Le Matin : Comment évaluez-vous la stratégie «Maroc numérique 2030», et ce au regard des attentes des entreprises et des acteurs des technologies de l’information au Maroc ? Pensez-vous que ces objectifs correspondent véritablement aux besoins du marché marocain ?
Hicham Chiguer : Cette stratégie a été conçue pour répondre à la dynamique actuelle et anticiper les évolutions nécessaires. Nous pensons qu’elle est essentielle pour le Maroc, car elle permet de définir une vision, de fixer un cap et de prioriser les actions à mener à l’horizon 2030.
L’Association des utilisateurs des systèmes d’information au Maroc (Ausim) a joué un rôle actif dans ce processus depuis le début, en collaboration avec le ministère de tutelle. Nous avons été sollicités sur l’ensemble des volets de cette stratégie. Nous estimons que tous les ingrédients nécessaires ont été intégrés dans cette stratégie : qu’il s’agisse de l’administration électronique (E-Gov), de l’entrepreneuriat innovant, des startups, des talents digitaux, ou encore des infrastructures comme le Cloud. Par ailleurs, un effort particulier a été fait sur des technologies transversales comme l’intelligence artificielle, qui imprègne l’ensemble des dispositifs et projets envisagés.
Il est également crucial de souligner que cette stratégie a été co-construite. Nous avons travaillé main dans la main avec le ministère, les fédérations et les associations professionnelles pour aboutir à une vision collective. Ce consensus est essentiel, car il garantit un plan d’action clair, accompagné d’une commission nationale, présidée par le Chef du gouvernement, qui veille à son suivi et à sa mise en œuvre.
Vous avez mentionné le cadre réglementaire, notamment en ce qui concerne la protection des données. Comment évaluez-vous cet aspect, aujourd’hui, dans le contexte de la stratégie numérique ?
La stratégie est accompagnée d’un Budget pour plusieurs projets déjà validés, notamment dans le cadre de la Loi de Finances 2025. C’est une avancée notable, notamment pour le financement des PME, le développement des talents numériques, et d’autres initiatives comme «JobInTech». Lancée il y a un an en phase pilote, cette dernière a prouvé son efficacité et est désormais généralisée.
Toutefois, il est important de reconnaître que les ressources financières restent limitées par rapport à l’ampleur des ambitions. Le Maroc traverse également des défis socio-économiques et gère simultanément plusieurs chantiers stratégiques. Notre rôle est donc de montrer comment le numérique peut soutenir ces priorités nationales.
Pour ce qui est de l’administration électronique (iGov), par exemple, il s’agit d’un vaste chantier qui existe depuis longtemps, mais avance lentement. Aujourd’hui, nous constatons une volonté d’accélération, mais il faut s’assurer que cela se fasse de manière structurée, en prenant en compte le parcours du citoyen de bout en bout pour une véritable transformation numérique.
Accélérer le processus ne risque-t-il pas de reproduire les erreurs passées, comme celles observées avec le programme «10.000 Ingénieurs par an» et ses résultats mitigés ?
Vous avez raison, et c’est pourquoi le fine-tuning est essentiel. Une bonne stratégie sur papier ne suffit pas, c’est sa mise en œuvre qui compte. Par exemple, avec «JobInTech», nous parlons de formations courtes (4 à 8 mois), certifiantes plutôt que diplômantes, afin de répondre aux besoins immédiats des entreprises. Ce changement de paradigme vise à former des compétences opérationnelles rapidement, plutôt que d’attendre plusieurs années pour des cursus qui pourraient devenir obsolètes. L’objectif est ambitieux : Former 100.000 personnes par an à l’horizon 2030.
Cependant, la gouvernance et le suivi restent des défis majeurs. Il est impératif d’évaluer et d’adapter régulièrement les cursus, car les technologies évoluent rapidement. Ce processus d’adaptation constante permettra d’éliminer les formations obsolètes et de rester alignés avec les besoins du marché.
Sur le plan réglementaire, le Maroc accuse un certain retard par rapport à d’autres pays, notamment en ce qui concerne des technologies comme l’intelligence artificielle. Comment peut-on rattraper ce retard ?
Alors, la bonne nouvelle, c’est que la nouvelle ministre vient d’une institution spécialisée dans la gestion de l’intelligence artificielle. Maintenant, est-ce que l’intelligence artificielle a été évoquée dans la stratégie ? Oui, mais de manière transversale. Aujourd’hui, il est impossible de se passer de cette nouvelle technologie. Notre positionnement est clair : l’IA doit faire partie intégrante des actions à mener. Cependant, faut-il élaborer une stratégie nationale dédiée à l’IA, comme l’ont fait certains pays africains et d’autres nations avancées ? Pourquoi pas ? Mais l’essentiel est ailleurs : il s’agit de mener des cas d’usage réels pour évaluer la faisabilité de l’IA dans un domaine donné, comme l’agriculture ou la santé. Ces expériences permettront de mesurer les gains de productivité ou de performance, et de généraliser les résultats au niveau sectoriel ou national.
