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L’importance pour le Maroc de son statut de « partenaire avancé » du FOPREL

Nouvelle avancée à inscrire dans le registre de la diplomatie parlementaire. Le Parlement marocain vient d’obtenir il y a quelques jours le statut de «partenaire avancé» auprès Forum des institutions législatives d’Amérique centrale, des Caraïbes et du Mexique. Il faut rappeler que depuis 2014, il était considéré comme «membre observateur permanent», Ce nouveau statut, bien plus qu’une simple distinction honorifique, confère au Royaume un accès privilégié aux instances décisionnelles d’une région stratégique d’un point de vue géopolitique. Il ouvre ainsi des perspectives considérables à l’action du Maroc dans la défense de ses intérêts supérieurs. Pour analyser les implications de cette évolution, nous avons interrogé Zakaria Abouddahab, professeur de relations internationales et de sciences politiques.

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La promotion du Maroc au rang de «partenaire avancé» du Forum des présidents des pouvoirs législatifs d’Amérique centrale, des Caraïbes et du Mexique (FOPREL) constitue une avancée importante en matière de diplomatie parlementaire et plus globalement de politique étrangère. Cette distinction, annoncée le 27 novembre 2024 au Parlement marocain lors de la 30e session extraordinaire du FOPREL, marque le passage du Maroc du statut d’observateur permanent, obtenu en 2014, à celui de partenaire, témoignant d’un engagement affermi envers la coopération Sud-Sud et d’une volonté renouvelée de tisser des liens plus étroits avec les pays de cette région. Elle atteste également une présence de plus en plus renforcée au sein de l’espace caraïbo-centraméricain.

Pour Zakaria Abouddahab, professeur de relations internationales et de sciences politiques, il ne s’agit pas d’une simple distinction protocolaire. Ce partenariat stratégique avec le FOPREL constitue un gain considérable pour le Royaume, consolidant son influence dans une région géopolitiquement cruciale. Invité à décrypter pour «Le Matin» les implications de ce nouveau statut, M. Abouddahab souligne que ce partenariat avec le FOPREL représente un atout majeur, s’inscrivant dans une politique de diversification des alliances et offrant de réelles opportunités économiques et géopolitiques. Cependant, la réussite de cette initiative repose sur une stratégie cohérente et une exploitation optimale des leviers diplomatiques et économiques disponibles, nuance-t-il.

Un accès privilégié aux instances décisionnelles



L’obtention du statut de partenaire avancé, dix ans après celui d’observateur permanent, confère au Maroc un «accès privilégié aux instances décisionnelles du Parlement», explique M. Abouddahab. «Cette coopération parlementaire est essentielle, car le pouvoir législatif joue un rôle crucial non seulement dans l’élaboration des lois, mais aussi dans le contrôle de l’action gouvernementale», précise-t-il. Le Maroc pourra ainsi être au fait des législations impactant ses relations avec la région, et même exercer «un droit de regard sur la vie parlementaire et, par extension, sur la dynamique politique de cette région d’influence». Pour lui, c’est une importante carte à jouer compte tenu des pays concernés, à savoir le Honduras, le Costa Rica, le Belize, le Mexique, le Panama et la République dominicaine.

L’Amérique latine n’est plus acquise à la cause du polisario comme par le passé. De plus en plus de pays de ce sous-continent découvrent enfin qu’ils avaient été induits en erreur pendant longtemps par un discours fallacieux et un matraquage idéologique sournois. Cette prise de conscience est due en grande partie à une diplomatie entreprenante et multidimensionnelle. Jadis fief incontesté du polisario, les pays d’Amérique latine sont de plus en plus nombreux en effet à se rendre à une évidence longtemps voilée par une propagande idéologique intense : ils ont été bernés par ce mouvement séparatiste qui se présente fallacieusement comme mouvement de libération. Or, le fait, est qu’il s’agit d’une entité fantomatique instrumentalisée par l’Algérie aux fins de nuire au Maroc et d’encalminer sa marche pour le progrès et la prospérité. Mais, malgré les avancées diplomatiques significatives réalisées notamment avec des partenaires stratégiques comme le Brésil, le Maroc doit encore relever des défis importants pour rallier certains pays à sa cause. Ce contexte exige une approche diplomatique renouvelée et pragmatique, capable de s’adapter aux particularités de chaque pays tout en contrant les discours idéologiques et historiques portés par les adversaires du Royaume et qui donnent toujours une certaine résonance à leur thèse. Le point sur les progrès réalisés, les efforts consentis et les défis encore à relever pour consolider les acquis et gagner l’adhésion de certains pays encore récalcitrants.

