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La recette de l’IRES pour un équilibre identité nationale/médias internationaux

La mondialisation médiatique bouleverse les équilibres culturels dans le monde arabe. En véhiculant des visions du monde, des idéaux et des modes de vie standardisés, souvent inspirés des pays occidentaux, cette déferlante favorise l’émergence d’une culture globalisée qui entre parfois en conflit avec les spécificités nationales et locales. Face à cette menace, il est primordial d’agir pour préserver son identité, ses valeurs et ses choix. Les pays arabes se doivent de renforcer la résilience de leurs identités face à l’influence des médias internationaux, en alliant régulation, éducation aux médias et promotion du patriotisme. Un défi crucial à l’heure de l’hyperconnectivité, pour bâtir une «mondialisation médiatique positive» favorisant le dialogue des civilisations plutôt que l’uniformisation culturelle».

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Dans un monde hyperconnecté où l’information circule à la vitesse de la lumière, la question de l’impact de la mondialisation médiatique sur les cultures et identités nationales est plus que jamais d’actualité. C’est le constat dressé par Mohamed Tawfik Mouline, directeur général de l’Institut Royal des études stratégiques (IRES), lors de son intervention au symposium «L’identité nationale... Rôles et défis», organisé la semaine dernière à Abu Dhabi aux Émirats arabes unis.

Le Maroc, un cas d’école face à la mondialisation médiatique

Mais face à cette déferlante, le Maroc offre un exemple édifiant de la manière dont un pays peut composer avec les défis de la mondialisation médiatique. Comme l’a souligné M. Mouline, le Royaume a su tirer parti de cette évolution pour renforcer son ouverture sur le monde, tout en veillant à préserver son identité nationale. Cette stratégie s’est traduite par le développement d’un paysage médiatique pluriel et dynamique, combinant médias nationaux et internationaux. Le Maroc a également misé sur la formation de journalistes et de professionnels des médias capables de produire des contenus de qualité, reflétant la richesse de la culture marocaine.



En parallèle, des efforts ont été déployés pour sensibiliser les citoyens aux enjeux de la mondialisation médiatique et renforcer leur esprit critique face à l’information.

Le Maroc entre défis et opportunités

Les enquêtes nationales sur le lien social, réalisées par l’IRES en 2011, 2016 et 2023, offrent un éclairage précieux sur la manière dont le Maroc appréhende la mondialisation médiatique. À cet égard, M. Mouline rappelle que ces études révèlent «une croissance exponentielle de l’usage des réseaux sociaux dans la vie sociale et professionnelle des Marocains», avec près de trois quarts de la population connectée. Une évolution qui témoigne du rôle prépondérant de la sphère virtuelle dans la socialisation et le façonnement des attitudes individuelles et collectives. Mais cette hyperconnectivité n’est pas sans susciter des inquiétudes : selon les enquêtes de l’IRES, quelque 70% des Marocains estiment que l’espace virtuel constitue un danger pour le lien social, notamment en raison de la propagation des «fake news» (85%) et de ses effets négatifs sur la santé physique et mentale des enfants (89%). Des chiffres qui appellent à renforcer l’éducation aux médias et l’esprit critique des citoyens, afin de tirer le meilleur parti de la mondialisation médiatique tout en en limitant les effets pervers.

Un phénomène multiforme aux implications profondes

«La mondialisation médiatique désigne le phénomène par lequel les informations des médias se diffusent à l’échelle mondiale, transcendant les frontières étatiques, nationales, culturelles, idéologiques et civilisationnelles», a expliqué M. Mouline. Portée par les avancées technologiques, de la télévision par satellite, les réseaux sociaux et récemment l’intelligence artificielle, elle se traduit par un accès quasi universel à l’information et une influence croissante des médias internationaux sur le façonnement des opinions publiques.

Cette nouvelle donne n’est pas sans conséquence sur les équilibres culturels et identitaires, comme le souligne l’Organisation internationale du travail citée par M. Mouline. En véhiculant des visions du monde, des idéaux et des modes de vie standardisés, souvent inspirés des pays occidentaux, la mondialisation médiatique favorise l’émergence d’une culture globalisée qui entre parfois en conflit avec les spécificités nationales et locales.

Le monde arabe face au risque d’uniformisation culturelle

Le monde arabe n’échappe pas à cette tendance, note le directeur de l’IRES. Si l’ouverture médiatique a permis aux citoyens arabes d’avoir accès à une information diversifiée et d’élargir leurs horizons, elle comporte aussi le risque d’une dilution des identités. «La création de chaînes arabes satellitaires de renommée ainsi que de plateformes éducatives et culturelles (...) représente un effort significatif pour déconstruire le système informationnel occidental», souligne M. Mouline. Mais dans le même temps, «certains de ces médias arabes, diffusant à l’international (...), ont favorisé la propagation de valeurs occidentales au détriment de la préservation de l’identité de leurs pays d’origine», déplore-t-il.

Fake news et guerres cognitives : de nouveaux défis à relever

Au-delà de la question identitaire, la mondialisation médiatique pose d’autres défis, à commencer par la propagation des «fake news» et la montée des guerres cognitives. «Ce phénomène (...) crée un environnement où les vérités scientifiques, les théories complotistes et les avis subjectifs s’entremêlent, engendrant des récits pseudo-scientifiques augmentant la confusion et la défiance», alerte M. Mouline. Une tendance qui risque de s’accentuer avec l’arrivée des nouvelles générations du web brouillant encore davantage les frontières entre le réel et le virtuel.

Face à ces mutations, les enquêtes de l’IRES montrent que l’identité marocaine fait preuve d’une relative résilience, en particulier dans les zones rurales et parmi les générations plus âgées. Mais les effets de la mondialisation médiatique «commencent à se faire sentir plus clairement chez les personnes résidant en milieu urbain, les jeunes générations et les individus à fort capital culturel ou économique», note M. Mouline.

Pour une «mondialisation médiatique positive»

Comment, dès lors, permettre aux pays arabes de tirer parti de la mondialisation médiatique sans y perdre leur âme ? Pour le directeur de l’IRES, la solution passe par une batterie de mesures visant à bâtir ce qu’il appelle une «mondialisation médiatique positive». Au menu : le renforcement des capacités de régulation, la mise à jour des cadres juridiques, l’éducation aux médias pour développer l’esprit critique des citoyens, l’encouragement de la recherche scientifique sur ces enjeux, ou encore l’intégration de la promotion du patriotisme dans les obligations des médias. «Il est suggéré d’inscrire, au niveau des obligations contractuelles des médias, la promotion des cultures nationales, la préservation de la langue arabe et des traditions, le renforcement du sentiment de patriotisme, en instituant, au niveau de la région arabe, une “Journée du lien national” dédiée à la célébration des valeurs de patriotisme», explique M. Mouline. Autre proposition selon le même intervenant : «encourager l’émergence d’une nouvelle génération d’influenceurs des médias sociaux, plus respectueux des valeurs universelles et des préceptes de l’Islam tolérant». Autant dire la tâche n’est pas aisée mais le jeu en vaut la chandelle. La mondialisation médiatique dans le monde arabe ne doit pas rimer pas avec standardisation culturelle, mais avec enrichissement mutuel et dialogue des civilisations.
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