Plutôt que de consacrer deux ans à concevoir une stratégie, il est plus pertinent de montrer des réalisations concrètes : par exemple, démontrer que l’IA a permis une amélioration de 20 à 30% de la productivité dans un secteur. Ainsi, après avoir pris le temps d’élaborer une stratégie nationale pour le numérique à l’horizon 2030, il est temps de passer à l’action et à la mise en œuvre. C’est ce que tout le monde attend désormais.
Cela touche aussi au domaine de la Recherche & Développement, un secteur où le Maroc reste faible. L’investissement y est quasi nul. Comment y remédier ?
Vous soulevez un point critique. L’un des indicateurs de maturité d’un pays est le pourcentage investi dans la Recherche & Développement (R&D). Malheureusement, le Maroc y consacre très peu de moyens, alors qu’il faudrait le voir comme un investissement. Par le passé, des propositions ont été faites pour introduire, par exemple, des crédits d’impôt en faveur des entreprises, à l’image de ce qui existe en Europe. L’objectif était d’encourager les entreprises à investir davantage dans la R&D. Malheureusement, ce dispositif n’a pas encore vu le jour en raison de certaines contraintes. Si nous ne pouvons pas l’implémenter, il faudrait envisager des alternatives pour donner aux entreprises les moyens de s’impliquer dans la R&D. Certaines grandes entreprises technologiques consacrent jusqu’à 30 à 50% de leur chiffre d’affaires à la R&D, car c’est grâce à cela qu’elles innovent et développent de nouveaux produits.
À l’échelle nationale, si nous arrivons déjà à investir 2% du PIB dans la R&D, ce serait un bon début. Mais, pour l’instant, nous en sommes encore loin. Qu’en est-il de l’inclusion numérique et de l’accès au digital pour toutes les couches sociales, y compris dans les régions éloignées ?
L’inclusion numérique est bien intégrée dans la stratégie, avec des actions spécifiques à mettre en œuvre. Une initiative intéressante, «Dwar by Ausim», a été lancée pour expérimenter l’inclusion numérique. Le programme a démarré dans une région rurale et vise à rapprocher les citoyens des services universels grâce au digital. L’objectif est de tirer des enseignements de ce pilote pour l’étendre à d’autres régions ou villages.
Aujourd’hui, nous ne pouvons pas parler de digitalisation sans inclusion numérique. Sinon, nous risquons d’accentuer le fossé entre les citoyens connectés et ceux qui sont «des analphabètes digitaux». Il est donc essentiel de développer des plateformes numériques tout en formant et en sensibilisant les citoyens, afin qu’ils puissent les utiliser, où qu’ils se trouvent dans le Royaume.
Et qu’en est-il de la 5G ?Je suis partagé concernant la 5G. Il y a deux angles principaux pour aborder ce sujet. D’un côté, la 5G représente une tendance mondiale et répond à des besoins spécifiques dans certains secteurs pointus, mais elle n’est pas indispensable pour tous. Ainsi, la 4G couvre déjà amplement les besoins du grand public en termes de services et de prestations. La 5G, quant à elle, s’adresse à des usages de niche nécessitant des performances accrues pour des applications bien précises. Sans entrer dans les détails techniques, il est crucial de se positionner sur ces niches si nous souhaitons saisir ces opportunités.
L’autre avantage de la 5G, c’est de suivre la tendance internationale et de préparer le terrain pour les technologies futures, comme la 6G ou la 7G. Être en retard par rapport à certaines nations pourrait nous désavantager sur le plan de la compétitivité technologique. Cependant, il est important de noter que les besoins réels en 5G ne représentent qu’environ 5 à 10% des besoins globaux du Royaume.
Le second angle d’analyse concerne la gestion des priorités. Si le Maroc dispose d’un budget limité et doit choisir ses investissements stratégiques, il serait peut-être plus judicieux de consacrer ces fonds à des projets qui touchent directement la majorité de la population. Par exemple, renforcer les services universels, développer des plateformes numériques inclusives ou améliorer l’accès à Internet dans les zones rurales pourrait avoir un impact plus large et immédiat.
Pensez-vous que le déploiement de la 5G pourrait amplifier les gaps et avoir des répercussions plus larges à terme ?
Absolument. Selon les annonces, la 5G devrait être lancée d’ici l’année prochaine, avec une couverture nationale atteignant 70% d’ici 2030. Cela coïncidera avec des événements mondiaux importants, comme le Mondial 2030, ce qui est positif pour notre visibilité et notre préparation technologique.
