Le Matin : Pouvez-vous nous expliquer le contexte de la dernière rencontre du Bureau de la CEA pour l’Afrique du Nord tenue il y a quelques jours à Rabat ?
Adam Elhiraika : Il s’agit de la réunion annuelle des experts des pays d’Afrique du Nord. Cette région couvre sept pays, comme vous le savez, et nous organisons cette réunion chaque année de manière régulière. Cette réunion a eu trois objectifs bien précis. Le premier consiste à présenter un bilan détaillé du travail et des réalisations du Bureau au cours de l’année précédente, donc, ce que nous avons accompli et les résultats obtenus durant l’année écoulée. Le deuxième objectif est de consulter les pays membres sur notre programme de travail et nos plans opérationnels pour l’année à venir. Ils nous font part de leurs idées et propositions, que nous discutons ensemble. Enfin, le troisième objectif, qui est central dans chaque cycle de ce type de réunions, est de définir un thème prioritaire lié au développement économique et social, un thème qui concerne l’ensemble des pays membres.
Quel a été le thème retenu pour cette édition ?
Cette année, le thème retenu a été celui de la mobilisation des ressources locales à travers l’innovation et la technologie. Par ressources locales, nous entendons l’ensemble des recettes publiques de l’État, en premier lieu les impôts, mais aussi les recettes non fiscales, notamment celles issues des ressources naturelles comme le pétrole, l’or, le phosphate et d’autres encore.
Quelle est l’importance de ces ressources pour les pays d’Afrique du Nord ?
Aujourd’hui, les pays d’Afrique du Nord dépendent essentiellement des ressources locales. Celles-ci représentent plus de 70% du total des recettes publiques des États, ce qui montre leur importance stratégique pour le financement du développement.
Quelles ont été les principales réalisations du Bureau au cours de cette année ?
Les principales réalisations s’articulent autour de quatre axes fondamentaux. Le premier axe concerne le rôle de la migration dans le développement, notamment à travers les transferts des migrants et leurs investissements. Dans un pays comme le Maroc, par exemple, il existe une importante communauté de migrants en Europe, en Amérique et dans d’autres régions du monde. Beaucoup d’entre eux investissent dans leur pays d’origine, ce qui constitue un apport économique majeur. Il y a donc deux dimensions essentielles : les transferts financiers réguliers vers les familles et les investissements réalisés par les migrants.
Quel est le deuxième axe d’intervention ?
Le deuxième axe porte sur le renforcement des capacités des États afin d’accroître les ressources publiques. Cela passe par la formation, l’assistance technique et les conseils en matière de réformes politiques et institutionnelles, notamment dans les domaines liés aux politiques fiscales et à la gestion des systèmes fiscaux. Le troisième axe concerne l’accompagnement des pays dans l’élaboration de politiques et de programmes leur permettant de tirer pleinement parti de la Zone de libre-échange continentale africaine, c’est-à-dire le marché commun africain.
Quel est le quatrième axe de travail du Bureau ?
Le quatrième axe est celui du renforcement des capacités des États pour stimuler la croissance économique. Il s’agit d’augmenter les taux de croissance économique inclusive et durable. Le caractère inclusif est très important, car nous observons dans les pays d’Afrique du Nord des niveaux élevés d’inégalités et de fortes disparités de revenus. La durabilité est également essentielle, car nous constatons une forte volatilité des taux de croissance d’une année à l’autre, notamment en raison de la dépendance de certains pays aux ressources naturelles, comme le pétrole en Libye et en Algérie, ou des fluctuations liées au secteur du tourisme. D’où la nécessité de diversifier les sources de croissance économique afin d’assurer la durabilité.
La mobilisation des ressources locales peut-elle entrer en contradiction avec la question de la dette ?
Au contraire, la mobilisation des ressources locales est particulièrement importante pour les pays qui dépendent fortement de la dette extérieure. L’augmentation des ressources internes permet de réduire la dépendance à l’endettement extérieur et aide les États à assurer le service de la dette extérieure. Dans des pays comme l’Égypte, par exemple, le niveau de la dette extérieure est élevé, tout comme le coût de son service. Les autorités travaillent actuellement à traiter cette problématique à travers la mobilisation des ressources locales et la restructuration de la dette extérieure.
