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Investissement, énergie, analphabétisme... l'essentiel des activités de la Cour des Comptes en 2023-2024

Le Premier Président de la Cour des Comptes, Zineb El Adaoui, a présenté mercredi, lors d'une séance plénière conjointe des deux Chambres du Parlement, un exposé sur les activités de la Cour des Comptes au titre de la période 2023-2024.

Ph : Saouri
Ph : Saouri
Au début de son exposé, Zineb El Adaoui a indiqué que cette rencontre marque une étape constitutionnelle remarquable qui s'aligne sur les meilleures pratiques à l'échelle internationale, le but étant de permettre aux élus de la Nation et à l'opinion publique d'appréhender les principales évolutions et problématiques liées à la gestion de la chose publique et qui sont d'une extrême urgence. L'exposé met l'accent sur certaines conclusions issues des activités les plus importantes de la Cour, qui se rapportent aux défis de la gestion de la chose publique et à la concrétisation du principe de corrélation entre la responsabilité et la reddition des comptes, a précisé Mme El Adaoui. L'exposé s'articule autour de trois principaux axes relatifs au "Suivi de la mise en œuvre des grands chantiers de réforme", "Résultats des missions d'évaluation des programmes et projets publics et des missions de contrôle de gestion" et "Missions relatives à la consécration du principe de corrélation entre la responsabilité et la reddition des comptes".

Chantiers des grandes réformes : suivi de la mise en œuvre et identification des risques potentiels

Le Premier Président de la Cour des Comptes, Zineb El Adaoui a indiqué que dans le cadre du suivi de la mise en œuvre des chantiers des grandes réformes, la Cour des comptes a procédé, au titre de l'exercice 2023-2024, et à l'instar des deux dernières années, à une appréciation de l’état des actions réalisées et celles en cours, et a identifié les risques potentiels et ce en matière de réalisation des chantiers de la protection sociale, l'investissement, les établissements et entreprises publics, ainsi que de la réforme fiscale.

Aussi, et dans le cadre de ses travaux de contrôle et de suivi de la mise en œuvre des grands chantiers, la Cour a accordé une attention particulière à deux problématiques, en l’occurrence l'eau et la régionalisation avancée en y consacrant des recommandations dans le présent rapport, a ajouté Mme El Adaoui.

S'agissant du secteur de l'eau, le Royaume a adopté des politiques hydriques proactives depuis les années 1960, en commençant par la politique de construction de barrages, afin d'améliorer la durabilité des ressources en eau et de renforcer la capacité à faire face aux défis environnementaux et économiques, jusqu'au lancement du Programme national d’approvisionnement en eau potable et d’irrigation 2020-2027 (PNAEPI), avec pour objectif de sécuriser l'approvisionnement en eau potable et satisfaire les besoins des secteurs productifs, et dont le budget a été porté à 143 milliards de dirhams (MMDH), a-t-elle rappelé.

A cet égard, la capacité totale de stockage des barrages est passée de 18,7 milliards de m³ en 2020 à 20,7 milliards de m³ en 2023 grâce à la mise en service d’un ensemble de barrages, dont la construction a commencé avant le lancement du programme, notamment les barrages Todgha, Tiddas, Agdz et Fask, a-t-elle relevé, notant qu'en raison principalement aux résiliations des marchés de travaux les concernant, certains projets de grands barrages ont enregistré du retard par rapport aux prévisions, notamment les barrages de M’dez et Targa Ou Madi.

Compte tenu de la retenue actuelle des barrages, qui ne dépasse pas 29% à fin décembre 2024, Mme El Adaoui a souligné l'impératif d’orienter les projets de construction des barrages vers les régions bénéficiant de fortes précipitations, afin d'éviter toute perte des apports hydriques et d'en maximiser l’exploitation, notamment aux niveaux des bassins hydrauliques de Sebou, Loukkos, Bouregreg et Oum Er-Rbia.

De surcroît, il est nécessaire d'accélérer le rythme de réalisation des projets d’interconnexion des bassins hydrauliques, en tant que solution innovante pour atténuer la pénurie d'eau dans les zones souffrant d'une diminution de leurs ressources hydriques, et pour réduire les disparités territoriales dans la répartition de ces ressources, a-t-elle ajouté.

