«Le Grand Continent», édité depuis mai 2019 par le Groupe d'études géopolitiques de l'École normale supérieure, s'est rapidement imposé comme une référence, publiant l'équivalent de 310 pages hebdomadaires en cinq langues et réunissant plus de 1.650 signatures du monde de l'art, de la science et de la politique... C'est dans cette revue reconnue d'intérêt général que Jamal Machrouh, expert en géopolitique et relations internationales au Policy Center for the New South, et Florent Parmentier, secrétaire général du Centre de recherches politiques de Sciences Po (CEVIPOF), viennent de publier une analyse prospective majeure. Leur proposition ? Inventer une «Communauté de l'Atlantique oriental» pour faire face aux bouleversements géopolitiques contemporains.
2. Le défi énergétique : vers une autonomie partagée
L'énergie constitue le deuxième pilier stratégique. Les analystes soulignent que le continent africain, «disposant d'importantes ressources naturelles, notamment des hydrocarbures, mais aussi d'un potentiel considérable dans les énergies renouvelables, solaire, éolien, hydrogène et hydraulique», serait «un partenaire stratégique de choix pour l'Europe qui fait face aux contraintes de la transition énergétique». Ils envisagent «le développement d'un réseau énergétique intégré entre les deux continents, allié à des investissements dans les infrastructures et les technologies vertes», qui «pourrait permettre de créer un cercle vertueux de croissance et de sécurité énergétique».
3. La dimension stratégique : mutualiser les capacités
Le troisième pilier concerne la sécurité et la défense. La Communauté «permettrait la mutualisation des capacités en matière de sécurité maritime, de lutte contre la piraterie et de gestion des flux migratoires». Les deux experts insistent sur l'importance de «la sécurisation des voies maritimes dans l'Atlantique oriental, notamment dans le Golfe de Guinée» pour «garantir la stabilité des échanges commerciaux».
L'urgence d'une réponse stratégique face à un monde en recomposition
Les deux chercheurs partent d'un constat alarmant : l'Europe et l'Afrique risquent la marginalisation dans un ordre mondial dominé par la rivalité sino-américaine. «Le retour des guerres de haute intensité et la rivalité sino-américaine induisent des risques de déclassement et de marginalisation à la fois pour l'Europe et l'Afrique», alertent-ils dans leur analyse.
Cette vulnérabilité stratégique accrue s'explique par plusieurs facteurs. D'un côté, l'Union européenne, malgré sa puissance économique, «peine à s'imposer comme acteur stratégique». Son incapacité à prévenir la guerre en Ukraine et ses difficultés à parler d'une seule voix sur le conflit israélo-palestinien illustrent parfaitement ces limites. De l'autre, l'Afrique se retrouve courtisée par les deux superpuissances : «la Chine y poursuit une stratégie d'investissement massif, tandis que les États-Unis tentent de regagner leur influence en soutenant des projets de développement et de coopération dans le domaine sécuritaire». Face à cette situation, M. Machrouh et Parmentier plaident pour l'émergence d'une troisième voie : celle de la coopération verticale entre l'Europe et l'Afrique le long des côtes atlantiques.
Cette vulnérabilité stratégique accrue s'explique par plusieurs facteurs. D'un côté, l'Union européenne, malgré sa puissance économique, «peine à s'imposer comme acteur stratégique». Son incapacité à prévenir la guerre en Ukraine et ses difficultés à parler d'une seule voix sur le conflit israélo-palestinien illustrent parfaitement ces limites. De l'autre, l'Afrique se retrouve courtisée par les deux superpuissances : «la Chine y poursuit une stratégie d'investissement massif, tandis que les États-Unis tentent de regagner leur influence en soutenant des projets de développement et de coopération dans le domaine sécuritaire». Face à cette situation, M. Machrouh et Parmentier plaident pour l'émergence d'une troisième voie : celle de la coopération verticale entre l'Europe et l'Afrique le long des côtes atlantiques.
La «grande verticale» : un modèle inspiré des réussites mondiales
L'idée n'est pas née ex nihilo. Les deux experts s'inspirent des dynamiques qui se consolident ailleurs dans le monde : «dans l'Atlantique occidental entre les États-Unis, le Canada et le Mexique ou dans le Pacifique entre la Chine et les pays de l'Asie du Sud-Est». Ils observent que «la proximité géographique est devenue un levier central dans la reconfiguration des échanges mondiaux», citant l'exemple du Mexique devenu «le premier partenaire économique des États-Unis devant la Chine depuis 2023».