Les pressions liées au changement climatique aggravent-elles cette situation ?
Oui, le changement climatique a un impact très important. En Afrique du Nord, nous faisons face à une grave problématique liée à l’eau. Les vagues successives de sécheresse affectent l’investissement et la croissance économique, et touchent particulièrement les populations les plus vulnérables, notamment dans le secteur agricole. Il est donc nécessaire de renforcer les capacités des États en matière de collecte des eaux, de modernisation des systèmes d’irrigation et d’utilisation de technologies avancées pour améliorer la productivité agricole et industrielle, ainsi que pour promouvoir la diversification économique.
Existe-t-il des recommandations concrètes pour les pays de la région ?
Oui, il existe plusieurs recommandations, mais elles sont largement liées au contexte économique propre à chaque pays. Elles concernent notamment l’éducation et le renforcement des capacités, les finances publiques, le système bancaire, le commerce et l’exploitation des opportunités offertes par la Zone de libre-échange continentale africaine. Elles incluent également des politiques visant à intégrer les femmes et les jeunes dans les processus de planification, d’investissement et de création d’emplois.
Sur le plan fiscal, quelles sont les principales recommandations ?
Le domaine fiscal est l’un des secteurs dans lesquels nous avons le plus travaillé. Je tiens à souligner que des pays comme le Maroc et la Tunisie disposent de systèmes fiscaux très avancés, parmi les plus développés en Afrique. Les recettes fiscales y représentent généralement environ 25% du revenu national, un niveau relativement élevé qui permet d’absorber les chocs économiques. Ces systèmes restent toutefois perfectibles, notamment à travers la digitalisation et l’intégration du secteur informel afin d’élargir l’assiette fiscale, ainsi que par l’augmentation des recettes non fiscales.
Que recouvrent précisément les recettes non fiscales ?
Les recettes non fiscales comprennent notamment les revenus issus des ressources naturelles, comme les redevances et la part de l’État dans les investissements liés au pétrole, à l’or et à d’autres ressources. Elles incluent également les taxes à la consommation et les redevances sur les services publics. Il s’agit d’une source importante de financement public. Au Maroc, par exemple, des efforts récents visent à encourager l’organisation de la collecte de la zakat afin qu’elle devienne institutionnalisée, ce qui pourrait constituer une ressource importante pour l’État si elle est bien encadrée.
Sur quoi portera le programme de travail du Bureau pour l’année prochaine ?
Le programme de l’année prochaine se concentrera sur quatre domaines principaux. Nous continuerons à travailler sur les transferts et les investissements des migrants, la mobilisation des ressources internes et la Zone de libre-échange continentale africaine. Nous y ajouterons un domaine particulièrement important : la croissance économique inclusive et durable. Il s’agit d’un champ d’action vaste qui structurera notre travail pour les trois prochaines années, de 2026 à 2028, conformément au cycle triennal des programmes des Nations unies.
Justement, quel est l’état d’avancement du marché africain commun en Afrique du Nord ?
En Afrique du Nord, le niveau d’avancement reste relativement limité par rapport aux autres régions du continent. Toutefois, certains pays déploient d’importants efforts d’intégration avec l’Afrique subsaharienne. Le Maroc, par exemple, renforce ses relations économiques avec les pays de la Cédéao (Communauté économique de l’Afrique de l’Ouest). La Libye, l’Égypte et la Tunisie connaissent également une dynamique d’intégration croissante. Il existe donc de réelles opportunités d’intégration avec les pays d’Afrique subsaharienne, même si les progrès au niveau strictement nord-africain demeurent limités pour des raisons bien connues.
Un dernier mot sur la question de la dette et le rôle des institutions internationales ?
La question de la dette est aujourd’hui au cœur des débats, en particulier dans un contexte marqué par des catastrophes climatiques répétées en Afrique. Un large dialogue est en cours sur la nécessité pour les institutions internationales de revoir leur approche en matière de dette, et ce débat doit se poursuivre.
