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Maroc-Afrique du Sud : le Parti MK soutient le Maroc sur la question du Sahara

Dans un développement potentiellement significatif pour les relations entre le Maroc et l’Afrique du Sud, le parti sud-africain Umkhonto weSizwe (Parti MK) a récemment dévoilé une position qui plaide fermement pour un renforcement des liens bilatéraux avec le Maroc et qui exprime un soutien explicite à la marocanité du Sahara. Cet appui, basé sur des considérations de légitimité historique et de stabilité régionale, constitue un signal fort dont les implications potentielles pourraient redessiner le paysage diplomatique continental. Les détails.

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Le parti sud-africain Umkhonto weSizwe (MK) a récemment pris une position potentiellement décisive pour les relations entre le Maroc et l'Afrique du Sud. Dans un document-plaidoyer publié récemment, le parti fondé par l’ancien président Jacob Zuma se range aux côtés de nombreux pays africains et internationaux sur la question du Sahara marocain, tout en s'écartant du consensus diplomatique traditionnel de l'Afrique du Sud sur ce dossier sensible.

«Notre parti reconnaît le contexte historique et juridique qui sous-tend la revendication du Maroc sur le Sahara occidental. La région a longtemps fait partie du Maroc, avant et après l'occupation coloniale des Espagnols, et la souveraineté du Maroc sur celle-ci doit être respectée», indique le parti dans son document intitulé «Afrique du Sud et Maroc : un partenariat stratégique pour l'unité africaine, l'émancipation économique et l'intégrité territoriale».


La légitimité historique comme argument de base...

Dans un rappel du contexte historique et juridique, le Parti MK souligne que le Sahara marocain faisait déjà partie intégrante du Maroc avant la colonisation espagnole et que la revendication marocaine, enracinée dans l'allégeance tribale, est antérieure à cette période. Il mentionne également la Marche Verte de 1975 comme un acte de décolonisation pacifique et une déclaration des liens historiques entre le Maroc et son Sahara. «Plus de 350.000 Marocains non armés sont entrés au Sahara pour revendiquer leur terre – un mouvement de libération unique et non violent soutenu par les précédents historiques et la diplomatie internationale, y compris parmi les pays africains», lit-on dans le document.

Selon le Parti MK, les efforts du Maroc pour recouvrer son intégrité territoriale résonnent particulièrement en Afrique du Sud, notamment face aux défis internes menaçant sa propre unité territoriale. Les deux nations partageraient également un engagement fort envers le rôle des Nations unies et de l'Union africaine, favorisant des solutions africaines aux problèmes continentaux.


... et l'Initiative d'autonomie comme seule solution

Concernant les perspectives de règlement du conflit artificiel autour du Sahara, le Parti MK considère l'Initiative d'autonomie proposée par le Maroc comme «la seule solution». Cette proposition est vue comme permettant une gouvernance locale significative par le peuple sahraoui tout en garantissant la souveraineté du Maroc sur la région.

«Le Parti Umkhonto weSizwe croit fermement que toute solution doit tenir compte des intérêts de toutes les parties concernées, y compris le Maroc et la population sahraouie. À cet égard, le plan d'autonomie pourrait éventuellement être une alternative réaliste et un moyen de mettre fin à la souffrance et à l'instabilité dans cette région. La poursuite continue d'un règlement négocié, sous la souveraineté du Maroc, est raisonnablement la voie vers la paix et la réconciliation au Sahara occidental», relève-t-on.

À ce titre, le parti exhorte la communauté internationale à soutenir la proposition marocaine comme un moyen efficace d'assurer paix, stabilité et prospérité pour le peuple du Sahara marocain, et appelle les peuples d'Afrique à soutenir les efforts visant à résoudre ce différend de longue date de manière juste et équitable, tout en honorant les droits et aspirations du peuple sahraoui dans le cadre de l'intégrité territoriale du Maroc.


Une «feuille de route» pour un «partenariat stratégique»

Dans le cadre de sa nouvelle position, le parti MK plaide pour un renforcement des liens bilatéraux avec le Royaume. Cette proposition, présentée comme une feuille de route pour un partenariat stratégique, repose sur des principes partagés et une vision commune pour l'avenir du continent africain. Le Parti MK souligne que cette alliance potentielle serait fondée sur le respect mutuel, la souveraineté, l'intégrité territoriale et l'unité africaine. L'identité du parti, profondément ancrée dans la lutte pour la libération en Afrique du Sud, trouve des parallèles historiques avec la résistance du Maroc à la domination coloniale et sa quête d'unité nationale. Il est rappelé que le Maroc a joué un rôle crucial en soutenant l'Afrique du Sud dans sa lutte pour la libération, étant le premier pays à fournir un soutien financier et militaire à Umkhonto weSizwe dès 1962.