En comparaison, l'Atlantique oriental apparaît comme un espace largement sous-exploité. Les chiffres sont éloquents, selon leur analyse : «En 2024, parmi les partenaires commerciaux de l'Union, le premier pays africain – le Maroc – n'arrive qu'en onzième position». Cette faible coopération témoigne d'un «décalage stratégique majeur» que la Communauté de l'Atlantique oriental pourrait combler. Cette communauté comprendrait, selon un critère géographique, «les États riverains de l'Atlantique africains et européens de l'Afrique du Sud au Maroc, ainsi que du Portugal à l'Europe du Nord». Un périmètre ambitieux qui reflète la dimension continentale du projet.
En comparaison, l'Atlantique oriental apparaît comme un espace largement sous-exploité. Les chiffres sont éloquents, selon leur analyse : «En 2024, parmi les partenaires commerciaux de l'Union, le premier pays africain – le Maroc – n'arrive qu'en onzième position». Cette faible coopération témoigne d'un «décalage stratégique majeur» que la Communauté de l'Atlantique oriental pourrait combler. Cette communauté comprendrait, selon un critère géographique, «les États riverains de l'Atlantique africains et européens de l'Afrique du Sud au Maroc, ainsi que du Portugal à l'Europe du Nord». Un périmètre ambitieux qui reflète la dimension continentale du projet.
Trois piliers pour une résilience mutuelle
La proposition de Machrouh et Parmentier repose sur une architecture claire articulée autour de trois piliers fondamentaux : l'économie, l'énergie et la stratégie.
1. Le pilier économique : exploiter un potentiel considérable
Sur le plan économique, l'Atlantique oriental «recèle un potentiel économique considérable». L'Afrique, «dotée d'une population jeune, d'une classe moyenne en expansion et d'une ambitieuse Zone de libre-échange (Zlecaf)», représente selon eux «un marché prometteur pour les entreprises européennes». Cette complémentarité permettrait à l'Europe «d'accéder à des marchés en pleine croissance tout en diversifiant ses chaînes d'approvisionnement grâce au friendshoring».
Sur le plan économique, l'Atlantique oriental «recèle un potentiel économique considérable». L'Afrique, «dotée d'une population jeune, d'une classe moyenne en expansion et d'une ambitieuse Zone de libre-échange (Zlecaf)», représente selon eux «un marché prometteur pour les entreprises européennes». Cette complémentarité permettrait à l'Europe «d'accéder à des marchés en pleine croissance tout en diversifiant ses chaînes d'approvisionnement grâce au friendshoring».
2. Le défi énergétique : vers une autonomie partagée
L'énergie constitue le deuxième pilier stratégique. Les analystes soulignent que le continent africain, «disposant d'importantes ressources naturelles, notamment des hydrocarbures, mais aussi d'un potentiel considérable dans les énergies renouvelables, solaire, éolien, hydrogène et hydraulique», serait «un partenaire stratégique de choix pour l'Europe qui fait face aux contraintes de la transition énergétique». Ils envisagent «le développement d'un réseau énergétique intégré entre les deux continents, allié à des investissements dans les infrastructures et les technologies vertes», qui «pourrait permettre de créer un cercle vertueux de croissance et de sécurité énergétique».
3. La dimension stratégique : mutualiser les capacités
Le troisième pilier concerne la sécurité et la défense. La Communauté «permettrait la mutualisation des capacités en matière de sécurité maritime, de lutte contre la piraterie et de gestion des flux migratoires». Les deux experts insistent sur l'importance de «la sécurisation des voies maritimes dans l'Atlantique oriental, notamment dans le Golfe de Guinée» pour «garantir la stabilité des échanges commerciaux».
L'océan comme vecteur de transformation
Au cœur de cette vision se trouve la dimension maritime. MM. Machrouh et Parmentier rappellent que «dans un monde où 90% du commerce mondial exprimé en volume transite par la mer et où l'Atlantique occupe une place essentielle, la connectivité maritime est un levier clef du développement économique». Ils identifient plusieurs ports africains déjà stratégiques – «celui de Lagos au Nigeria, celui d'Abidjan en Côte d'Ivoire, ou celui de Tema au Ghana» – mais pointent aussi les défis persistants : «l'insécurité des routes maritimes, la congestion portuaire, le manque d'infrastructures modernes, la piraterie et la faible connectivité terrestre».