Adam Elhiraika : Il s’agit de la réunion annuelle des experts des pays d’Afrique du Nord. Cette région couvre sept pays, comme vous le savez, et nous organisons cette réunion chaque année de manière régulière. Cette réunion a eu trois objectifs bien précis. Le premier consiste à présenter un bilan détaillé du travail et des réalisations du Bureau au cours de l’année précédente, donc, ce que nous avons accompli et les résultats obtenus durant l’année écoulée. Le deuxième objectif est de consulter les pays membres sur notre programme de travail et nos plans opérationnels pour l’année à venir. Ils nous font part de leurs idées et propositions, que nous discutons ensemble. Enfin, le troisième objectif, qui est central dans chaque cycle de ce type de réunions, est de définir un thème prioritaire lié au développement économique et social, un thème qui concerne l’ensemble des pays membres.
Quel a été le thème retenu pour cette édition ?
Cette année, le thème retenu a été celui de la mobilisation des ressources locales à travers l’innovation et la technologie. Par ressources locales, nous entendons l’ensemble des recettes publiques de l’État, en premier lieu les impôts, mais aussi les recettes non fiscales, notamment celles issues des ressources naturelles comme le pétrole, l’or, le phosphate et d’autres encore.
Quelle est l’importance de ces ressources pour les pays d’Afrique du Nord ?
Aujourd’hui, les pays d’Afrique du Nord dépendent essentiellement des ressources locales. Celles-ci représentent plus de 70% du total des recettes publiques des États, ce qui montre leur importance stratégique pour le financement du développement.
Quelles ont été les principales réalisations du Bureau au cours de cette année ?
Les principales réalisations s’articulent autour de quatre axes fondamentaux. Le premier axe concerne le rôle de la migration dans le développement, notamment à travers les transferts des migrants et leurs investissements. Dans un pays comme le Maroc, par exemple, il existe une importante communauté de migrants en Europe, en Amérique et dans d’autres régions du monde. Beaucoup d’entre eux investissent dans leur pays d’origine, ce qui constitue un apport économique majeur. Il y a donc deux dimensions essentielles : les transferts financiers réguliers vers les familles et les investissements réalisés par les migrants.
Quel est le deuxième axe d’intervention ?
Le deuxième axe porte sur le renforcement des capacités des États afin d’accroître les ressources publiques. Cela passe par la formation, l’assistance technique et les conseils en matière de réformes politiques et institutionnelles, notamment dans les domaines liés aux politiques fiscales et à la gestion des systèmes fiscaux. Le troisième axe concerne l’accompagnement des pays dans l’élaboration de politiques et de programmes leur permettant de tirer pleinement parti de la Zone de libre-échange continentale africaine, c’est-à-dire le marché commun africain.
Quel est le quatrième axe de travail du Bureau ?
Le quatrième axe est celui du renforcement des capacités des États pour stimuler la croissance économique. Il s’agit d’augmenter les taux de croissance économique inclusive et durable. Le caractère inclusif est très important, car nous observons dans les pays d’Afrique du Nord des niveaux élevés d’inégalités et de fortes disparités de revenus. La durabilité est également essentielle, car nous constatons une forte volatilité des taux de croissance d’une année à l’autre, notamment en raison de la dépendance de certains pays aux ressources naturelles, comme le pétrole en Libye et en Algérie, ou des fluctuations liées au secteur du tourisme. D’où la nécessité de diversifier les sources de croissance économique afin d’assurer la durabilité.
La mobilisation des ressources locales peut-elle entrer en contradiction avec la question de la dette ?
Au contraire, la mobilisation des ressources locales est particulièrement importante pour les pays qui dépendent fortement de la dette extérieure. L’augmentation des ressources internes permet de réduire la dépendance à l’endettement extérieur et aide les États à assurer le service de la dette extérieure. Dans des pays comme l’Égypte, par exemple, le niveau de la dette extérieure est élevé, tout comme le coût de son service. Les autorités travaillent actuellement à traiter cette problématique à travers la mobilisation des ressources locales et la restructuration de la dette extérieure.
