagées et utilisation de la technologie blockchain pour la traçabilité des conteneurs. «C’est faisable. Cela peut se faire. Mais bien sûr, il faut avoir la volonté politique, que ce soit dans les Caraïbes ou en Afrique, d’investir dans les ports et les systèmes numériques».
La perspective des investisseurs : prévisibilité et intégration
Antonio Henriques da Silva, directeur général d’Invest-Africa Topson, a apporté quant à lui le regard des investisseurs privés. «Quand je regarde l’audience et que je vois la majorité de jeunes, que ce soit du Maroc ou d’autres pays africains, je peux dire que le présent et l’avenir sont assurés». Du point de vue des investisseurs, trois éléments sont déterminants : la prévisibilité (besoins en capital à long terme, cadres réglementaires crédibles, contrats standardisés), l’intégration (un port n’est pas finançable sans connexions intermodales) et les données (la collecte de données fiables augmente la capacité à créer de la valeur). «La bancabilité commence par la visibilité, pas par la géographie. Les investisseurs ne financent pas une carte, nous finançons des pipelines, de la demande et du débit».En clôture de cette session de haut niveau, les intervenants ont convergé vers une conviction partagée : l’Initiative africaine-atlantique ne constitue plus une simple proposition, mais une «nouvelle réalité stratégique du continent», selon les termes d’Assia Bensalah Alaoui, qui a conclu en saluant Sa Majesté le Roi Mohammed VI pour avoir su «inventer l’avenir» en donnant corps à cette vision transformatrice pour l’Afrique.