Il s'agit également de parachever les projets d'interconnexion entre les bassins hydrauliques de Loukkos, Sebou, Bouregreg et Oum Er-Rbia, ainsi que l'accélération des projets de mobilisation des ressources non conventionnelles, tels que le traitement des eaux usées et le dessalement de l'eau, dont les stations de dessalement des eaux à Casablanca, Dakhla, Rabat et l'Oriental, de sorte, a-t-elle expliqué, à renforcer la gestion intégrée des ressources en eau tout en veillant à la préservation des réserves stratégiques en eaux souterraines.

Toutefois, les efforts déployés, pour moderniser les réseaux d’irrigation collective et promouvoir l’irrigation localisée n’ont pas permis de stabiliser la demande en eau d’irrigation, a fait remarquer Mme El Adaoui, précisant que la superficie équipée en systèmes d’irrigation localisée a représenté près de 50% de la superficie irriguée à l’échelle nationale à fin 2023 et ce, "compte tenu de la lenteur de la dynamique d'équipement interne des domaines agricoles dans le cadre des projets collectifs de conversion à ce système d'irrigation".

Le secteur agricole ne tire pas profit pleinement du potentiel des eaux usées traitées, sachant que leur volume a atteint environ 37 millions de m³ en 2023, a-t-elle noté, expliquant cette situation par plusieurs facteurs dont l'absence de normes fixant les caractéristiques de qualité des eaux usées traitées, destinées à être utilisées dans le secteur.

La gestion efficace de l’eau passe également par la poursuite de la réduction des quantités importantes de fuites dans les réseaux en augmentant leur efficacité de 77%, comme moyenne nationale actuelle, à 80% comme objectif d’ici 2030, a-t-elle enchainé.

Bien que le Maroc ait œuvré à adapter l’arsenal juridique lié à l’eau, "l’approche juridique reste insuffisante à moins qu’elle ne soit conjuguée à une approche multidimensionnelle garantissant la réalisation de l’intégration et de la convergence entre les secteurs de l’eau, de l’agriculture et de l’énergie et la compatibilité de leurs stratégies au niveau territorial".

Tenant compte des expériences réussies à l'échelle mondiale, Mme Al Adaoui a appelé à renforcer le recours aux énergies renouvelables pour mobiliser les ressources en eau, à promouvoir la recherche scientifique dans le domaine de l'eau et à encourager la collaboration avec les universités et les laboratoires de recherche, en vue de contribuer à l'élaboration de solutions locales aux problématiques environnementales, en l’occurrence celles liées à l’eau et au sol.

Elle a également souligné la nécessité d’exploiter tous les canaux de communication possibles afin de sensibiliser les entreprises, les ménages et les citoyens à la nécessité de rationaliser leur comportement en matière de consommation d’eau, en plus de renforcer les mécanismes de dissuasion contre les comportements irresponsables concernant la consommation d’eau.

D’autre part, Mme El Adaoui a confirmé que, concernant le chantier de réforme de la régionalisation avancée, la Cour des comptes a suivi cette réforme au cours de l’année 2024, poursuivant ainsi la mission thématique qu’elle avait accomplie à cet égard en novembre 2023.

Elle a affirmé que les autorités publiques ont initié l’accélération de ce chantier à travers une série de réformes juridiques et institutionnelles liées à la décentralisation et à la déconcentration administrative, en plus de l’allocation de mécanismes renouvelés et de ressources pour soutenir les régions dans l'exercice de leurs compétences et le renforcement de leurs capacités de gestion, faisant état de la poursuit de la tendance ascendante des ressources financières allouées par l’État en faveur des régions.

À cet égard, elle a précisé que les contributions du fonds spécial relatif au produit des parts d'impôts affectées aux régions sont passées de 3,79 MMDH en 2016 à 8,79 MMDH en 2023, soulignant que le total des ressources transférées par l’État s’élevait à environ 57,64 MMDH du 1er janvier 2018 à fin 2024, auxquelles s'ajoutent les ressources du fonds de solidarité interrégionale qui ont atteint 6,19 MMDH durant la même période.