Toutefois, je tiens à souligner que la 5G ne devrait pas être une priorité absolue. Elle constitue avant tout une plateforme technologique qui ouvrira la voie à d’autres innovations à long terme. Mais si nous devons prioriser, il serait sage d’allouer les budgets aux services universels et aux plateformes numériques qui touchent un large spectre de la population.
Cela soulève la question de l’équilibre entre préparer l’avenir technologique et répondre aux besoins immédiats. Exactement. Heureusement, il existe des portefeuilles budgétaires distincts pour les différents investissements. Le projet de la 5G est lancé, et c’est une bonne chose. Cependant, nous devons veiller à ce que les priorités fondamentales, comme l’extension des services publics numériques ou l’amélioration de la connectivité, ne soient pas négligées. L’essentiel est de progresser dans toutes les directions pertinentes, sans sacrifier les projets à fort impact social au profit des technologies de niche.
Comment le partenariat public-privé peut-il contribuer à atteindre les objectifs de la stratégie numérique 2030 ?
Aujourd’hui, l’écosystème marocain bénéficie d’une meilleure coordination entre les acteurs publics et privés. Pour que cette dynamique continue, il est crucial de mettre en place des instances de gouvernance, de suivre les plans d’action et d’ajuster les priorités chaque année en fonction des besoins des entreprises et des citoyens. La stratégie numérique 2030 fixe un cap, mais les plans d’action qui sont annuels selon les Projet de loi de Finances (PLF) doivent être flexibles et adaptés chaque année au contexte du pays.
Quelles sont les technologies qui devraient être prioritaires pour la mise en œuvre de cette stratégie ?
L’intelligence artificielle, notamment l’IA générative, doit être une priorité. Depuis l’émergence de technologies comme ChatGPT, de nombreux secteurs ont vu une rupture technologique. Le Maroc doit encourager les entreprises à expérimenter des cas d’usage concrets. Par exemple, une entreprise peut tester l’IA sur un domaine précis pour en évaluer la valeur ajoutée avant de généraliser son usage. La cybersécurité est une autre priorité. Avec l’augmentation des menaces numériques, les entreprises marocaines commencent à investir davantage pour protéger leurs actifs et leurs données sensibles. Ces deux axes – IA et Cybersécurité – sont essentiels pour accompagner la transformation numérique du Maroc.
Je m’adresse particulièrement aux acteurs du secteur privé, qui disposent de la flexibilité nécessaire pour avancer plus rapidement. Aujourd’hui, nous avons l’opportunité d’atteindre un niveau de maturité technologique comparable à celui des entreprises les plus avancées. Les technologies sont accessibles, mais cela requiert une volonté d’investissement accrue. C’est pourquoi je lance un appel aux entreprises pour qu’elles se lancent dans des projets pilotes concrets. Identifiez une verticale, un métier précis, ou une problématique spécifique où vous percevez une réelle opportunité : amélioration des performances, optimisation des coûts, ou encore augmentation de la satisfaction client. Testez ces idées à travers un pilote.
Un projet pilote offre un cadre d’expérimentation à moindre coût, permettant de valider ou d’invalider une approche avant d’engager des ressources importantes. Par exemple, un échec à hauteur de 100.000 ou 150.000 dirhams, pour une grande entreprise, est un risque mesuré, bien moindre qu’un projet à plusieurs millions de dirhams qui pourrait échouer après des années de travail. En quelques mois seulement, un pilote peut révéler des résultats probants, justifiant une expansion du périmètre ou un passage à un projet de plus grande envergure.
Il est crucial de ne pas craindre l’échec dans cette démarche. Chaque échec est une opportunité d’apprentissage qui évite des erreurs coûteuses à plus grande échelle. Le cycle est simple : testez, évaluez, ajustez, puis passez à l’étape suivante.
Parallèlement, il est impératif de sécuriser les actifs numériques des entreprises. La cybersécurité est devenue un enjeu critique, et il est encourageant de constater une prise de conscience croissante à ce sujet au sein des entreprises marocaines. Les investissements dans ce domaine augmentent, reflétant une volonté de protéger les données sensibles et de garantir la pérennité des activités.
En somme, il s’agit d’allier innovation et sécurité pour bâtir des entreprises résilientes et compétitives. Adopter une approche proactive basée sur des projets pilotes et investir dans la cybersécurité sont deux piliers indispensables pour relever les défis technologiques et économiques actuels. Est-ce que cela inclut les PME ?
Les grandes PME oui, mais malheureusement pas les petites. C’est pourquoi nous encourageons les petites PME à adopter le Cloud, car elles en ont la possibilité. Bien entendu, cela doit se faire dans le respect de la Loi 09-08 sur la protection des données. Ces PME ne sont généralement pas soumises à la Direction générale de la sécurité des systèmes d’information en tant qu’OIV (opérateurs d’importance vitale), ce qui leur permet d’opter pour le Cloud. Le Cloud est plus sécurisé, sauf lorsqu’il y a des défaillances humaines, car l’erreur est souvent humaine avant d’être technique.