Diversification des alliances et nouvelle dynamique géopolitique



L’expert relève par ailleurs que ce type de partenariat s’inscrit dans une stratégie de diversification des alliances marocaines, initiée par S.M. le Roi Mohammed VI dès son accession au Trône. «Depuis 1999, la diversification des alliances et des partenariats correspond à la vision du Souverain en matière de politique étrangère, l’enjeu est de dépasser la dépendance par apport aux partenaires classiques du Royaume, notamment européens», souligne M. Abouddahab. L’Amérique latine, malgré des relations contrastées selon les pays, représente un axe stratégique majeur de cette politique d’ouverture. Le soutien croissant à la position marocaine sur le Sahara, notamment avec la suspension ou le retrait de la reconnaissance de la Rasd par certains pays de la région, témoigne de l’efficacité de cette approche.

«Lorsqu’on évoque l’Amérique latine, il est pertinent de considérer trois grands ensembles parlementaires : l’Amérique du Sud, l’Amérique centrale et l’Amérique latine dans son ensemble, qui regroupe plus de vingt pays. Cette définition inclut également une partie de l’Amérique du Nord, comme le Mexique, ainsi que les Caraïbes», explique l’expert. Cette approche globale ne peut qu’apporter des avantages stratégiques au Maroc, notamment sur le plan politique.

Par ailleurs, cette diversification des relations s’inscrit dans un cadre encore plus large, incluant le Sud global et la notion d’Atlantique Sud. «Des perspectives concrètes peuvent en émerger, telles que le développement de connexions maritimes directes et la coopération en matière de politique maritime». De même, l’interaction avec des blocs régionaux tels que le Mercosur et la Communauté andine renforcent la portée et l’impact de cette politique de diversification, fruit d’un investissement diplomatique constant et structuré de l’État marocain depuis plus de deux décennies.

Influence sur la question du Sahara à l’ONU ?



Le statut de partenaire avancé, bien qu’il ne se substitue pas à l’action de la politique gouvernementale officielle, constitue une «brique essentielle d’un édifice diplomatique». M. Abouddahab estime qu’il peut avoir «un impact positif sur la position du Maroc au sein des instances internationales, y compris l’ONU, notamment en ce qui concerne les discussions sur le Sahara». La synergie entre les pouvoirs exécutif et législatif dans la sous-région pourrait ainsi consolider la position marocaine et défendre plus efficacement son intégrité territoriale. L’appartenance de nombreux pays latino-américains à l’Organisation des États américains pourrait amplifier cet impact, ajoute-t-il.

Renforcer le plaidoyer sur le Sahara : une approche multiforme



Mais pour renforcer davantage sa stratégie d’influence, le Maroc doit aller au-delà des liens parlementaires. M. Abouddahab préconise une approche multiforme en mettant un accent particulier sur la dimension culturelle. D’où l’importance, selon lui, d’approfondir la connaissance des langues et des cultures locales, multiplier les visites bilatérales, créer des espaces culturels communs, encourager les échanges d’étudiants... «En consolidant nos liens culturels, nous pourrions établir un cordon vivant qui nous permettrait d’anticiper les défis à venir, de gagner des cœurs, et de renforcer nos positions et notre influence», affirme l’expert. «Cela doit s’inscrire dans une réflexion globale, orchestrée par une stratégie cohérente impliquant l’ensemble des ministères concernés», insiste-t-il.