Mme El Adaoui a noté que la mise en oeuvre de ce chantier structurel nécessite davantage d’efforts pour accélérer la mise en application de la Charte nationale de la déconcentration administrative sur le terrain. Cela implique l'application des mesures programmées et l'évaluation des résultats, confirmant que le taux d'avancement de la feuille de route relative à cette charte n’avait pas dépassé 36% jusqu’à mi-octobre 2024.

Elle a également ajouté que le rythme de transfert et de délégation des compétences prioritaires en matière d’investissement vers les services déconcentrés, reste insuffisant, avec un taux ne dépassant pas 38% à mi-octobre 2024.

Concernant le cadre juridique et institutionnel de la régionalisation avancée, Mme El Adoui a affirmé que la réalisation des objectifs escomptés, notamment permettre aux régions de remplir leurs rôles dans développement, est tributaire de la précision et de l’adaptation des textes législatifs et réglementaires qui régissent les domaines d’intervention des départements ministériels liés aux compétences des régions, y compris 18 domaines relevant des compétences propres des régions et trois domaines dans les compétences partagées, afin de délimiter les champs d’intervention des différents acteurs institutionnels et à atténuer le chevauchement de leurs attributions avec celles des régions.

Il est également important de définir les compétences et l’organisation des représentations administratives régionales communes et sectorielles approuvées par la Commission interministérielle de la déconcentration administrative, et la délégation des compétences décisionnelles à celles-ci, afin d'assurer l’unité d’action des services de l’État au niveau régional et de garantir une bonne coordination entre eux, a ajouté Mme El Adaoui, indiquant qu'il a été procédé à l'approbation de trois représentations communes, ainsi que deux représentations sectorielles.

En ce qui concerne les mécanismes d’activation de la régionalisation avancée, Mme El Adaoui a indiqué que la Cour a noté une utilisation limitée du mécanisme de contractualisation entre l’État et les régions pour l'exécution des projets prioritaires inclus dans la première génération des programmes de développement régional.

Elle a fait remarquer que, durant la période 2020-2022, seules quatre régions ont finalisé la procédure de signature des contrats-programmes avec l’État, englobant 197 projets de développement pour un coût total de 23,56 MMDH. Toutefois, le taux de projets complètement achevés dans le cadre de ces quatre contrats-programmes n’a pas dépassé 9%, tandis que 80% des projets étaient encore en cours de réalisation jusqu'à fin avril 2024.

Elle a insisté sur le fait que la réussite de la contractualisation entre l’État, les régions et les autres parties prenantes dépend de l’adoption d’un cadre réglementaire qui définit clairement les obligations des différentes parties durant les phases de préparation et de mise en œuvre, ainsi que de la rationalisation et du contrôle des délais des procédures relatives à la conclusion du contrat, dans le but de combler les lacunes observées dans l'implémentation de la première génération des programmes de développement régional.

Cette situation nécessite une grande précision dans la définition des projets prioritaires à réaliser dans le cadre d’un contrat entre l’État, la région et les autres intervenants, intégrant les mécanismes susceptibles de garantir leur succès, notamment par la définition des formalités et des conditions de signature et de mise en œuvre de ce contrat, a-t-elle fait valoir.

Et de poursuivre qu'il est également nécessaire d’accompagner les régions dans la réalisation des programmes de développement régional qui ont été approuvés afin de remédier aux lacunes précédemment enregistrées, en tenant compte de leurs capacités de gestion et des ressources financières engagées.

Mme El Adaoui a conclu en indiquant que, concernant la feuille de route pour la prochaine étape, la Cour des comptes a pris note des recommandations issues des travaux de la deuxième édition des Assises nationales de la régionalisation avancée, tenus en décembre dernier, qui sont en phase avec les conclusions du rapport d'évaluation institutionnelle de la régionalisation avancée de la Cour de novembre 2023.

Énergie : une vision globale en matière de planification est essentielle

Zineb El Adaoui a indiqué que la Stratégie énergétique nationale (SEN) 2009-2030 englobe plusieurs volets importants tels que les secteurs de l'électricité, des énergies renouvelables, de l'efficacité énergétique, des carburants et des hydrocarbures, de l'énergie nucléaire, de l'exploration des hydrocarbures, des schistes bitumineux et des bioénergies.

