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Le Maroc à l’ère de l’intelligence artificielle : les recommandations de l’Unesco

Le Maroc se positionne de plus en plus comme un acteur régional majeur dans le domaine de l’intelligence artificielle (IA), en témoigne la croissance exponentielle du nombre de publications scientifiques et l’émergence d’institutions dédiées. Malgré cette montée en puissance, des défis majeurs persistent en matière d'investissement, de régulation et d’inclusion sociale. Le rapport d’évaluation de l’Unesco de l’état de préparation à l’IA au Maroc formule, dans ce sens, un ensemble de recommandations stratégiques pour exploiter pleinement le potentiel de l'IA tout en garantissant un développement éthique et responsable.

Le 23 mars 2022, le Maroc a été parmi les premiers pays à annoncer la mise en œuvre de la Recommandation de l’Unesco sur l’éthique de l’intelligence artificielle (IA), en créant un comité national de pilotage. Un an après, le Royaume a rejoint un projet pilote visant à évaluer son état de préparation à l'IA à travers une méthodologie spécifique appelée RAM, «Readiness Assessment Methodology». Cette démarche a permis d’analyser le paysage de l’IA au Maroc, mettant en lumière les opportunités de développement ainsi que les lacunes, notamment au niveau réglementaire. Le Maroc est ainsi devenu le premier pays en Afrique et dans le monde arabe à avoir terminé cette évaluation, marquant ainsi son engagement à adopter une IA inclusive et éthique, tout en favorisant un environnement numérique de confiance. Les détails.

Un secteur en pleine expansion, mais des lacunes à combler

Depuis 2012, la recherche en IA au Maroc a connu une expansion spectaculaire, avec une augmentation du nombre de publications, passant de 89 en 2012 à 1.123 en 2022. Cette progression reflète une prise de conscience accrue de l’importance de l’IA, non seulement comme moteur de la recherche scientifique, mais aussi comme levier pour la transformation numérique du pays. En 2019, le programme «Al Khawarizmi» a vu le jour, avec un budget de 50 millions de dirhams dédié au financement de projets de recherche en IA. Plus récemment, en 2023, le premier institut national de recherche en intelligence artificielle a été lancé. Par ailleurs, le Maroc dispose de plusieurs infrastructures de pointe, dont l'African Supercomputing Center à l’Université Mohammed VI Polytechnique, des centres de données publics et privés, et un portail national pour les données ouvertes. Ces infrastructures sont soutenues par des priorités gouvernementales visant à améliorer la connectivité et à numériser les services publics.
En novembre 2023, le Maroc a établi un centre international d'intelligence artificielle désigné comme centre de catégorie 2 par l'Unesco, destiné à promouvoir l'IA en Afrique, en particulier en matière de recherche appliquée, de formation et de renforcement des capacités. Ce centre, basé à l’Université Mohammed VI Polytechnique, joue un rôle important pour aider le Maroc à devenir un leader en matière d'IA sur le continent africain. Cependant, les investissements en recherche et développement (R&D) restent modestes, selon le rapport. Les dépenses publiques ne dépassent pas 0,75% du PIB et seulement 1,6% du budget total du ministère de l’Enseignement supérieur est alloué à la recherche scientifique et technique.
Selon l'OCDE, les investissements dans l'intelligence artificielle (IA) au Maroc se concentrent principalement sur des secteurs tels que la santé, la biotechnologie, les médias, le marketing, les infrastructures informatiques et les plateformes sociales. Bien que le Maroc ait connu des progrès en termes d'investissements entre 2020 et 2023, les montants demeurent faibles par rapport à d'autres pays comme la Tunisie et l'Égypte.

L'IA, un outil au service de l'inclusion et du développement durable

Pour pallier ces lacunes, l’Unesco a formulé un ensemble de recommandations à même de permettre de tirer parti des opportunités offertes par l’IA, tout en s'assurant que son développement soit inclusif, éthique et durable. D'abord, en matière de gouvernance et d’inclusion, le pays ambitionne de mettre en place une gouvernance transparente de l’IA qui prenne en compte les enjeux d’équité sociale et d’égalité des genres. Les autorités encouragent une IA responsable dans le secteur de la santé, afin d’améliorer la qualité des soins et des services de santé. Une attention particulière est également portée à la réduction de la fracture numérique et à l’intégration des femmes et des groupes vulnérables dans le domaine de l’IA.
En effet, des progrès importants en matière d'inclusion numérique ont été réalisés, notamment avec une présence significative de femmes dans les domaines scientifiques, techniques et d'ingénierie. Le taux de féminisation au Maroc dans ces secteurs était de 42,2% en 2018, l'un des plus élevés au monde. Cependant, malgré ces progrès, des inégalités subsistent dans le domaine du numérique, comme le montre un score de 0,782 sur le Digital Gender Gaps, indiquant un écart de genre persistant.

