Driss Jaydane propose une distinction importante : le politique, selon lui, est cette structure permanente, représentée par la Monarchie et la Personne du Roi. La politique, quant à elle, est perçue comme un champ mouvant d’alliances et de jeux partisans. Pour les Marocains, la première demeure un repère stable, tandis que la seconde suscite méfiance, voire indifférence. «Il y a un écart», constate-t-il. Le citoyen ne croit plus aux mécanismes électoraux ni à ceux censés incarner la représentativité. Ce n’est pas tant du nihilisme qu’une histoire de désillusions des années 1960-1970, époque où les partis avaient du poids et où l’éducation politique était vivace.
Aujourd’hui, selon Jaydane, «on est éduqué à la patrie, à la nation», non à la politique, et par conséquent à la pensée critique de la politique. L’espace de débat s’est rétréci, étouffé par un climat de méfiance, de disqualification, voire d’exclusion. «Les Marocains savent qu’en dernier recours, l’institution monarchique est là en cas de crise», affirme le philosophe.
Aujourd’hui, selon Jaydane, «on est éduqué à la patrie, à la nation», non à la politique, et par conséquent à la pensée critique de la politique. L’espace de débat s’est rétréci, étouffé par un climat de méfiance, de disqualification, voire d’exclusion. «Les Marocains savent qu’en dernier recours, l’institution monarchique est là en cas de crise», affirme le philosophe.
Des dérives structurelles
Conflit d’intérêts, impunité, clientélisme sont des phénomènes universels. Mais au Maroc, ils deviennent des obstacles structurels. Pour Driss Jaydane : «Nous avons un rapport à l’économie qui n’est pas celui des sociétés occidentales, qui ont vu naître et ont pratiqué le nouveau libéralisme. Chez nous, le capitalisme moderne est entré de façon brutale, à la suite du protectorat, c’est-à-dire par la négative. Pourtant, il exerce sur nous une certaine fascination. C’est ce qui explique une certaine confusion : on comprend le capitalisme en chiffres, mais on ne le saisit pas d’un point de vue idéologique, psychologique, et de ce qu’il produit sur la société».
Reprenant une réflexion de Driss Benhima, Jaydane alerte sur une confusion tenace : au Maroc, «on n’a pas libéralisé, on a privatisé». Privatisation de l’économie, des services publics, voire de fonctions régaliennes, au profit d’intérêts privés. Cette dérive renforce les obstacles structurels que sont l’impunité, le clientélisme et le conflit d’intérêts.
Reprenant une réflexion de Driss Benhima, Jaydane alerte sur une confusion tenace : au Maroc, «on n’a pas libéralisé, on a privatisé». Privatisation de l’économie, des services publics, voire de fonctions régaliennes, au profit d’intérêts privés. Cette dérive renforce les obstacles structurels que sont l’impunité, le clientélisme et le conflit d’intérêts.
Une classe politique déconnectée
On dit que «le politicien pense aux prochaines élections, l’homme d’État pense aux prochaines générations». Driss Jaydane préfère parler de commis de l’État, en assurant que le Maroc en a de très bons, expérimentés et garants d’une tradition administrative séculaire. C’est dire que le champ politique marocain souffre d’un manque de vision, car les responsables politiques peinent à comprendre ou à accompagner les mutations de la société : jeunesse connectée, circulation mondiale de l’information, nouvelles attentes sociales et environnementales.
Là où il faudrait du leadership, on assiste à une stratégie de communication vide, calquée sur les méthodes du marketing politique apparues aux États-Unis dans les années 1950 : dire ce que les gens veulent entendre, au lieu de formuler un projet de leadership.
Là où il faudrait du leadership, on assiste à une stratégie de communication vide, calquée sur les méthodes du marketing politique apparues aux États-Unis dans les années 1950 : dire ce que les gens veulent entendre, au lieu de formuler un projet de leadership.
Qui nous écoute ?