D'importantes réalisations ont été accomplies pour consolider la position du Maroc dans le domaine de la transition énergétique, a-t-elle souligné, rappelant que le Royaume occupe actuellement la quatrième place au niveau africain et la troisième dans le monde arabe en termes de capacité installée de production d'électricité à partir d'énergies renouvelables.

Le Premier Président de la Cour des Comptes a relevé, en revanche, que certains aspects de cette stratégie "sont à améliorer, notamment la gouvernance du secteur de l’énergie et le degré de réalisation des objectifs fixés pour chacune des composantes de la stratégie".

Concernant la planification énergétique, Mme El Adaoui a fait observer qu’elle s’est focalisée sur le secteur de l’électricité avec, particulièrement, l’élaboration de plans d'équipement relatifs à la production et au transport de l'énergie électrique, "tandis que d'autres aspects importants, tels que la sécurité d’approvisionnement, l'efficacité énergétique et la diversification des sources d'énergie, n’ont pas été inclus", ce qui met en évidence la nécessité d’instaurer une vision holistique dans la planification énergétique". De même, en matière de contractualisation entre l’État et les établissement et entreprises publics du secteur de l’énergie, Mme El Adaoui a constaté un "recours limité" à ce mécanisme, "malgré le lancement de plusieurs initiatives dans ce sens", notant que "depuis 2008, soit à la veille du lancement de la SEN, seulement deux contrats programmes ont été conclus avec l'ONEE : un premier couvrant la période 2008-2011, puis un deuxième pour la période 2014-2017". Pour ce qui des réalisations enregistrées dans les différentes composantes de la SEN, les données contenues dans la présentation de Mme El Adaoui montrent que la part des énergies renouvelables dans le mix électrique est passée de 32% en 2009 à 40% à fin 2023, pour atteindre 44,3 % en août 2024.

Afin d'atteindre l'objectif fixé de 52% à l'horizon 2030, le Premier Président de la Cour des Comptes a souligné la nécessité d’accélérer le rythme de réalisation d'un certain nombre de projets liés à la production de ces énergies, relevant, à titre d'exemple, que certains projets présentés par le secteur privé conformément à la loi n° 13.09 n'ont pas encore été autorisés, faute de capacité suffisante du réseau de transport de l'électricité.

Dans ce sillage, Mme El Adaoui a considéré que l’élaboration, l’approbation et la mise en œuvre d’une stratégie nationale d’efficacité énergétique deviennent une nécessité impérieuse, au même titre que la mise en place d'un cadre incitatif pour promouvoir les mesures d'efficacité énergétique. Bien que la SEN a fait de l’efficacité énergétique une priorité nationale, "aucune stratégie relative à ce secteur n’a été adoptée dans ce domaine, compte tenu de l’insuffisance et du manque d’efficacité des mesures appliquées", a-t-elle signalé, ajoutant qu'à cause de ce manquement, le taux d’économie de l’énergie n’a pas dépassé 5,8%, un pourcentage qui reste en deçà de l’objectif fixé de 20% à l’horizon 2030.

Cette situation marquée par la mise en œuvre limitée des mesures d’efficacité énergétique est due à la faiblesse des moyens financiers, au retard de publication de certains textes d’application de la loi° n° 47.09 relative à l’efficacité énergétique et à l'absence d'un dispositif d’incitation capable de faire adhérer les secteurs énergivores, a expliqué Mme El Adaoui.

S’agissant du secteur des hydrocarbures, le Premier Président de la Cour des comptes a affirmé qu'il se trouve dans une situation nécessitant la mise en place de mécanismes de gestion et de contrôle de ses stocks de réserve afin d'atténuer l'impact des fluctuations des prix sur le marché international et leurs répercussions sur les prix au niveau du marché national.

Depuis l’adoption de la SEN en 2009, les stocks de réserve des différents produits pétroliers sont restés en deçà du niveau requis de 60 jours, a-t-elle précisé, rappelant à titre d’exemple qu'en 2023, "les stocks de gasoil, d'essence et de gaz butane n'ont pas dépassé respectivement 32, 37 et 31 jours".

En ce qui concerne les produits pétroliers importés, le Premier Président de la Cour des Comptes a fait état d'une "diversification limitée des points d'entrée avec un seul et unique nouveau point d’entrée réalisé depuis le lancement de la stratégie en 2009, et ce au niveau du port Tanger Med".