Ensuite, sur le plan environnemental, les recommandations prônent l'utilisation de l'IA pour préserver le patrimoine culturel et environnemental du pays. L’enjeu est d’optimiser la conservation de ses richesses culturelles et naturelles, tout en intégrant les questions de durabilité dans les stratégies liées à l'IA. Des initiatives visant à utiliser l’IA pour une agriculture plus durable et une meilleure gestion de l’énergie sont également à l’ordre du jour.

Vers un cadre éthique et réglementaire robuste

Le cadre réglementaire constitue un autre pilier central des recommandations. Pour accompagner l’évolution rapide de l’IA, le Maroc doit renforcer ses régulations en matière de données, en particulier pour garantir la qualité et la contextualisation des données utilisées dans les systèmes d’IA. Le Maroc se classe à la 35e place sur 195 pays en termes d'indice de données ouvertes selon l'Open Data Watch, ce qui souligne son engagement fort envers les politiques de données ouvertes et la sécurisation de ces dernières. Le pays est également signataire de la Convention internationale des données ouvertes. Selon le rapport «Government AI Readiness Index 2023» d'Oxford Insights, le Royaume occupe la 88e place mondiale et la 6e en Afrique en matière de préparation à l'intelligence artificielle (IA). Il est devancé par Maurice (61e mondial), l'Égypte (62e mondial), l'Afrique du Sud (77e) , la Tunisie (81e) et le Rwanda (84e) sur le contient africain.
À noter qu'il n'existe pas encore de politiques spécifiques au Maroc pour traiter les impacts potentiels de l'IA sur l'environnement ou pour la préservation du patrimoine culturel et des langues autochtones. De plus, l'IA pourrait exacerber les discriminations liées à l'origine ou à l'appartenance, notamment en raison de l'absence de représentativité et de diversité linguistique dans les technologies intelligentes. Il est crucial de s’assurer que l’IA respecte les principes éthiques tout au long de son cycle de vie, du développement à l’utilisation. Le Royaume est appelé à capitaliser sur la stratégie Maroc Digital 2030 pour accélérer le développement et l’utilisation de l’IA. Un cadre de gouvernance éthique, transparent et inclusif demeure nécessaire pour encadrer les projets IA, et assurer la reddition de comptes en cas de préjudice.

Éducation, recherche et compétences : un socle pour le futur

Par ailleurs, l'un des principaux axes de travail concerne le développement des compétences. Pour répondre aux besoins évolutifs de la société et de l'économie, le Maroc met l'accent sur la transformation de son système éducatif. Le rapport appelle à la création d'un environnement éducatif moderne, capable de former une nouvelle génération de talents spécialisés dans les technologies de l'IA. Il s'agit également de renforcer la coopération entre les secteurs public et privé pour garantir l'innovation et les investissements nécessaires dans ce domaine. Le développement d'une IA de confiance, au service de l'économie et du travail, est un enjeu tout aussi fondamental. Des mécanismes d'évaluation et de traitement des impacts de l’IA sur l’emploi, ainsi que des efforts pour assurer la protection des travailleurs face à l’automatisation sont de mise.
Le ministère de l'Économie et des finances prévoit que 34,8% de l'emploi national pourrait être menacé par l'automatisation d'ici une quinzaine d'années. Une étude de 2023 par Boston Consulting Group montre que 86% des employés interrogés souhaiteraient bénéficier de formations pour s'adapter à ces changements. Le Maroc a ainsi une responsabilité importante de garantir que la transition technologique soit équitable et que les travailleurs aient accès à des programmes de formation pour éviter l'obsolescence de leurs compétences.

Le Maroc est résolument engagé dans la voie de l’intelligence artificielle. Le pays dispose désormais des fondations nécessaires pour en faire un levier de développement économique, social et environnemental. Cependant, pour garantir un déploiement harmonieux et inclusif, des efforts continus sont nécessaires, notamment dans les domaines de la régulation, de la formation des compétences et de l'inclusion sociale. L’objectif est de devenir un leader régional dans l'IA, tout en assurant une gouvernance éthique et durable de cette technologie.
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