L'Union européenne pourrait jouer un rôle déterminant en «finançant et en accompagnant des projets portuaires stratégiques en Afrique», tandis qu'«une meilleure connectivité des ports africains pourrait offrir à l'Europe de nouvelles opportunités commerciales et un accès privilégié à des ressources stratégiques».
L'Union européenne pourrait jouer un rôle déterminant en «finançant et en accompagnant des projets portuaires stratégiques en Afrique», tandis qu'«une meilleure connectivité des ports africains pourrait offrir à l'Europe de nouvelles opportunités commerciales et un accès privilégié à des ressources stratégiques».
Une gouvernance innovante et pragmatique
Conscients des limites des organisations internationales traditionnelles, les deux experts proposent un modèle de gouvernance résolument innovant. «Si les objectifs assignés à la Communauté de l'Atlantique oriental se veulent ambitieux, l'organisation à créer pour les prendre en charge doit être légère, agile et pragmatique», insistent-ils.
Leur vision s'articule autour d'une «union de projets» où «la priorité serait donnée aux actions concrètes et aux résultats mesurables». Les chefs d'État et de gouvernement seraient «au cœur de sa gouvernance, en se réunissant lors de sommets stratégiques organisés une à deux fois par an». Cette approche pragmatique se déclinerait en trois domaines stratégiques prioritaires : «mers, énergie et climat, espace». Dans le domaine spatial notamment, ils évoquent l'opportunité offerte par «le lancement du Conseil spatial africain de l'Union africaine en avril 2025» pour «structurer un dialogue sur les solutions spatiales».
Leur vision s'articule autour d'une «union de projets» où «la priorité serait donnée aux actions concrètes et aux résultats mesurables». Les chefs d'État et de gouvernement seraient «au cœur de sa gouvernance, en se réunissant lors de sommets stratégiques organisés une à deux fois par an». Cette approche pragmatique se déclinerait en trois domaines stratégiques prioritaires : «mers, énergie et climat, espace». Dans le domaine spatial notamment, ils évoquent l'opportunité offerte par «le lancement du Conseil spatial africain de l'Union africaine en avril 2025» pour «structurer un dialogue sur les solutions spatiales».
Un laboratoire pour dépasser les clivages Nord-Sud
Au-delà des aspects économiques et stratégiques, MM. Machrouh et Parmentier voient dans cette Communauté un moyen d'éviter le «piège de la fragmentation stratégique» entre le Nord et le nouveau Sud. Ils observent que «certains croient encore au mythe d'un Occident homogène et d'un Sud global uni dans ses revendications», alors que «la réalité est autrement plus complexe».
La Communauté de l'Atlantique oriental pourrait ainsi «légitimement incarner un espace de coopération intercontinentale innovant, transcendant les clivages traditionnels et devenir un laboratoire de coopération Nord–Sud face aux grands défis globaux». Elle pourrait notamment jouer «un rôle de médiateur dans les grandes crises internationales, offrant une plateforme de dialogue neutre, audible et respectée».
La Communauté de l'Atlantique oriental pourrait ainsi «légitimement incarner un espace de coopération intercontinentale innovant, transcendant les clivages traditionnels et devenir un laboratoire de coopération Nord–Sud face aux grands défis globaux». Elle pourrait notamment jouer «un rôle de médiateur dans les grandes crises internationales, offrant une plateforme de dialogue neutre, audible et respectée».
Une ambition à la mesure des enjeux planétaires
Cette vision prospective de MM. Machrouh et Parmentier, publiée dans «Le Grand Continent», arrive à un moment charnière où les équilibres géopolitiques mondiaux se recomposent rapidement. Leur proposition d'une Communauté de l'Atlantique oriental offre-t-elle une alternative crédible aux logiques de blocs et de confrontation qui dominent actuellement les relations internationales ?
En s'appuyant sur «la complémentarité économique et la mutualisation des moyens», cette «grande verticale» pourrait effectivement «offrir une réponse crédible aux grands défis globaux». Reste à savoir comment les dirigeants européens et africains accueilleront cette proposition dans le cadre des solutions proposées pour redéfinir leur place dans un monde multipolaire en construction ?
En s'appuyant sur «la complémentarité économique et la mutualisation des moyens», cette «grande verticale» pourrait effectivement «offrir une réponse crédible aux grands défis globaux». Reste à savoir comment les dirigeants européens et africains accueilleront cette proposition dans le cadre des solutions proposées pour redéfinir leur place dans un monde multipolaire en construction ?