Pour ce qui est du gaz naturel, Mme El Adaoui a constaté que les initiatives prises depuis 2011 pour développer ce secteur sont restées inachevées, "ce qui affecte les efforts visant l'abandon progressif du charbon dans la production de l'électricité". Pour faire face à cette situation, le Premier Président de la Cour des Comptes a préconisé "le déploiement de ces initiatives dans le cadre d'une stratégie officielle et d’un cadre juridique adéquat, permettant l’émergence d’un marché gazier transparent et attractif pour les investisseurs".

Nécessité de maintenir l'effort de l'investissement public et de favoriser son rôle de levier de l'investissement privé

La responsable a relevé qu'en matière d'investissements, la tendance actuelle est de maintenir l'effort d'investissement public, notamment à travers les dépenses d'investissement portés le budget général de l'Etat qui sont passées de 52,3 MMDH en 2015 à 119,2 MMDH en 2023, faisant observer que cette tendance est appelée à se poursuivre au même niveau au cours des années à venir.

Dans ce contexte, Mme El Adaoui a souligné que la Cour a enregistré certains risques concernant les finances publiques "qui doivent être traités à court et moyen terme, compte tenu des pressions croissantes sur les finances publiques et du rythme de la mise en œuvre de certaines réformes programmées".

Et de souligner que l'aggravation de la problématique du stress hydrique nécessite des investissements majeurs et urgents estimés à 143 milliards de dirhams, pour la période 2020-2027, dans le cadre du programme national d'approvisionnement en eau potable et en eau d'irrigation. De même, la région d'El Haouz a également besoin de ressources financières importantes pour financer les programmes de reconstruction et venir en aide aux sinistrés, sachant que les dépenses dans ce domaine ont dépassé 9,5 milliards de dirhams à fin octobre 2024.

Mme El Adaoui a également noté que la mise en œuvre des grandes réformes lancées par le Royaume se poursuit, notamment la réforme du système de protection sociale, qui devrait coûter, selon les dernières estimations du ministère de l'Economie et des Finances, 53,5 milliards de dirhams, une fois l'ensemble des mécanismes de la protection sociale seront mis en œuvre en 2026, dont 38,5 milliards de dirhams seront financés sur le budget de l'Etat.

En outre, elle a fait observer que le Maroc se prépare à accueillir la Coupe d'Afrique des Nations 2025 et la Coupe du Monde de la FIFA 2030, coorganisée avec l'Espagne et le Portugal, "ce qui nécessite la mobilisation de ressources financières importantes pour financer des investissements majeurs pour réhabiliter les infrastructures sportives, touristiques, de communication et de transport".

En relation avec la mobilisation des ressources, elle a expliqué que les réformes en cours dans le domaine fiscal, dans le secteur des institutions et entreprises publiques et dans le système d'investissement devraient également contribuer à alléger la pression sur les finances publiques, "car ces réformes peuvent apporter des ressources publiques supplémentaires d'une part, et d'autre part, réduire les transferts du budget de l'État aux établissements publics, qui ont dépassé 65 milliards de dirhams en 2023, par rapport aux recettes et contributions au budget de l'État qui n'ont pas dépassé 16,8 milliards de dirhams, pour la même année.

La réforme du système d’investissement nécessite aussi l’augmentation de la part de l’investissement privé, à même de contribuer à améliorer le système d’allocation des ressources, dégager des marges budgétaires et à alléger la pression sur les finances publiques.

Les réformes précitées, a-t-elle dit, peuvent offrir des marges intéressantes pour répondre aux besoins en financement, néanmoins, pour atteindre cet objectif, il s’avère cruciale d’accélérer leur mise en œuvre pour mobiliser les ressources nécessaires à temps, ainsi que pour établir des sources de financement stables et chercher d’autres solutions novatrices de financement pour réduire les pressions sur les finances publiques.

Concernant les risques potentiels auxquels les finances publiques pourraient être confrontées à moyen et long termes, la Cour réaffirme la nécessité urgente d'engager et d'accélérer la réforme du système de retraite, afin de préserver sa viabilité, tout en attirant l'attention sur la situation préoccupante de la Caisse marocaine de retraite (CMR), qui a enregistré un déficit technique de 9,8 MMDH, à fin 2023, ce qui entraîne une baisse de ses fonds de réserve à 65,8 MMDH, et conduirait à leur épuisement en 2028, selon les données du ministère de l'Economie et des Finances.