Sur le plan géopolitique, le Parti MK estime que l'Afrique du Sud et le Maroc, guidés par leurs intérêts nationaux, ont une lourde responsabilité dans la défense des intérêts de l'Afrique. Ils sont décrits comme des contributeurs clés aux efforts de maintien de la paix et soutiennent une diplomatie multipolaire ainsi que la réforme des institutions internationales pour mieux refléter les voix africaines. L’autre préoccupation commune concerne la déstabilisation causée par des agendas séparatistes soutenus par des «acteurs extérieurs visant à affaiblir le continent».

Le potentiel économique intra-africain est un autre un pilier central de la proposition du MK. Le parti met en avant la synergie possible entre l'Afrique du Sud, décrit comme le plus grand investisseur du continent, et le Maroc, le deuxième investisseur en Afrique. Ensemble, ils pourraient libérer un potentiel commercial «énorme», notamment dans le cadre de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf). Cette coopération économique viserait à réduire la dépendance extérieure, créer des emplois, soutenir les populations les plus pauvres et renforcer l'autonomie, en particulier dans les domaines de la sécurité alimentaire et de l'agriculture. Des échanges culturels et sociaux sont également encouragés, mettant en avant la diversité des deux nations pour promouvoir l'identité africaine, les échanges de jeunes, la réconciliation historique et les initiatives éducatives afro-centriques.

La «feuille de route commune» proposée pour renforcer les relations inclut plusieurs domaines clés : la coopération diplomatique pour des positions communes à l'ONU et l'UA, le développement économique avec des co-entreprises et la signature d'un accord de libre-échange, la coordination en matière de paix et sécurité, des programmes d'éducation et de recherche, et la diplomatie culturelle. Le Parti MK conclut que cette alliance entre l'Afrique du Sud et le Maroc marquerait un chapitre important de la «renaissance africaine», construisant un avenir meilleur «par les Africains et pour les Africains».

Yassine El Yattioui : «Ce revirement révèle un repositionnement diplomatique probable à moyen terme sur la question du Sahara»

Maroc-Afrique du Sud : le Parti MK soutient le Maroc sur la question du Sahara
Yassine El Yattioui.



Avec la nouvelle position du parti Umkhonto weSizwe (MK), le paysage politique sud-africain n'est plus unifié sur la question du Sahara marocain. Ce soutien explicite, ajouté à l'ambiguïté de l’Alliance démocratique (DA) et la perte d'influence du Congrès national africain (ANC), convergent vers une fragilisation de la position historique de Pretoria. Cette divergence marque un tournant notable et pourrait avoir des conséquences importantes sur les dynamiques de la région, notamment en remettant en question les équilibres politiques et stratégiques existants. Décryptage avec Yassine El Yattioui, enseignant-chercheur à l'Université Lumière Lyon 2, secrétaire général et chercheur associé à «NejMaroc», le Centre marocain de recherche sur la globalisation.

La diplomatie sud-africaine est à un tournant concernant le dossier du Sahara marocain. Traditionnellement source de tensions entre Rabat et Pretoria, cette question connaît aujourd'hui une évolution notable avec la position exprimée par le parti Umkhonto weSizwe (MK) qui appelle à un partenariat stratégique fort entre l'Afrique du Sud et le Maroc, fondé sur des valeurs partagées comme la souveraineté, l'intégrité territoriale et l'unité africaine.

Selon Yassine El Yattioui, enseignant-chercheur à l'Université Lumière Lyon 2 et secrétaire général «NejMaroc», cette prise de position n'est pas seulement une appréciation historique, mais témoigne d'un changement structurel dans les rapports de force internes à la politique étrangère sud-africaine. «Ce revirement révèle un repositionnement diplomatique probable à moyen terme», avance l’expert, ajoutant que la sortie du MK confirme l'essoufflement d'une solidarité idéologique héritée de la Guerre froide.

«Désormais, des formations politiques émergentes, mais influentes, interrogent cette lecture manichéenne de la géopolitique africaine et soulignent le caractère artificiel du conflit autour du Sahara marocain, alimenté essentiellement par une volonté algérienne de déstabilisation régionale», indique-t-il.