Ces petites structures n’ont pas les moyens d’embaucher des équipes ou de développer leurs propres plateformes, donc autant utiliser des plateformes existantes sur le Cloud. Elles bénéficient ainsi des dispositifs de sécurité associés, qui sont bien
plus robustes.
Cela nécessite un accompagnement. Tout à fait. Nous avons initié, il y a une dizaine d’années, un programme d’accompagnement des PME.
Ce programme comprenait trois phases : une phase d’évaluation initiale (Assessment), une phase de proposition de solutions, en collaboration avec des partenaires technologiques et une phase de mise en œuvre. Nous avons travaillé avec différentes parties prenantes et discuté avec un certain nombre de PME. Nous avons même pris en charge certaines d’entre elles pour les intégrer dans ce dispositif. Cependant, il y a dix ans, la sensibilité au sujet n’était pas aussi prononcée qu’aujourd’hui, ce qui explique pourquoi certaines entreprises n’étaient pas intéressées. Cela change progressivement.
Ce qu’il faut aujourd’hui, c’est communiquer largement sur ce type de dispositif et mettre à disposition les fonds nécessaires pour soutenir les PME. Ces dernières n’ont pas toujours les moyens de financer un Assessment ou de payer des consultants pour évaluer leurs maturités et leurs besoins. Même si le Cloud peut s’avérer peu coûteux par rapport à d’autres solutions, il représente tout de même un investissement. Un soutien financier et technique est donc indispensable pour les accompagner dans cette transition.
À votre avis, pourquoi le Maroc n’a-t-il pas encore adopté massivement les services Cloud ?
Actuellement, on ne parle pas de véritables services Cloud au Maroc, mais plutôt de services d’hébergement en Data Centers dans le cadre de l’IaaS (Infrastructure as a Service) ou du PaaS (Platform as a Service). Quelques acteurs marocains sérieux offrent des solutions dans ce domaine, mais il n’existe pas encore de services Cloud nationaux comparables à ceux proposés ailleurs.
Deux solutions sont envisageables. La première, adoptée récemment par un acteur majeur international, consiste à créer une sous-région Cloud au Maroc pour offrir des services Cloud.
La seconde serait d’inciter les Hyperscalers, comme les Gafam (Google, Apple, Facebook, Amazon, et Microsoft), à s’installer directement au Maroc.
Ces démarches ont déjà été entreprises par le Maroc ou par ses prestataires, mais des prérequis doivent être remplis des deux côtés. Il est impératif de clarifier les réglementations et les possibilités d’utilisation des services Cloud, que ce soit localement ou à l’étranger. Une meilleure communication et des solutions adaptées aux enjeux de souveraineté des données sont cruciales, car certaines entreprises hésitent encore, par crainte de mal interpréter les réglementations ou de commettre des erreurs. En tant qu’utilisateurs, nous demandons que les services Cloud soient présents au Maroc pour des raisons de souveraineté de données pour certains sujets.
Quelles sont les recommandations issues du Livre blanc de l’Ausim qui pourraient aider à atteindre les objectifs de la stratégie numérique du Maroc par rapport à la souveraineté du pays ?
Sur la question de la souveraineté numérique, nous sommes convaincus que le Maroc dispose du potentiel nécessaire pour dépasser les ambitions décrites dans la stratégie. Deux ingrédients sont essentiels : accélérer l’exécution des initiatives et stimuler une synergie entre tous les acteurs de l’écosystème. Nous savons ce qu’il faut faire. La stratégie numérique fixe un cap clair et validé par le gouvernement, mais il est indispensable que tous les acteurs collaborent et fassent preuve de confiance mutuelle. Il faut également accélérer la mise en place du cadre législatif et réglementaire, car tout retard freine l’élan général.
Un cadre plus flexible pourrait aussi être bénéfique, permettant de tester des initiatives avant de les réglementer définitivement. Il ne s’agit pas d’adopter à l’extrême le modèle américain, mais d’autoriser une certaine latitude pour expérimenter et innover avant de légiférer. Nous disposons de tous les ingrédients nécessaires pour réussir ; il ne reste qu’à mobiliser efficacement les membres de l’écosystème. Ne pensez-vous pas qu’il existe un écart de vitesse entre le secteur public et le secteur privé ?
De manière générale, le secteur privé évolue plus rapidement que le public, car il bénéficie de plus de liberté. Cependant, certaines entreprises publiques et institutions, notamment celles qui sont membres de l’Ausim, avancent à une vitesse comparable, car elles ont les moyens et l’autonomie nécessaires. Ces entités sont parfois même précurseurs dans certains domaines.
Le problème se pose davantage dans les structures publiques moins autonomes, où les processus de validation et les contraintes organisationnelles ralentissent les initiatives. Cela dit, dans un cadre entrepreneurial, qu’il soit public ou privé, le Maroc dispose des capacités et de la démarche adéquate pour avancer efficacement.