Juridictions financières : quelque 139 millions de dirhams recouvrés entre janvier 2023 et septembre 2024

Par ailleurs, Zineb El Adaoui a relevé que les juridictions financières ont recouvré, dans le cadre de l'exercice de leurs attributions judiciaires, environ 139 millions de dirhams (MDH) entre janvier 2023 et septembre 2024. Et de noter que ces montants concernent "le recouvrement des créances et droits dus" (54 MDH), "le respect d'engagements contractuels" (78 MDH), "la restitution de 28 millions de dirhams par les comptables publics", "l'application des pénalités de retard" (6,3 MDH) et "le recouvrement des montants payés par erreur (820.000 DH).

D'autres mesures ont été prises pour renforcer les mécanismes de contrôle interne et en établir les fondements et les principes, "en tant que point d'entrée principal pour améliorer la gestion et prévenir les cas de corruption financière et administrative", a-t-elle précisé, ajoutant que le nombre des dossiers en cours en matière de discipline budgétaire et financière (DBF) s’est élevé, pendant la période sus visée, à 297 dossiers, dont 86 ont été jugés, en statuant par des amendes d’un total de 5 MDH et par des jugements de remboursements de sommes au titre de pertes subies par les organismes concernés d’un montant de 9 MDH.

Mme El Adaoui a relevé que le montant total des restitutions ou des amendes a dépassé les 14 millions de dirhams.

En ce qui concerne les catégories d’organismes et de personnes poursuivies dans le cadre des dossiers en cours, la présidente de la Cour des Comptes a fait savoir que les établissements publics ont représenté 75 % des organismes objets de saisines devant la Cour alors qu'au niveau des Conseils régionaux des comptes, les affaires DBF ont concerné 110 organismes dont principalement les communes à hauteur de 93 %, a ajouté Mme. El Adaoui.

Et de relever que la plupart des faits soulevés concernant les marchés publics portent sur le non-recours injustifié à la concurrence, la non application correcte des critères d’évaluation des offres spécifiés dans le règlement de consultation, la non détermination précise des besoins à satisfaire par la commande lors de l'établissement du cahier des prescriptions spéciales, la certification inexacte du service fait pour des travaux ou de fournitures réalisés en deçà des quantités visées dans les décomptes ou non conformes aux prescriptions techniques établies par les clauses contractuelles et la réception provisoire de travaux inachevés ou de qualité insuffisante.

Pour la gestion des recettes, a poursuivi Mme El Adaoui, les faits relevés concernent, notamment, des insuffisances en matière d’appréhension et de détermination de l’assiette fiscale, le non recours à la taxation d’office pour défaut de déclaration par le redevable, le manque de contrôle des déclarations déposées, et enfin, des manquements au niveau du recouvrement de taxes ou de la liquidation du montant dû à leur titre.

S’agissant des travaux en matière de vérification, d’instruction et de jugement des comptes, le nombre de comptes soumis aux juridictions financières par les comptables publics au cours de la période allant du 1er janvier 2023 au 30 septembre 2024 s’élève à 4.690, a précisé la présidente de la Cour des Comptes, notant que la Cour a par ailleurs reçu 155 comptes soumis par les ordonnateurs, tandis que 2.258 autres comptes remontant à 2022 et 2023 n’ont pas été déposés.

Dans ce sens, la Cour des Comptes a enjoint aux comptables concernés de soumettre leurs comptes avant l'application des amendes et des astreintes prévues dans l'article 29 du Code des juridictions financières.

A Cet égard, les juridictions financières ont noté le reversement par les comptables publics de sommes s’élevant à plus de 28 MDH aux organismes publics concernés suite à la notification qui leur a été faite de notes d’observations et d’arrêts et jugements provisoires, bien avant qu’elles ne statuent définitivement sur les comptes concernés.

S’agissant des arrêts et jugements, le rapport de la Cour des Comptes relève que les juridictions financières ont prononcé des débets d’un montant global d’environ 54,8 MDH et des quitus dans 81 % des arrêts et jugements émis.