Opportunités économiques et développement du Sahara



Au-delà des considérations liées à la défense de la première cause nationale, le nouveau statut octroyé au Maroc par la FOPREL offre des opportunités économiques à ne pas négliger. «Il est essentiel de ne pas se focaliser exclusivement sur le Sud marocain, qui demeure une priorité absolue, mais d’adopter une perspective d’ensemble. La diplomatie, en effet, repose sur une vision globale, où les retombées économiques peuvent également faciliter des avancées géopolitiques», relève M. Abouddahab. Il appelle ainsi à la dynamisation des investissements et à la recherche de synergies avec des pays comme le Mexique, dans un contexte où le Maroc se positionne comme une puissance régionale et continentale. M. Abouddahab souligne en outre l’importance de renforcer le pouvoir de négociation du Maroc pour encourager une coopération économique étroite. «Le format de cette coopération devra être défini en fonction de l’agenda gouvernemental et des priorités établies par celui-ci», poursuit l’analyste.

«Le plus important à mon sens est de bâtir des relations économiques solides et durables. Cela dépasse le simple échange commercial pour englober l’investissement à long terme, les flux de marchandises et les échanges humains (tourisme, etc.). Cette coopération favorise la connaissance mutuelle, essentielle pour que le Maroc émergent, acteur continental multidimensionnel, puisse pleinement bénéficier des relations avec l’Amérique latine, renforçant ainsi son statut et ses intérêts», soutient-il.

Et de conclure que le Maroc, qui bénéficie déjà de nombreux statuts similaires auprès d’autres organisations régionales, devrait mettre à profit ces partenariats pour défendre ses intérêts stratégiques. «En définitive, bien que les statuts d’observateur ou de membre permanent auprès de ces instances parlementaires soient d’une grande importance, il est crucial d’aller au-delà et de construire des synergies véritables».

Entretien avec le professeur de relations internationales et de sciences politiques

Zakaria Abouddahab : «Ce nouveau statut permet un rapprochement stratégique avec les présidents des pouvoirs législatifs des neuf pays membres du Parlement centraméricain et des Caraïbes»

L’importance pour le Maroc de son statut de « partenaire avancé » du FOPREL



Le Matin : Le Parlement marocain vient d’obtenir le statut de «partenaire avancé» au sein de ce FOPREL. Quelle est l’importance de statut pour le Maroc et quelles sont ses implications potentielles pour le Maroc dans ses relations avec les pays d’Amérique centrale ?

Zakaria Abouddahab :
L’élévation du Maroc au statut de partenaire avancé du Parlement centraméricain, dix ans après son accession au statut d’observateur permanent, marque un tournant significatif dans ses relations avec les pays de la région. Cette évolution lui confère un accès privilégié aux instances décisionnelles du Parlement, notamment au comité exécutif et aux commissions législatives. Il est important de noter que, bien que le Maroc ne puisse pas prétendre au statut de membre à part entière en raison de sa situation géographique, cette forme de collaboration revêt une importance géopolitique majeure.

Ce nouveau statut permet en effet un rapprochement stratégique avec les présidents des pouvoirs législatifs des neuf pays membres du Parlement centraméricain et des Caraïbes, facilitant ainsi une interaction directe entre les présidents du Parlement marocain et leurs homologues régionaux. Cette coopération parlementaire est essentielle, car le pouvoir législatif joue un rôle crucial non seulement dans l’élaboration des lois, mais aussi dans le contrôle de l’action gouvernementale. En ce sens, le nouveau statut du Maroc lui permettra de suivre de près et éventuellement d’influencer l’élaboration des législations ayant un impact sur ses relations économiques, commerciales, douanières et politiques avec la région.

