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Le Mouvement populaire plaide pour une «réconciliation sociale» et tacle les partis de la majorité

C’est un choix qui est loin d’être anodin. En tenant, samedi 6 décembre, la sixième session de son conseil national dans la ville d’Al Hoceïma, le Mouvement populaire a voulu envoyer un signal politique fort. Sur le thème «Session de la fidélité : du Rif au Sahara», le parti de l’Épi a cherché à incarner une opposition constructive ancrée dans la «défense du Maroc profond».

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C’est un choix chargé de symboles. En délocalisant, samedi 6 décembre, la sixième session de son conseil national à Al Hoceïma, ville emblématique de la résistance et de la fierté rifaine, le Mouvement populaire (MP) a voulu marquer les esprits. Sous le thème «Session de la fidélité : du Rif au Sahara», et devant un parterre de plus de 500 militants, cadres et anciens ministres, le secrétaire général du parti de l’Épi, Mohamed Ouzzine, a livré un discours fort, dressant un tableau sombre du mandat du gouvernement Akhannouch.

L’appel à la «clémence» envers le Hirak et la Génération Z

Avant d’entamer son offensive contre la majorité, le leader haraki a tenu à placer cette rencontre sous le signe de l’apaisement sociétal. S’exprimant depuis «la terre de la résistance et de l’unité nationale», Mohamed Ouzzine a lancé un appel solennel pour la «haute sollicitude» et la «bienveillance» du Souverain pour la libération des détenus des mouvements sociaux. Le plaidoyer du secrétaire général s’est voulu inclusif, citant explicitement «les jeunes du Rif» ainsi que ceux de la «Génération Z», arrêtés, selon ses termes, «dans des contextes marqués par des tensions encadrées par des circonstances désormais dépassées». Pour étayer cette demande, M. Ouzzine a convoqué l’histoire récente du Royaume. «Ce vœu s’inspire des finalités sociales du «Hirak du Rif» et s’appuie sur l’esprit de réconciliation instauré par Sa Majesté le Roi depuis Son accession au Trône, à travers le discours historique d’Ajdir et l’engagement pour les droits humains.» Et d’ajouter, avec gravité : «La patrie accepte la différence sous le toit de la Nation et du consensus autour de ses constantes et de ses fondements sacrés.»

Protection sociale : l’accusation d’instrumentalisation électoraliste

C’est sur le terrain social que la critique s’est faite la plus acerbe. Mohamed Ouzzine a accusé la coalition gouvernementale (RNI-PAM-Istiqlal), qualifiée de «trio hégémonique» enfermé dans sa tour d’ivoire, d’avoir dévoyé le Chantier Royal de la protection sociale pour servir un agenda électoral «étriqué». Le chef du MP n’a pas mâché ses mots concernant le discours gouvernemental sur l’aide directe. «L’Exécutif a excellé dans l’art de vider le chantier de la protection sociale de la noblesse de ses objectifs, via des indicateurs iniques et injustes», a martelé le secrétaire général. S’adressant directement aux chefs de la majorité, il a lancé une phrase qui a longuement résonné dans la salle : «C’est une honte de voir aujourd’hui des secrétaires généraux des trois partis de la majorité faire d’un Chantier Royal stratégique leur fonds de commerce, tout en humiliant les Marocains en leur offrant des sommes modiques, en prétendant qu’ils les prennent en charge du berceau à la tombe.» Dans une envolée assumée, il a renchéri : «Si les Marocains savaient que cet argent venait de vos poches, je vous jure qu’ils ne le prendraient pas !»

Sur le plan institutionnel, le diagnostic posé par le Mouvement populaire est celui d’une dégradation sans précédent de la démocratie locale. M. Ouzzine reproche à la majorité d’avoir «affaibli les institutions élues aux niveaux national, régional et local en diluant la majorité parlementaire dans la majorité gouvernementale». Les conséquences de cette hégémonie sont, selon lui, visibles dans la gestion quotidienne des communes : «Le gouvernement a transformé la plupart des sessions des collectivités territoriales en rings de boxe et de lutte, approfondissant la méfiance envers les institutions élues et dépouillant la représentation électorale et l’acte politique de leur profondeur noble.»

Le paradoxe des succès : «réussir à échouer»

L’autre axe de cette offensive concerne la fracture territoriale. Mohamed Ouzzine dépeint un gouvernement au service exclusif des métropoles économiques et des grands groupes, sacrifiant sciemment la périphérie. Selon lui, les politiques actuelles n’ont fait qu’«approfondir le Maroc à deux vitesses» en fléchant l’investissement public vers le «domaine territorial chanceux» (comprendre l’axe Tanger-Casablanca), tout en «invisibilisant le Maroc des villages, des montagnes et des oasis». M. Ouzzine décrit une «réussite» gouvernementale, mais à rebours de l’intérêt général : réussite dans «l’imposition de politiques fiscales servant les grands du pays», dans la «normalisation du conflit d’intérêts» et dans l’élargissement de la base des «Faraqchia» (barons du bétail et de l’agriculture) qui profitent de la crise. «Le gouvernement a rempli les caisses de l’État en taxant les entreprises et les poches des citoyens, en échange d’une dépense publique sans utilité ni impact», analyse-t-il, pointant du doigt des hôpitaux flambant neufs transformés, faute de personnel, en «cimetières ou, au mieux, en stations de transit».

Confiance en l’État, méfiance envers le gouvernement

Fait politique notable, Mohamed Ouzzine a établi une distinction nette entre l’État et le gouvernement. Saluant l’intervention Royale pour «sauver la face» de l’Exécutif à travers le programme de développement des zones rurales, il a affirmé : «Parce que nous sommes un Mouvement populaire issu du Maroc profond, nous avons confiance dans la logique de l’État avant d’avoir confiance en un trio partisan qui a transformé le Maroc en une bourse politique». Cette défiance s’est cristallisée autour de l’organisation des élections. M. Ouzzine a ouvertement salué le retour de la supervision électorale dans le giron du ministère de l’Intérieur, y voyant une application saine de l’article 11 de la Constitution. «Nous accueillons favorablement le retrait du dossier électoral de l’aile politique du gouvernement (...) pour garantir l’égalité des chances, face à la perte de confiance dans le trio majoritaire.»

En clôturant cette sixième session à Al Hoceïma, le Mouvement populaire ne s’est pas contenté de réunir ses troupes, il a aussi tenu à montrer l’échec d’un modèle de gouvernance technocratique et affairiste, selon les propos de M. Ouzzine. En opposant le «Maroc des bureaux climatisés» au «Maroc des oasis et des montagnes», et en dénonçant le «mariage de l’argent et du pouvoir», le Mouvement populaire cherche à capitaliser sur les frustrations sociales et territoriales pour se positionner comme l’alternative au «bloc» majoritaire à l’approche des législatives de 2026. n
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