Il montre également que le montant des débets dus à l’absence de diligences que le comptable public doit faire en matière de recouvrement des recettes a constitué 89% des débets prononcés, tandis que les débets liés aux manquements à l’occasion de l’exercice du contrôle de validité de la dépense qu’il est tenu d’effectuer en vertu des lois et règlements en vigueur, n'ont représenté que 11% du montant total des débets, répartis entre débets résultant de manquements en matière de contrôle de l’exactitude des calculs de liquidation (9%), ceux liés au non-respect du caractère libératoire du règlement (1%) et de débets à cause de l’absence du visa préalable (1%).

Lutte contre l'analphabétisme: la mise en œuvre des plans stratégiques et des programmes n'a pas encore produit l'effet escompté

La responsable a souligné que le bilan réalisé dans le domaine de la lutte contre l'analphabétisme "reste insatisfaisant" malgré les différentes stratégies et l'enveloppe globale de près de 3 milliards de dirhams qui a été mobilisée au profit de l'Agence nationale de lutte contre l'analphabétisme entre 2015 et 2023.

Elle a relevé, à cet égard, que la proportion d'analphabètes demeure élevée chez les citoyens âgés de plus de 15 ans, avec plus de 9 millions et 240 mille personnes enregistrées en 2021, soit l’équivalent d’un taux d'analphabétisme d'environ 34,2% contre 47,7% en 2004.

Dans ce sens, Mme El Adaoui a plaidé pour la promotion de l'efficacité et l'efficience des programmes de lutte contre l'analphabétisme, notamment à travers un contrat-programme entre l'État et l'Agence afin de définir les objectifs stratégiques et quantitatifs à atteindre selon un calendrier approprié, ainsi que de mettre en place des mécanismes pour le suivi de la mise en œuvre des programmes et projets prévus, ainsi que l’évaluation de leurs résultats et leur impact sur la réduction du taux d'analphabétisme.

L'Agence, poursuit-elle, a mené des programmes de lutte contre l'analphabétisme en partenariat avec les organisations de la société civile, notant l'absence d'un système de classification des associations œuvrant dans le domaine d’alphabétisation, qui permettrait de les inciter à se spécialiser et à s'organiser, d’une part, et de faciliter l'évaluation de leur performance et la prise, au cours du processus de sélection, de décisions basées sur des informations précises, contribuant ainsi à garantir leur pérennité, d’autre part.

"La Cour a également relevé l'absence de mesures concrètes pour s’assurer de l’adéquation des espaces de formation proposés par les associations partenaires, ce qui pourrait impacter la qualité des formations dispensées, le degré d’attractivité pour les bénéficiaires et la rentabilité globale des projets", a fait savoir le Premier président de la Cour des comptes.

À cet égard, Mme El Adaoui a relevé que certains espaces de formation consistent en des appartements, des maisons résidentielles et des garages non aménagés pour accueillir des formations d’alphabétisation, soulignant que la proportion des espaces publics dédiés à ces formations n’a pas dépassé 18% du total des lieux déclarés pour l'année scolaire 2022/2023.

Et d'enchaîner, dans le même contexte, qu'il a été observé un faible taux de présence et d’assiduité des bénéficiaires des programmes d'alphabétisation dispensés par les organisations de la société civile.

"En effet, la moyenne de l'indice de présence a atteint environ 40% dans un échantillon de 14.263 classes, réparties sur 52 préfectures et provinces, inspectées sur le terrain par des bureaux d'études engagés à cet effet, durant la période 2019-2022", a-t-elle dit, ajoutant que la moyenne de l'indice d’assiduité dans la présence n'a pas dépassé 43%, ce qui risque de limiter l'impact des efforts déployés pour lutter contre l’analphabétisme.

Pour ce faire, la Cour a recommandé à l'Agence d’améliorer l'efficacité et l'efficience des programmes de lutte contre l'analphabétisme menés en partenariat avec les organisations de la société civile, afin de renforcer leur impact effectif sur la réduction du taux d'analphabétisme, notamment par la classification des organisations actives dans ce domaine et l'adoption de critères et procédures permettant de sélectionner des associations et des coopératives sérieuses, disposant des ressources humaines spécialisées et des compétences professionnelles nécessaires pour dispenser des formations en alphabétisation.
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