Il ne faut pas non plus oublier que les élus d’aujourd’hui sont les décideurs de demain, et cette réalité souligne l’importance d’une vision stratégique à long terme. Le statut de partenaire avancé permettra ainsi au Maroc d’exercer «un droit de regard» sur la vie parlementaire et, par extension, sur la dynamique politique de cette région d’influence. Parmi les pays concernés figurent le Honduras, le Costa Rica, le Belize, ainsi que le Mexique, qui, bien qu’appartenant à l’Amérique du Nord, est également partie prenante de ce Parlement. Le Panama, qui a récemment suspendu sa reconnaissance de la prétendue Rasd, et la République dominicaine sont également des acteurs clés de ce groupement.

Dans quelle mesure ce partenariat conforte-t-il la dynamique de diversification des alliances diplomatiques du Maroc ?

Depuis 1999, la diversification des alliances et des partenariats a été un souhait constant de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, visant à dépasser une dépendance jugée excessive envers les partenaires traditionnels européens et africains. Cette ouverture, illustrée par le développement de relations avec les États-Unis, la Russie et la Chine, s’étend également à l’Amérique latine. Malgré des relations contrastées selon les pays – des liens économiques avancés avec le Brésil s’opposant à des rapports plus ténus avec l’Argentine, par exemple –, cette région représente un axe stratégique majeur.

La visite Royale de 2004 en Amérique latine a marqué le début d’un effort diplomatique soutenu, concrétisé par des progrès significatifs, notamment le soutien croissant à la position marocaine concernant le Sahara marocain, avec certains pays latino-américains suspendant ou retirant leur reconnaissance de la prétendue Rasd. Ce succès témoigne de l’efficacité d’une action diplomatique multiforme, Royale, gouvernementale et parlementaire.

Et lorsqu’on évoque l’Amérique latine, il est pertinent de considérer trois grands ensembles parlementaires : l’Amérique du Sud, l’Amérique centrale, et l’Amérique latine dans son ensemble, qui regroupe plus de vingt pays. Cette définition inclut également une partie de l’Amérique du Nord, comme le Mexique, ainsi que les Caraïbes. Cette approche globale ne peut qu’apporter des avantages stratégiques au Maroc, notamment sur le plan politique, en défendant son intégrité territoriale et en soutenant des initiatives comme le plan d’autonomie marocain.

Cette diversification des relations s’inscrit dans un cadre encore plus large, incluant le Sud global et la notion d’Atlantique Sud. Des perspectives concrètes peuvent en émerger, telles que le développement de connexions maritimes directes et la coopération en matière de politique maritime. Enfin, l’interaction avec des blocs régionaux tels que le Mercosur et la Communauté andine renforce la portée et l’impact de cette politique de diversification, fruit d’un investissement diplomatique constant et structuré de l’État marocain depuis plus d’une décennie.

Comment ce nouveau statut pourrait-il favoriser la position du Maroc dans son plaidoyer en faveur de la marocanité du Sahara ?

Comme vous le savez, le statut de partenaire avancé ne se confère pas directement par les gouvernements concernés, mais il représente un maillon dans une chaîne plus vaste, une brique essentielle d’un édifice diplomatique. De ce fait, il ne saurait être considéré comme un facteur isolé, mais plutôt comme une composante stratégique au sein d’une politique étrangère globale et d’une diplomatie de long terme. Comme je l’ai évoqué précédemment, ce statut offre l’opportunité de forger des alliances et de créer des réseaux d’amitié. Ainsi, il est tout à fait plausible que ce nouveau statut puisse exercer une influence, et même avoir un impact positif, sur la position du Maroc au sein des instances internationales, y compris l’ONU, notamment en ce qui concerne les discussions sur le Sahara.

Il convient toutefois de noter que l’influence parlementaire ne se substitue pas à celle des gouvernements. Néanmoins, si une synergie efficace s’établit entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif dans cette sous-région, le nouveau statut permettra au Maroc de consolider sa position et de défendre plus efficacement son intégrité territoriale au sein d’organisations telles que l’ONU. Il ne faut pas non plus perdre de vue que les États d’Amérique latine, ainsi que les pays américains en général, sont regroupés au sein de l’Organisation des États américains, ce qui pourrait amplifier le potentiel de cette nouvelle dynamique.