Les pressions liées au changement climatique aggravent-elles cette situation ?
Oui, le changement climatique a un impact très important. En Afrique du Nord, nous faisons face à une grave problématique liée à l’eau. Les vagues successives de sécheresse affectent l’investissement et la croissance économique, et touchent particulièrement les populations les plus vulnérables, notamment dans le secteur agricole. Il est donc nécessaire de renforcer les capacités des États en matière de collecte des eaux, de modernisation des systèmes d’irrigation et d’utilisation de technologies avancées pour améliorer la productivité agricole et industrielle, ainsi que pour promouvoir la diversification économique.
Existe-t-il des recommandations concrètes pour les pays de la région ?
Oui, il existe plusieurs recommandations, mais elles sont largement liées au contexte économique propre à chaque pays. Elles concernent notamment l’éducation et le renforcement des capacités, les finances publiques, le système bancaire, le commerce et l’exploitation des opportunités offertes par la Zone de libre-échange continentale africaine. Elles incluent également des politiques visant à intégrer les femmes et les jeunes dans les processus de planification, d’investissement et de création d’emplois.
Sur le plan fiscal, quelles sont les principales recommandations ?
Le domaine fiscal est l’un des secteurs dans lesquels nous avons le plus travaillé. Je tiens à souligner que des pays comme le Maroc et la Tunisie disposent de systèmes fiscaux très avancés, parmi les plus développés en Afrique. Les recettes fiscales y représentent généralement environ 25% du revenu national, un niveau relativement élevé qui permet d’absorber les chocs économiques. Ces systèmes restent toutefois perfectibles, notamment à travers la digitalisation et l’intégration du secteur informel afin d’élargir l’assiette fiscale, ainsi que par l’augmentation des recettes non fiscales.
Que recouvrent précisément les recettes non fiscales ?
Les recettes non fiscales comprennent notamment les revenus issus des ressources naturelles, comme les redevances et la part de l’État dans les investissements liés au pétrole, à l’or et à d’autres ressources. Elles incluent également les taxes à la consommation et les redevances sur les services publics. Il s’agit d’une source importante de financement public. Au Maroc, par exemple, des efforts récents visent à encourager l’organisation de la collecte de la zakat afin qu’elle devienne institutionnalisée, ce qui pourrait constituer une ressource importante pour l’État si elle est bien encadrée.
Sur quoi portera le programme de travail du Bureau pour l’année prochaine ?
Le programme de l’année prochaine se concentrera sur quatre domaines principaux. Nous continuerons à travailler sur les transferts et les investissements des migrants, la mobilisation des ressources internes et la Zone de libre-échange continentale africaine. Nous y ajouterons un domaine particulièrement important : la croissance économique inclusive et durable. Il s’agit d’un champ d’action vaste qui structurera notre travail pour les trois prochaines années, de 2026 à 2028, conformément au cycle triennal des programmes des Nations unies.
Justement, quel est l’état d’avancement du marché africain commun en Afrique du Nord ?
En Afrique du Nord, le niveau d’avancement reste relativement limité par rapport aux autres régions du continent. Toutefois, certains pays déploient d’importants efforts d’intégration avec l’Afrique subsaharienne. Le Maroc, par exemple, renforce ses relations économiques avec les pays de la Cédéao (Communauté économique de l’Afrique de l’Ouest). La Libye, l’Égypte et la Tunisie connaissent également une dynamique d’intégration croissante. Il existe donc de réelles opportunités d’intégration avec les pays d’Afrique subsaharienne, même si les progrès au niveau strictement nord-africain demeurent limités pour des raisons bien connues.
Un dernier mot sur la question de la dette et le rôle des institutions internationales ?
La question de la dette est aujourd’hui au cœur des débats, en particulier dans un contexte marqué par des catastrophes climatiques répétées en Afrique. Un large dialogue est en cours sur la nécessité pour les institutions internationales de revoir leur approche en matière de dette, et ce débat doit se poursuivre.
