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Mardi 21 Mai 2024
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Code de la famille : un champ de bataille entre partis progressistes et conservateurs

Alors que le délai accordé à l’Instance chargée de formuler des propositions de réforme du Code de la famille tire à sa fin, le débat autour de la future Moudawana n’en finit pas de déchaîner les passions. Ne partageant pas la même conception de la réforme, partis conservateurs et progressistes sont à couteaux tirés. C’est le cas notamment du Parti de la justice et du développement (PJD) et du tandem constitué de son allié d’hier, le Parti du progrès et du socialisme (PPS), et l’Union socialiste des forces populaires (USFP). Les déclarations et les communiqués échangés des deux côtés ne font pas dans la dentelle.

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L’acte II de la réforme du Code de la famille oppose farouchement conservateurs et progressistes. Comme la commission chargée de la révision s’apprête à remettre sa copie après avoir mené des consultations avec toutes les parties concernées, les deux clans montent au créneau pour faire valoir leurs conceptions et leurs visions de cette réforme ô combien sensible. Et il faut dire que ces visions sont parfois diamétralement opposées.

Benkirane tire à boulets rouges sur le CNDH et les partis progressistes

Parti conservateur par excellence, le PJD défend ainsi une conception de la réforme qui «cadre avec les valeurs du peuple marocain et les préceptes de leur religion», n’hésitant pas critiquer les «autres parties» qui cherchent à «imposer des valeurs importées à notre société». Par la voix de son secrétaire général, il ne cesse d’attaquer les partis progressistes. Lors d’un événement consacré à la réforme du Code de la famille tenu le 4 mars dernier à Casablanca, Abdelilah Benkirane a déclaré que la religion était le socle sur lequel s’est édifiée la nation (marocaine), et qu’il fallait dire «non» ou «mille fois non» à toute vision qui s’y oppose en matière de réforme de la Moudawana.



Le Secrétaire général du PJD a également souligné que «faire face à tout ce qui contrevient aux fondements religieux et constitutionnels du Code de la famille est une responsabilité collective, qui nous impose de faire tout ce qui est nécessaire pour préserver la famille, même si cela nécessite l’organisation d’une marche nationale millionnaire pour faire valoir ce point de vue». Aussi, M. Benkirane a averti que «le mémorandum du Conseil national des droits de l’Homme (CNDH) sur ce Code va à l’encontre de tous les fondements religieux et constitutionnels du pays, ainsi que du cadre tracé par S.M. le Roi et de la volonté des citoyens marocains, notant à cet égard que de nombreux sondages d’opinion et statistiques confirment que les Marocains ne veulent pas d’alternative au référentiel et aux constantes religieuses de la Moudawana».

Le SG du parti de la lampe a par ailleurs affirmé que le communiqué conjoint du PPS et de l’USFP, publié consécutivement au mémorandum du CNDH, laissait penser que la société marocaine était «favorable aux revendications soulevées par le Conseil présidé par Amina Bouayach, ces deux partis et quelques autres instances». «Je les aurais respectés s’ils avaient dit ouvertement qu’ils ne voulaient pas du Coran, ni de la Sunna, ni du rite malikite, mais ils ne le font pas et ne le feront pas, parce qu’ils tiennent des propos alambiqués et enjolivés». M. Benkirane a également affirmé que «ceux qui œuvrent depuis l’extérieur pour détruire la famille trouvent ainsi des agents prêts à les suivre et à faire pression sur l’ensemble de l’État pour qu’il accepte leur diktat», soulignant qu’il est du devoir du peuple marocain de leur faire front et de leur dire «non» et qu’«il ne cautionne pas leurs prétentions et leurs slogans subversifs».

Benkirane confirme sa position sur le mariage des mineures

Sur la question spécifique du mariage des mineures, et après avoir suscité la controverse lors du meeting organisé par son parti à Tanger, le leader du PJD a réaffirmé sa position lors d’une réunion tenue par le Conseil provincial du PJD à Rabat. Ainsi, il a mis au défi «ceux qui dénoncent le mariage des enfants de présenter des preuves scientifiques, «provenant de l’Occident», selon lesquelles une personne âgée de plus de 15 ans est un enfant, qu’il s’agisse d’un jeune homme ou d’une jeune femme», ajoutant que certains pays considèrent comme enfant celui âgé de moins de 14 ans et d’autres de moins de 15 ans. Dans la société marocaine, a-t-il ajouté, «les filles de moins de 16 ans ne se marient plus à cet âge, mais les jeunes de 16 à 17 ans ou celles qui sont à quelques mois de leurs 18 ans et dont la situation le permet, peuvent se marier, car le mariage est une “opportunité”». Il a aussi établi le lien entre l’interdiction du mariage des mineures et les naissances hors mariage. «Lorsque nous les empêchons de se marier, elles se tournent vers l’interdit et l’adultère, ce qui aboutit à des grossesses, et la solution alors proposée est l’avortement, lequel n’est rien d’autre qu’un crime».

Le PPS et l’USFP fustigent Benkirane

De leur côté, les formations du PPS et de l’USFP n’ont pas épargné le PJD, bien qu’elles ne l’aient pas directement mentionné. Dans un communiqué conjoint du Forum parité et égalité (PPS) et de l’Organisation des femmes ittihadies (USFP) à l’occasion de la célébration de la Journée de la femme, les deux instances ont dénoncé ce qu’elles ont qualifié de campagnes émanant de certaines expressions de l’islam politique, qui instrumentalisent le soubassement religieux commun à tous les Marocains pour promouvoir une rhétorique hostile aux femmes.

Aussi, le président du groupe parlementaire du progrès et du socialisme, Rachid Hamouni, a tenu à recadrer Abdelilah Benkirane, à la suite des propos tenus par ce dernier lors du rassemblement de son parti tenu le 3 mars à Casablanca. Les paroles de Benkirane concernant le Code de la famille «ne sont pas les premières du genre, mais les plus dangereuses pour notre société marocaine et notre expérience démocratique émergente», a écrit, à ce sujet, dans un post sur Facebook le parlementaire du PPS, qui estime qu’il s’agit, ni plus ni moins, de «déclarations offensantes qui violent de manière flagrante le devoir de déférence dû entre dirigeants et partis politiques». Les déclarations du dirigeant du PJD, constituent «une incitation à la sédition et à la division de la société» ainsi qu’une «menace explicite de révolte contre toute réforme moderniste du Code de la famille», relève-t-il.

Pour Hamouni, si Benkirane a le droit d’exprimer librement, comme le lui garantit la Constitution, des positions rétrogrades sur la question de l’égalité ou sur toute autre question de société, il n’a pas le droit, cependant, «ni de calomnier ni de déformer» les positions de partis politiques nationaux qui agissent dans le cadre constitutionnel et des constantes de la Nation, depuis des décennies, ou de brandir des menaces à leur encontre et à l’encontre d’une institution constitutionnelle comme le Conseil national des droits de l’Homme, tient à rappeler le parlementaire du PPS.
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