Quels leviers diplomatiques le Maroc pourrait-il utiliser pour renforcer son plaidoyer concernant le Sahara marocain dans le cadre de ce nouveau partenariat ?

À mon sens, pour s’ancrer efficacement dans une aire géoculturelle, il est primordial d’approfondir sa connaissance des langues et des cultures locales. Il est vrai que notre compréhension de cette région pourrait être enrichie. Établir des liens parlementaires entre le Maroc et les Parlements de cette zone serait un moyen pertinent d’améliorer notre connaissance mutuelle. Toutefois, cela ne suffira pas. Il est essentiel de multiplier les visites bilatérales, car ce contact direct favorise l’échange et la compréhension.

En outre, la création d’espaces culturels communs entre le Maroc et ces pays pourrait s’avérer bénéfique. Pourquoi ne pas envisager l’établissement d’une maison culturelle de l’Amérique centrale au Maroc, par exemple ? Les initiatives telles que l’échange d’étudiants sont également à encourager. Toutefois, cela doit s’inscrire dans une réflexion globale, orchestrée par une stratégie cohérente impliquant l’ensemble des ministères concernés, et pas uniquement le Parlement. En consolidant nos liens culturels, nous pourrions établir un cordon vivant qui nous permettrait d’anticiper les défis à venir, de gagner des cœurs et de renforcer nos positions et notre influence.

Quelles synergies peuvent être envisagées avec d’autres partenariats comme celui avec le Parlement d’Amérique centrale (Parlacen), ou encore le statut de membre observateur permanent auprès du Parlement latino-américain et caribéen (Parlatino) ?

À mon avis, il ne s’agit pas simplement d’accumuler des statuts. Le Maroc jouit d’un statut avancé auprès de l’Union européenne, ainsi que du statut de partenaire pour la démocratie auprès du Conseil de l’Europe. En 2014, le pays a également acquis un statut d’observateur auprès du Parlement d’Amérique centrale, ainsi que d’autres statuts similaires au sein du Conseil de coopération du Golfe et de l’ASEAN. L’enjeu véritable réside dans l’optimisation de ces positions pour défendre les intérêts stratégiques du Maroc, englobant des questions cruciales telles que la question du Sahara, ainsi que les enjeux sécuritaires, culturels, économiques et humains. Il est également pertinent de considérer le rôle de la diaspora marocaine qui réside dans ces régions.

Mais il reste essentiel de transcender la simple multiplication des statuts pour renforcer notre compréhension historique, culturelle, géopolitique, linguistique, anthropologique... des pays concernés. Cela appelle à une capacité d’optimisation de ces rôles en les traduisant en actions concrètes. La langue ne devrait pas constituer un frein à l’approfondissement des relations entre le Maroc et l’Amérique latine, qu’il s’agisse du monde hispanophone ou lusophone. Cette réflexion doit également s’étendre au-delà des relations bilatérales, en cherchant à établir des connexions avec d’autres espaces, tels que le monde arabe ou encore la péninsule ibérique, avec l’Espagne et le Portugal. Le Maroc est idéalement positionné pour jouer un rôle pivot dans cette dynamique.

Mohamed Badine El Yattioui, expert en relations internationales et professeur d’études stratégiques au Collège de défense nationale des Émirats arabes unis : «Une opportunité supplémentaire pour le Maroc pour faire avancer ses arguments concernant la question du Sahara»

L’importance pour le Maroc de son statut de « partenaire avancé » du FOPREL



Le Matin : Le Parlement marocain vient d’obtenir le statut de «partenaire avancé» au sein du FOPREL. Quelle est l’importance de ce statut pour le Maroc et quelles sont ses implications potentielles pour le Maroc dans ses relations avec les pays d’Amérique centrale ?