Si l’intellectuel a un rôle dans le champ politique, c’est celui de veiller à ce que le savoir serve la cause d’une société plus juste envers tous. Driss Jaydane fait ici la distinction entre deux figures : le technocrate, expert du savoir au service du système, et l’intellectuel, qui sait s’opposer au pouvoir si ce dernier utilise mal sa pensée. «Le temps des intellectuels n’est pas celui des technocrates», affirme-t-il, regrettant l’exclusion du débat critique. Le réflexe de disqualification prend le pas sur la discussion. En effet, dans un contexte où la parole semble omniprésente, Jaydane note que l’on peut tout dire, mais pas sans conséquence. Ce climat dissuasif mine la possibilité d’un débat démocratique réel. Même durant les années dites «de plomb», rappelle-t-il, un certain niveau de confrontation idéologique existait. Aujourd’hui, c’est le vide discursif qui domine.
En outre, le philosophe estime que la citoyenneté ne peut se résumer à un vote quinquennal, ce qu’il appelle «une citoyenneté free-lance». Elle suppose un engagement quotidien, un droit à la parole, à la critique, à la proposition. Mais cela exige aussi une écoute réelle de la part des décideurs. «Si nous voulons changer, dans les partis politiques, il faut écouter la jeunesse des partis. C’est fini l’estrade en hauteur et les gens qui regardent et qui applaudissent. Il faut de l’agora». Et d’ajouter : «Ce qui est dommageable, c’est que des partis ont accueilli des gens qui ont des moyens financiers pour faire avancer les choses au sein du parti. Ils n’ont pas cherché des gens qui ont des moyens intellectuels et affectifs. Car on ne fait pas de politique si l’on n’aime pas les gens».
En outre, le philosophe estime que la citoyenneté ne peut se résumer à un vote quinquennal, ce qu’il appelle «une citoyenneté free-lance». Elle suppose un engagement quotidien, un droit à la parole, à la critique, à la proposition. Mais cela exige aussi une écoute réelle de la part des décideurs. «Si nous voulons changer, dans les partis politiques, il faut écouter la jeunesse des partis. C’est fini l’estrade en hauteur et les gens qui regardent et qui applaudissent. Il faut de l’agora». Et d’ajouter : «Ce qui est dommageable, c’est que des partis ont accueilli des gens qui ont des moyens financiers pour faire avancer les choses au sein du parti. Ils n’ont pas cherché des gens qui ont des moyens intellectuels et affectifs. Car on ne fait pas de politique si l’on n’aime pas les gens».
Vers un Maroc nouveau (2030)
Malgré ce tableau décourageant, Jaydane perçoit des raisons d’espérer un lendemain meilleur. Même si certains politiques peinent à admettre le changement de la société, il existe des indices qui ne trompent pas et qui augurent d’une transformation démographique, d’une évolution certaine de la place des femmes et de l’engagement viscéral des jeunes dans les grandes questions qui traverseront le monde de demain. Ces mutations appellent une nouvelle grammaire politique : il ne s’agit plus d’imposer des modèles anciens, mais de penser avec les nouvelles générations. «Il faut de l’agora», dit-il, pas des estrades.
La réflexion de Driss Jaydane invite donc les politiques à se défaire des travers qui les empêchent d’agir efficacement, à savoir l’exclusion, le populisme et le repli technocratique. C’est également une invitation au citoyen d’entrer de plain-pied dans l’arène politique pour prendre part au projet commun, dans le respect des traditions marocaines d’échange et de réflexion. Plus que jamais, il faut «penser ensemble», projeter l’avenir et écouter la jeunesse.
La réflexion de Driss Jaydane invite donc les politiques à se défaire des travers qui les empêchent d’agir efficacement, à savoir l’exclusion, le populisme et le repli technocratique. C’est également une invitation au citoyen d’entrer de plain-pied dans l’arène politique pour prendre part au projet commun, dans le respect des traditions marocaines d’échange et de réflexion. Plus que jamais, il faut «penser ensemble», projeter l’avenir et écouter la jeunesse.