Hicham Chiguer : Cette stratégie a été conçue pour répondre à la dynamique actuelle et anticiper les évolutions nécessaires. Nous pensons qu’elle est essentielle pour le Maroc, car elle permet de définir une vision, de fixer un cap et de prioriser les actions à mener à l’horizon 2030.
L’Association des utilisateurs des systèmes d’information au Maroc (Ausim) a joué un rôle actif dans ce processus depuis le début, en collaboration avec le ministère de tutelle. Nous avons été sollicités sur l’ensemble des volets de cette stratégie. Nous estimons que tous les ingrédients nécessaires ont été intégrés dans cette stratégie : qu’il s’agisse de l’administration électronique (E-Gov), de l’entrepreneuriat innovant, des startups, des talents digitaux, ou encore des infrastructures comme le Cloud. Par ailleurs, un effort particulier a été fait sur des technologies transversales comme l’intelligence artificielle, qui imprègne l’ensemble des dispositifs et projets envisagés.
Il est également crucial de souligner que cette stratégie a été co-construite. Nous avons travaillé main dans la main avec le ministère, les fédérations et les associations professionnelles pour aboutir à une vision collective. Ce consensus est essentiel, car il garantit un plan d’action clair, accompagné d’une commission nationale, présidée par le Chef du gouvernement, qui veille à son suivi et à sa mise en œuvre.
Vous avez mentionné le cadre réglementaire, notamment en ce qui concerne la protection des données. Comment évaluez-vous cet aspect, aujourd’hui, dans le contexte de la stratégie numérique ?
La stratégie est accompagnée d’un Budget pour plusieurs projets déjà validés, notamment dans le cadre de la Loi de Finances 2025. C’est une avancée notable, notamment pour le financement des PME, le développement des talents numériques, et d’autres initiatives comme «JobInTech». Lancée il y a un an en phase pilote, cette dernière a prouvé son efficacité et est désormais généralisée.
Toutefois, il est important de reconnaître que les ressources financières restent limitées par rapport à l’ampleur des ambitions. Le Maroc traverse également des défis socio-économiques et gère simultanément plusieurs chantiers stratégiques. Notre rôle est donc de montrer comment le numérique peut soutenir ces priorités nationales.
Pour ce qui est de l’administration électronique (iGov), par exemple, il s’agit d’un vaste chantier qui existe depuis longtemps, mais avance lentement. Aujourd’hui, nous constatons une volonté d’accélération, mais il faut s’assurer que cela se fasse de manière structurée, en prenant en compte le parcours du citoyen de bout en bout pour une véritable transformation numérique.
Accélérer le processus ne risque-t-il pas de reproduire les erreurs passées, comme celles observées avec le programme «10.000 Ingénieurs par an» et ses résultats mitigés ?
Vous avez raison, et c’est pourquoi le fine-tuning est essentiel. Une bonne stratégie sur papier ne suffit pas, c’est sa mise en œuvre qui compte. Par exemple, avec «JobInTech», nous parlons de formations courtes (4 à 8 mois), certifiantes plutôt que diplômantes, afin de répondre aux besoins immédiats des entreprises. Ce changement de paradigme vise à former des compétences opérationnelles rapidement, plutôt que d’attendre plusieurs années pour des cursus qui pourraient devenir obsolètes. L’objectif est ambitieux : Former 100.000 personnes par an à l’horizon 2030.
Cependant, la gouvernance et le suivi restent des défis majeurs. Il est impératif d’évaluer et d’adapter régulièrement les cursus, car les technologies évoluent rapidement. Ce processus d’adaptation constante permettra d’éliminer les formations obsolètes et de rester alignés avec les besoins du marché.
Sur le plan réglementaire, le Maroc accuse un certain retard par rapport à d’autres pays, notamment en ce qui concerne des technologies comme l’intelligence artificielle. Comment peut-on rattraper ce retard ?
Alors, la bonne nouvelle, c’est que la nouvelle ministre vient d’une institution spécialisée dans la gestion de l’intelligence artificielle. Maintenant, est-ce que l’intelligence artificielle a été évoquée dans la stratégie ? Oui, mais de manière transversale. Aujourd’hui, il est impossible de se passer de cette nouvelle technologie. Notre positionnement est clair : l’IA doit faire partie intégrante des actions à mener. Cependant, faut-il élaborer une stratégie nationale dédiée à l’IA, comme l’ont fait certains pays africains et d’autres nations avancées ? Pourquoi pas ? Mais l’essentiel est ailleurs : il s’agit de mener des cas d’usage réels pour évaluer la faisabilité de l’IA dans un domaine donné, comme l’agriculture ou la santé. Ces expériences permettront de mesurer les gains de productivité ou de performance, et de généraliser les résultats au niveau sectoriel ou national.