Mohamed Badine El Yattioui :
Le passage du Parlement marocain du statut de «membre observateur permanent», octroyé en 2014, à celui de «partenaire avancé», votée à l’unanimité par les membres du FOPREL, est une avancée significative pour le Royaume, qui est tout sauf symbolique. Elle assure aux élus du Royaume une présence permanente au sein du Forum afin de faire avancer la question du Sahara, en s’appuyant sur les élus panaméens et salvadoriens, et les projets de co-développement économique et commercial Sud-Sud par le biais de la diplomatie parlementaire.

Dans quelle mesure ce partenariat conforte-t-il la dynamique de diversification des alliances diplomatiques du Maroc ?

Le Maroc a deux objectifs en Amérique latine. Il cherche, à la fois une diversification de ses partenaires économiques, afin de renforcer sa position de porte d’entrée pour le marché africain, et des soutiens supplémentaires au plan d’autonomie des provinces du Sud. Le port de Dakhla est l’un des projets structurants permettant de conjuguer ces deux objectifs et de donner au Royaume le statut géopolitique et géoéconomique qu’il ambitionne. Ce statut nouveau au sein de ce Forum est très positif pour le Royaume, car chaque pays d’Amérique centrale élabore, bien évidemment, sa propre politique étrangère en fonction de ses intérêts spécifiques. La mise en place d’une stratégie diplomatique parlementaire cohérente et visant la défense et la promotion des intérêts cités ci-dessus permettra au Maroc de présenter la vision Royale à plusieurs pays au sein d’un seul et même espace de dialogue et d’échange.

Comment ce nouveau statut pourrait-il favoriser la position du Maroc dans son plaidoyer en faveur de la marocanité du Sahara ?

Ce nouveau statut pourrait bien entendu renforcer la position du Maroc au sein des instances internationales concernant le Sahara, car il lui donne une opportunité supplémentaire pour faire avancer ses arguments historiques, politiques et juridiques dans une région qui connaît peu ou mal ce conflit artificiel et dans laquelle une certaine idéologie a joué un rôle négatif depuis bientôt 50 ans.

Quels leviers diplomatiques le Maroc pourrait-il utiliser pour renforcer son plaidoyer concernant le Sahara marocain dans le cadre de ce nouveau partenariat ?

Parmi les leviers diplomatiques que le Royaume pourrait mettre en avant, il y a bien entendu les accords culturels, universitaires et commerciaux. Les phosphates ont également un rôle significatif à jouer comme levier de négociations, du fait du rôle central de l’OCP dans ce domaine sur le plan international. Le Maroc pourrait l’utiliser comme effet de levier du fait des besoins croissants qu’en ont les pays membres du Forum FOPREL, dans le domaine agricole notamment.

Quelles synergies peuvent être envisagées avec d’autres partenariats comme celui avec le Parlement d’Amérique centrale (Parlacen), ou encore le statut de membre observateur permanent auprès du Parlement latino-américain et caribéen (Parlatino) ?

La multiplication et le renforcement de la présence marocaine dans ces organisations est une nécessité absolue. Elles permettront de mettre en avant la vision Royale par le biais des canaux distincts que sont ces organisations interparlementaires. Ceci nécessite donc une collaboration étroite et solide entre les deux Chambres et un certain nombre de ministères. Le processus de consolidation des relations avec les Parlements d’Amérique latine est un choix stratégique pour le Maroc dans le cadre de la coopération Sud-Sud. Pour que cela soit efficace, le profil des parlementaires est capital pour mieux analyser les enjeux et défendre avec efficience la cause nationale. La création du Forum parlementaire afro-latino-américain «AFROLAC», en 2019, en est un autre exemple. Il est aussi impératif de sortir de cette vision de l’Amérique latine comme étant un ensemble cohérent. Il faut affiner l’analyse, en ayant une approche spécifique par ensemble sous-régionaux latino-américains et par pays, conjuguée à une capacité d’action pour pouvoir promouvoir les intérêts du Maroc et au premier plan la question du Sahara.

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