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L’inflation peut se ralentir mais elle est irréversible (expert)

Les Marocains qui espèrent une baisse significative des prix devront certainement tempérer leurs attentes. La cherté de la vie est désormais perçue comme une réalité durable et inévitable. Même si l'accélération de l'inflation pourrait ralentir, une véritable diminution des prix semble peu probable, selon le professeur Fouzi Mourji, expert en économétrie. Lors de son passage dans l'émission «L’Info en Face» du Groupe «Le Matin», il a livré une analyse éclairante sur les interactions entre l'offre, les salaires et leur influence sur le pouvoir d'achat, soulignant ainsi la complexité des relations entre inflation, rémunération et chômage.

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«Il semble que l'inflation soit en passe de s'installer durablement dans notre économie, annonçant des défis persistants tant pour les consommateurs que pour les entreprises. Nous avons franchi un nouveau palier concernant notre niveau d'inflation. Bien que nous espérions rester autour d'un taux modestement stable, idéalement autour de 2%, il est peu probable que les prix baissent», souligne Fouzi Mourji, professeur d’économétrie à l’Université Hassan II. Intervenant lors de l’émission «L’Info en Face» du Groupe «Le Matin», l’économiste affirme que l'inflation est un phénomène généralement irréversible une fois qu’il s’est implanté, mais qu’il est possible de constater un ralentissement dans la hausse des prix au fil du temps. Cela signifie que, même si le rythme d'augmentation peut diminuer, les niveaux de prix eux-mêmes ne sont pas nécessairement appelés à reculer.



Cette distinction peut sembler complexe. C'est la raison pour laquelle l'expert insiste sur l'importance de réexaminer les concepts fondamentaux pour mieux appréhender la conjoncture économique actuelle. Dans ce sens, il explique que le taux d’inflation est un indicateur qui mesure les variations de prix, reflétant le rythme auquel ces derniers augmentent, alors que le niveau des prix représente la valeur totale des biens à un moment donné.


Pour illustrer son propos, il prend l'exemple du prix de la banane. De 1990 à récemment, le kilogramme de bananes a été stable à 10 dirhams. Cependant, en seulement deux ans, ce prix a grimpé à 15, 18, puis 20 dirhams. Bien qu'il soit revenu à des niveau plus bas, se stabilisant à environ 13 dirhams, cela représente toujours une augmentation de 30% par rapport à la valeur initiale. Si en 2025 le prix se stabilise à 14 dirhams, cela signifiera une augmentation d’un peu plus de 7% par rapport à 2024. Ainsi, on peut voir que la hausse des prix a ralenti, mais que les prix n’ont pas reculé pour autant.

Doit-on augmenter l'offre pour faire baisser les prix ?

La réponse à cette question, selon notre expert, est nuancée. Bien qu’une offre accrue sur un marché puisse initialement attirer des investisseurs et stimuler l’activité, cela ne garantit pas une réduction des prix, relève-t-il. Au contraire, lorsque les marges bénéficiaires sont perçues comme attrayantes, l'offre peut se stabiliser à un prix plus élevé. Ainsi, il est crucial de faire la différence entre les marges bénéficiaires et le volume de la demande, cette dernière étant notamment influencée par la croissance démographique.
En somme, il est complexe d'affirmer que le renforcement de l'offre conduit inexorablement à une baisse des prix. N’empêche qu’encourager une offre accrue peut être bénéfique, car cela répond à la nécessité d'une production accrue. À condition que cela se fasse dans le respect des règles de concurrence pour éviter la formation de pratiques anticoncurrentielles typiques des marchés oligopolistiques, signale l’économiste.

Qu’en est-il de l'idée de donner la priorité au marché intérieur ?

Cela reste discutable, répond notre expert. Selon lui, privilégier le marché intérieur au détriment des exportations pour faire baisser les prix n’est pas forcément viable. Les exportations sont essentielles pour accumuler des réserves de change indispensables aux importations. De plus, poursuit-il, il serait difficile de contraindre les acteurs économiques à diriger leur production uniquement vers le marché intérieur. Ceux-ci doivent conserver la liberté de choisir leurs débouchés en fonction de la rentabilité, conclut l’économiste.

L'indexation des salaires plutôt qu'une simple augmentation

Face à l'inflation, les revendications d’augmentation salariale se font de plus en plus entendre comme un moyen pour préserver le pouvoir d'achat. Fouzi Mourji, tout en reconnaissant la légitimité de ces attentes, insiste sur l'importance d'un partage équitable des ressources. «Au sein du prix d'un produit, plusieurs éléments doivent être pris en compte : la rémunération du travail, le retour sur investissement et le risque impliqué. Ainsi, lorsque les prix augmentent, il est normal que chacun reçoive sa part des bénéfices», explique-t-il.
Cependant, il précise que maintenir le pouvoir d'achat ne nécessite pas toujours l'augmentation nominale des salaires, mais plutôt leur indexation sur l'évolution des prix. Ce mécanisme, qui se base sur des indices économiques objectifs, ajuste les salaires en fonction de l'inflation, ce qui signifie que le pouvoir d'achat des travailleurs est préservé. Cela est particulièrement important dans les périodes de hausse des prix, où une simple augmentation salariale pourrait ne pas suffire à compenser la perte du pouvoir d'achat.

chômage, inflation et salaires : une boucle dynamique qui complique la donne

Toujours dans ce contexte, des mesures gouvernementales, telles que l’augmentation du salaire minimum, peuvent stimuler l'économie, mais elles comportent également des risques d’effets indésirables, notamment une probable montée de l'inflation et des répercussions sur l'emploi. Une hausse des salaires tend effectivement à inciter les consommateurs à dépenser davantage. Si cette consommation dépasse l'offre, cela peut créer une pression inflationniste, poussant les entreprises à augmenter leurs prix pour rétablir l'équilibre. En parallèle, une inflation élevée incite les travailleurs à revendiquer des augmentations de salaires pour pallier la perte de pouvoir d'achat, créant potentiellement ainsi une spirale inflationniste où salaire et prix s'accroissent mutuellement.
La relation entre l'augmentation des salaires et le chômage mérite également d'être examinée. Si les salaires deviennent trop élevés par rapport aux attentes des employeurs, cela pourrait mener à des réductions d'effectifs ou à un ralentissement des recrutements, accentuant ainsi le chômage. Une interconnexion existe également entre la hausse des salaires et l’augmentation du chômage. Si les salaires dépassent le niveau que les employeurs sont disposés à payer, certaines entreprises peuvent être amenées à réduire leurs effectifs ou à ralentir leurs embauches pour contrôler leurs coûts, accentuant ainsi le chômage.

La courbe de Phillips

Fouzi Mourji fait référence à la courbe de Phillips, qui établit une liaison entre chômage et inflation : un taux de chômage élevé est généralement associé à une faible augmentation des salaires, tandis qu'un faible taux de chômage entraîne une hausse rapide de ceux-ci. Bien que stimuler la demande pour diminuer le chômage puisse mener à une inflation modérée, cette stratégie comporte des limites, comme l’a démontré la stagflation des années 1970, où le chômage et l'inflation coexistaient à des niveaux élevés.

En somme, l'analyse de Fouzi Mourji met en lumière les défis complexes auxquels le Maroc est confronté, tant en matière d'inflation que de pouvoir d’achat, soulignant l'importance d'une approche multi-dimensionnelle pour comprendre et naviguer dans le paysage économique actuel.
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