Plutôt que de consacrer deux ans à concevoir une stratégie, il est plus pertinent de montrer des réalisations concrètes : par exemple, démontrer que l’IA a permis une amélioration de 20 à 30% de la productivité dans un secteur. Ainsi, après avoir pris le temps d’élaborer une stratégie nationale pour le numérique à l’horizon 2030, il est temps de passer à l’action et à la mise en œuvre. C’est ce que tout le monde attend désormais.
Cela touche aussi au domaine de la Recherche & Développement, un secteur où le Maroc reste faible. L’investissement y est quasi nul. Comment y remédier ?
Vous soulevez un point critique. L’un des indicateurs de maturité d’un pays est le pourcentage investi dans la Recherche & Développement (R&D). Malheureusement, le Maroc y consacre très peu de moyens, alors qu’il faudrait le voir comme un investissement. Par le passé, des propositions ont été faites pour introduire, par exemple, des crédits d’impôt en faveur des entreprises, à l’image de ce qui existe en Europe. L’objectif était d’encourager les entreprises à investir davantage dans la R&D. Malheureusement, ce dispositif n’a pas encore vu le jour en raison de certaines contraintes. Si nous ne pouvons pas l’implémenter, il faudrait envisager des alternatives pour donner aux entreprises les moyens de s’impliquer dans la R&D. Certaines grandes entreprises technologiques consacrent jusqu’à 30 à 50% de leur chiffre d’affaires à la R&D, car c’est grâce à cela qu’elles innovent et développent de nouveaux produits.
À l’échelle nationale, si nous arrivons déjà à investir 2% du PIB dans la R&D, ce serait un bon début. Mais, pour l’instant, nous en sommes encore loin. Qu’en est-il de l’inclusion numérique et de l’accès au digital pour toutes les couches sociales, y compris dans les régions éloignées ?
L’inclusion numérique est bien intégrée dans la stratégie, avec des actions spécifiques à mettre en œuvre. Une initiative intéressante, «Dwar by Ausim», a été lancée pour expérimenter l’inclusion numérique. Le programme a démarré dans une région rurale et vise à rapprocher les citoyens des services universels grâce au digital. L’objectif est de tirer des enseignements de ce pilote pour l’étendre à d’autres régions ou villages.
Aujourd’hui, nous ne pouvons pas parler de digitalisation sans inclusion numérique. Sinon, nous risquons d’accentuer le fossé entre les citoyens connectés et ceux qui sont «des analphabètes digitaux». Il est donc essentiel de développer des plateformes numériques tout en formant et en sensibilisant les citoyens, afin qu’ils puissent les utiliser, où qu’ils se trouvent dans le Royaume.
Et qu’en est-il de la 5G ?Je suis partagé concernant la 5G. Il y a deux angles principaux pour aborder ce sujet. D’un côté, la 5G représente une tendance mondiale et répond à des besoins spécifiques dans certains secteurs pointus, mais elle n’est pas indispensable pour tous. Ainsi, la 4G couvre déjà amplement les besoins du grand public en termes de services et de prestations. La 5G, quant à elle, s’adresse à des usages de niche nécessitant des performances accrues pour des applications bien précises. Sans entrer dans les détails techniques, il est crucial de se positionner sur ces niches si nous souhaitons saisir ces opportunités.
L’autre avantage de la 5G, c’est de suivre la tendance internationale et de préparer le terrain pour les technologies futures, comme la 6G ou la 7G. Être en retard par rapport à certaines nations pourrait nous désavantager sur le plan de la compétitivité technologique. Cependant, il est important de noter que les besoins réels en 5G ne représentent qu’environ 5 à 10% des besoins globaux du Royaume.
Le second angle d’analyse concerne la gestion des priorités. Si le Maroc dispose d’un budget limité et doit choisir ses investissements stratégiques, il serait peut-être plus judicieux de consacrer ces fonds à des projets qui touchent directement la majorité de la population. Par exemple, renforcer les services universels, développer des plateformes numériques inclusives ou améliorer l’accès à Internet dans les zones rurales pourrait avoir un impact plus large et immédiat.
Pensez-vous que le déploiement de la 5G pourrait amplifier les gaps et avoir des répercussions plus larges à terme ?
Absolument. Selon les annonces, la 5G devrait être lancée d’ici l’année prochaine, avec une couverture nationale atteignant 70% d’ici 2030. Cela coïncidera avec des événements mondiaux importants, comme le Mondial 2030, ce qui est positif pour notre visibilité et notre préparation technologique.
Toutefois, je tiens à souligner que la 5G ne devrait pas être une priorité absolue. Elle constitue avant tout une plateforme technologique qui ouvrira la voie à d’autres innovations à long terme. Mais si nous devons prioriser, il serait sage d’allouer les budgets aux services universels et aux plateformes numériques qui touchent un large spectre de la population.