Vers un renversement de la position historique de Pretoria ?

L’expert affirme que l’émergence du parti uMkhonto weSizwe (MK), en tant que troisième force à la Chambre basse, marque un bouleversement important dans l’échiquier sud-africain. En affichant ouvertement son soutien à la marocanité du Sahara, le MK s'écarte radicalement de la position diplomatique officielle du Congrès national africain (ANC), le parti qui domine la vie politique du pays depuis 1994.

La position de l’Alliance démocratique (DA), deuxième parti sud-africain, est également à considérer. Bien qu’il n’ait pas explicitement pris position en faveur du Maroc, le parti qui représente principalement la classe moyenne et la minorité blanche n’a pas non plus manifesté de soutien affirmé au polisario. Cette sorte de neutralité peut être interprété comme une prise de distance vis-à-vis de la ligne traditionnelle de l’ANC, en perte de vitesse, affirme notre analyste.

«L’absence de soutien explicite des grandes formations politiques sud-africaines au projet séparatiste algérien isole de plus en plus le pouvoir actuel. En 2024, l’ANC a obtenu à peine 40,2% des voix, perdant pour la première fois sa majorité parlementaire depuis 1994. Cette défaite symbolique, combinée aux critiques internes sur sa gestion des affaires étrangères, notamment sur la question du Sahara marocain, pourrait à terme le pousser à réévaluer sa position pour ne pas s’aliéner une frange croissante de l’électorat et des partenaires internationaux», ajoute-t-il. Dans ce contexte, le parti présidentiel sud-africain se trouve en situation de fragilité politique sur le plan interne, mais aussi en isolement diplomatique sur le plan international.

Une volonté de saisir un «momentum diplomatique» favorable au Maroc ?

Selon M. El Yattioui, Pretoria serait de plus en plus inquiète quant à la perspective de voir le dossier du Sahara marocain entériné de manière plus décisive au niveau des Nations unies. Il rappelle que le prochain sommet du Conseil de sécurité, prévu pour octobre prochain, pourrait marquer un tournant historique, d’autant qu’il précédera de quelques jours le 50e anniversaire de la Marche Verte, événement symbolique de l’attachement indéfectible du peuple marocain à ses provinces du Sud. «Une telle conjonction d’événements renforce l’idée d’un momentum diplomatique favorable au Maroc, dont l’impact pourrait reconfigurer les rapports de force au sein du Conseil de sécurité où désormais la majorité soutient la position marocaine (États-Unis, France et Royaume-Uni) et marginaliser encore davantage les positions jusqu’alors défendues par l’Afrique du Sud et l’Algérie», avance l’expert.

D’autant que l’isolement croissant de l’ANC sur le dossier du Sahara marocain se manifeste de manière de plus en plus prononcée au sein des forums internationaux. M. El Yattioui explique que l’Afrique du Sud, membre historique des BRICS, se retrouve en porte-à-faux face à certains partenaires de cette organisation qui, à l’instar de la Chine ou de l’Inde, adoptent une posture de neutralité ou de coopération accrue avec le Maroc.

Le parti au pouvoir est d’ailleurs fortement critiqué sur sa politique étrangère, jugée dogmatique et éloignée des réalités géopolitiques actuelles. «Face à un électorat en quête de pragmatisme, et dans un environnement international marqué par des logiques de développement et d’intégration régionale, il n’est pas exclu que l’ANC soit contraint de réajuster ses positions pour demeurer crédible sur la scène intérieure et extérieure», soutient M. El Yattioui.

Par ailleurs, l’Afrique du Sud voit sa position de leader du Sud global menacée par une diplomatie marocaine plus agile et diversifiée. L’approche marocaine, qui s’inscrit dans une vision de co-développement, est largement salué par de nombreuses institutions internationales, contredisant ainsi «les discours alarmistes véhiculés par le narratif algéro-polisarien», comme le souligne notre analyste.

«Pour sa part, l’Algérie voit se réduire peu à peu son espace diplomatique. Le soutien constant de Pretoria au Polisario représentait un pilier de sa stratégie africaine. Si l’Afrique du Sud venait à adopter une position plus nuancée ou favorable au Maroc, ce serait un revers considérable pour Alger. Le risque est d’autant plus grand que les équilibres internationaux se redéfinissent», note-t-il.
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