Cela soulève la question de l’équilibre entre préparer l’avenir technologique et répondre aux besoins immédiats. Exactement. Heureusement, il existe des portefeuilles budgétaires distincts pour les différents investissements. Le projet de la 5G est lancé, et c’est une bonne chose. Cependant, nous devons veiller à ce que les priorités fondamentales, comme l’extension des services publics numériques ou l’amélioration de la connectivité, ne soient pas négligées. L’essentiel est de progresser dans toutes les directions pertinentes, sans sacrifier les projets à fort impact social au profit des technologies de niche.
Comment le partenariat public-privé peut-il contribuer à atteindre les objectifs de la stratégie numérique 2030 ?
Aujourd’hui, l’écosystème marocain bénéficie d’une meilleure coordination entre les acteurs publics et privés. Pour que cette dynamique continue, il est crucial de mettre en place des instances de gouvernance, de suivre les plans d’action et d’ajuster les priorités chaque année en fonction des besoins des entreprises et des citoyens. La stratégie numérique 2030 fixe un cap, mais les plans d’action qui sont annuels selon les Projet de loi de Finances (PLF) doivent être flexibles et adaptés chaque année au contexte du pays.
Quelles sont les technologies qui devraient être prioritaires pour la mise en œuvre de cette stratégie ?
L’intelligence artificielle, notamment l’IA générative, doit être une priorité. Depuis l’émergence de technologies comme ChatGPT, de nombreux secteurs ont vu une rupture technologique. Le Maroc doit encourager les entreprises à expérimenter des cas d’usage concrets. Par exemple, une entreprise peut tester l’IA sur un domaine précis pour en évaluer la valeur ajoutée avant de généraliser son usage. La cybersécurité est une autre priorité. Avec l’augmentation des menaces numériques, les entreprises marocaines commencent à investir davantage pour protéger leurs actifs et leurs données sensibles. Ces deux axes – IA et Cybersécurité – sont essentiels pour accompagner la transformation numérique du Maroc.
Je m’adresse particulièrement aux acteurs du secteur privé, qui disposent de la flexibilité nécessaire pour avancer plus rapidement. Aujourd’hui, nous avons l’opportunité d’atteindre un niveau de maturité technologique comparable à celui des entreprises les plus avancées. Les technologies sont accessibles, mais cela requiert une volonté d’investissement accrue. C’est pourquoi je lance un appel aux entreprises pour qu’elles se lancent dans des projets pilotes concrets. Identifiez une verticale, un métier précis, ou une problématique spécifique où vous percevez une réelle opportunité : amélioration des performances, optimisation des coûts, ou encore augmentation de la satisfaction client. Testez ces idées à travers un pilote.
Un projet pilote offre un cadre d’expérimentation à moindre coût, permettant de valider ou d’invalider une approche avant d’engager des ressources importantes. Par exemple, un échec à hauteur de 100.000 ou 150.000 dirhams, pour une grande entreprise, est un risque mesuré, bien moindre qu’un projet à plusieurs millions de dirhams qui pourrait échouer après des années de travail. En quelques mois seulement, un pilote peut révéler des résultats probants, justifiant une expansion du périmètre ou un passage à un projet de plus grande envergure.
Il est crucial de ne pas craindre l’échec dans cette démarche. Chaque échec est une opportunité d’apprentissage qui évite des erreurs coûteuses à plus grande échelle. Le cycle est simple : testez, évaluez, ajustez, puis passez à l’étape suivante.
Parallèlement, il est impératif de sécuriser les actifs numériques des entreprises. La cybersécurité est devenue un enjeu critique, et il est encourageant de constater une prise de conscience croissante à ce sujet au sein des entreprises marocaines. Les investissements dans ce domaine augmentent, reflétant une volonté de protéger les données sensibles et de garantir la pérennité des activités.
En somme, il s’agit d’allier innovation et sécurité pour bâtir des entreprises résilientes et compétitives. Adopter une approche proactive basée sur des projets pilotes et investir dans la cybersécurité sont deux piliers indispensables pour relever les défis technologiques et économiques actuels. Est-ce que cela inclut les PME ?
Les grandes PME oui, mais malheureusement pas les petites. C’est pourquoi nous encourageons les petites PME à adopter le Cloud, car elles en ont la possibilité. Bien entendu, cela doit se faire dans le respect de la Loi 09-08 sur la protection des données. Ces PME ne sont généralement pas soumises à la Direction générale de la sécurité des systèmes d’information en tant qu’OIV (opérateurs d’importance vitale), ce qui leur permet d’opter pour le Cloud. Le Cloud est plus sécurisé, sauf lorsqu’il y a des défaillances humaines, car l’erreur est souvent humaine avant d’être technique.
Ces petites structures n’ont pas les moyens d’embaucher des équipes ou de développer leurs propres plateformes, donc autant utiliser des plateformes existantes sur le Cloud. Elles bénéficient ainsi des dispositifs de sécurité associés, qui sont bien
plus robustes.
Cela nécessite un accompagnement. Tout à fait. Nous avons initié, il y a une dizaine d’années, un programme d’accompagnement des PME.
Ce programme comprenait trois phases : une phase d’évaluation initiale (Assessment), une phase de proposition de solutions, en collaboration avec des partenaires technologiques et une phase de mise en œuvre. Nous avons travaillé avec différentes parties prenantes et discuté avec un certain nombre de PME. Nous avons même pris en charge certaines d’entre elles pour les intégrer dans ce dispositif. Cependant, il y a dix ans, la sensibilité au sujet n’était pas aussi prononcée qu’aujourd’hui, ce qui explique pourquoi certaines entreprises n’étaient pas intéressées. Cela change progressivement.
Ce qu’il faut aujourd’hui, c’est communiquer largement sur ce type de dispositif et mettre à disposition les fonds nécessaires pour soutenir les PME. Ces dernières n’ont pas toujours les moyens de financer un Assessment ou de payer des consultants pour évaluer leurs maturités et leurs besoins. Même si le Cloud peut s’avérer peu coûteux par rapport à d’autres solutions, il représente tout de même un investissement. Un soutien financier et technique est donc indispensable pour les accompagner dans cette transition.
À votre avis, pourquoi le Maroc n’a-t-il pas encore adopté massivement les services Cloud ?
Actuellement, on ne parle pas de véritables services Cloud au Maroc, mais plutôt de services d’hébergement en Data Centers dans le cadre de l’IaaS (Infrastructure as a Service) ou du PaaS (Platform as a Service). Quelques acteurs marocains sérieux offrent des solutions dans ce domaine, mais il n’existe pas encore de services Cloud nationaux comparables à ceux proposés ailleurs.
Deux solutions sont envisageables. La première, adoptée récemment par un acteur majeur international, consiste à créer une sous-région Cloud au Maroc pour offrir des services Cloud.
La seconde serait d’inciter les Hyperscalers, comme les Gafam (Google, Apple, Facebook, Amazon, et Microsoft), à s’installer directement au Maroc.
Ces démarches ont déjà été entreprises par le Maroc ou par ses prestataires, mais des prérequis doivent être remplis des deux côtés. Il est impératif de clarifier les réglementations et les possibilités d’utilisation des services Cloud, que ce soit localement ou à l’étranger. Une meilleure communication et des solutions adaptées aux enjeux de souveraineté des données sont cruciales, car certaines entreprises hésitent encore, par crainte de mal interpréter les réglementations ou de commettre des erreurs. En tant qu’utilisateurs, nous demandons que les services Cloud soient présents au Maroc pour des raisons de souveraineté de données pour certains sujets.
Quelles sont les recommandations issues du Livre blanc de l’Ausim qui pourraient aider à atteindre les objectifs de la stratégie numérique du Maroc par rapport à la souveraineté du pays ?
Sur la question de la souveraineté numérique, nous sommes convaincus que le Maroc dispose du potentiel nécessaire pour dépasser les ambitions décrites dans la stratégie. Deux ingrédients sont essentiels : accélérer l’exécution des initiatives et stimuler une synergie entre tous les acteurs de l’écosystème. Nous savons ce qu’il faut faire. La stratégie numérique fixe un cap clair et validé par le gouvernement, mais il est indispensable que tous les acteurs collaborent et fassent preuve de confiance mutuelle. Il faut également accélérer la mise en place du cadre législatif et réglementaire, car tout retard freine l’élan général.
Un cadre plus flexible pourrait aussi être bénéfique, permettant de tester des initiatives avant de les réglementer définitivement. Il ne s’agit pas d’adopter à l’extrême le modèle américain, mais d’autoriser une certaine latitude pour expérimenter et innover avant de légiférer. Nous disposons de tous les ingrédients nécessaires pour réussir ; il ne reste qu’à mobiliser efficacement les membres de l’écosystème. Ne pensez-vous pas qu’il existe un écart de vitesse entre le secteur public et le secteur privé ?
De manière générale, le secteur privé évolue plus rapidement que le public, car il bénéficie de plus de liberté. Cependant, certaines entreprises publiques et institutions, notamment celles qui sont membres de l’Ausim, avancent à une vitesse comparable, car elles ont les moyens et l’autonomie nécessaires. Ces entités sont parfois même précurseurs dans certains domaines.
Le problème se pose davantage dans les structures publiques moins autonomes, où les processus de validation et les contraintes organisationnelles ralentissent les initiatives. Cela dit, dans un cadre entrepreneurial, qu’il soit public ou privé, le Maroc dispose des capacités et de la démarche adéquate pour avancer efficacement.