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MEDays 2025 : le Maroc au cœur du dialogue sur la réinvention de l'équation globale du développement

Sous le Haut Patronage de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, la 17e édition du Forum MEDays réunit du 26 au 29 novembre à Tanger plus de 7.000 participants venus de 120 pays pour débattre de la thématique «Fractures et polarisation : réinventer l'équation globale ». Le MEDays Investment Summit, qui a ouvert les travaux de ce Forum, a placé le Maroc au cœur des discussions. La stabilité politique du Royaume, sa vision stratégique de long terme, ses succès industriels avérés, son écosystème financier structuré, la qualité de ses ressources humaines et son positionnement géographique unique constituent – de l’avis des tous les intervenants, autant d'avantages compétitifs à l’heure où les chaînes de valeur mondiales se reconfigurent et où l'Afrique cherche à s'affirmer comme le continent de l'avenir.

Sous le Haut Patronage de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, la 17e édition du Forum international MEDays a ouvert ses portes mercredi 26 novembre au Palais des Arts et de la Culture de Tanger, réunissant plus de 7.000 participants issus de plus de 120 pays autour d'une thématique aussi ambitieuse qu'urgente : «Fractures et polarisation : réinventer l'équation globale». Avec plus de 300 intervenants de premier plan, dont des Chefs d'État et de gouvernement, des ministres et des dirigeants économiques internationaux, Medays le «Forum du Sud» confirme son statut de plateforme de référence pour la réflexion géostratégique et économique mondiale. Dans un monde où l'incertitude devient la norme, cette édition 2025 s'impose comme une force de proposition et un carrefour stratégique, fidèle à sa mission fondamentale : transformer les idées en action, donner une voix au Sud et influencer la redéfinition des équilibres mondiaux.

La cérémonie d'ouverture, marquée par la présence d'invités de marque dont les Présidents Adama Barrow (Gambie) et Joseph Nyuma Boakai (Liberia), ainsi que le Premier ministre de la Grenade Dickon Mitchell, a été précédée par le MEDays Investment Summit, consacré au renforcement des infrastructures, des industries et des investissements, les trois «i», essentiels à la croissance économique du Sud global.

Le défi colossal du financement des infrastructures africaines

Les chiffres présentés lors du Summit inaugural donnent le vertige. Selon le Global Infrastructure Hub, les besoins en financement d'infrastructures s'élèvent à 50 trillions de dollars d'ici 2040, uniquement pour les domaines de l'énergie, des transports et de l'eau. Pour le continent africain, la Banque africaine de développement estime un fossé de financement annuel oscillant entre 70 et 110 milliards de dollars – un gouffre que les mécanismes traditionnels peinent à combler.

Ahmed Ag Aboubacrine, représentant du groupe de la Banque islamique de développement (BIsD), a dressé un constat sans appel : «Un État, surtout les pays membres de la Banque islamique de développement qui sont majoritairement des pays du Sud, ne peut pas à lui seul financer et mobiliser toutes les ressources». Sur les dix dernières années, les partenariats public-privé (PPP) n'ont mobilisé que 50 milliards de dollars en Afrique, une goutte d'eau face à l'immensité des besoins.

Pour surmonter cette contrainte, le représentant de la Banque Islamique a présenté une panoplie «d'instruments de dérisquage» jugés essentiels pour donner confiance aux investisseurs. Les garanties contre les risques politiques, offertes par des institutions comme AseIC (membre du groupe BIsD) et la MIGA (Banque mondiale), couvrent l'expropriation, les guerres civiles, la rupture de contrats souverains ou l'inconvertibilité des devises. S'y ajoutent les garanties de performance financière et les garanties de prix ou de volume, particulièrement appliquées dans les PPP pour viabiliser des infrastructures comme les autoroutes en cas d'utilisation non optimale.

La finance islamique, un levier sous-exploité

Le Maroc dispose d'un atout considérable avec son écosystème de finance islamique. Ahmed Ag Aboubacrine a souligné que les instruments islamiques restaient «sous-utilisés» alors qu'ils pourraient considérablement contribuer au financement des infrastructures. Les Sukuk, ces obligations islamiques basées sur des actifs, trouvent dans les infrastructures des supports naturellement éligibles. «La BIsD peut intervenir comme arrangeur ou co-arrangeur, ou souscrire à l'émission de ces Sukuk», a-t-il précisé, citant des expériences réussies avec le Sénégal et le Togo. Le Royaume bénéficie d'une longueur d'avance dans ce domaine grâce aux réformes menées par Bank Al-Maghrib et au développement des banques participatives. «Tout ça a besoin d'une réglementation adéquate, y compris de la finance islamique, sur laquelle le Maroc a fait des bonds en avant», a reconnu le représentant de la BIsD.

Au-delà des Sukuk, d'autres instruments islamiques restent à exploiter : les Waqf (fonds des Habous), particulièrement adaptés au financement des infrastructures sociales dans l'agriculture, l'eau, l'éducation et la santé, ainsi que les outils de la Zakat, très efficaces dans certains pays du Golfe. Le groupe de la BIsD explore également des mécanismes innovants comme le «debt swapping» – la reconversion de la dette en investissement avec des opérateurs privés – une expérience déjà menée au Maroc dans les années 1990-2000 et récemment en Espagne.

Le Maroc, plateforme idéale pour l'industrie des semi-conducteurs

Si le financement des infrastructures constitue le socle du développement, c'est l'industrie technologique de pointe qui façonnera les économies dans les prochaines décennies. Paul Boudre, expert en semi-conducteurs intervenant lors du Medays Investments Summit, a identifié le Maroc comme un candidat naturel pour développer cette industrie stratégique qui devrait atteindre 1 trillion de dollars entre 2025 et 2030 – un doublement en cinq ans de ce qui a été accompli en trente ans. «Pour attirer cette industrie et l'intégrer dans son économie, la stabilité est un facteur essentiel. Je pense que le Maroc possède cet atout», a affirmé M. Boudre. L'expert a insisté aussi sur la nécessité d'un engagement de long terme : «Rentrer dans l'industrie des technologies et notamment du semi-conducteur, c'est un engagement sur le long terme. Il faut avoir une vision. C'est fondamental pour pouvoir réussir.»

La crédibilité du Royaume dans les secteurs de pointe constitue un atout majeur. «L'axe aéronautique qui s'est implanté aujourd'hui au Maroc, l'axe automobile que vous développez à grande vitesse aujourd'hui montrent que cette stabilité, cette vision, cette capacité à jouer dans la cour des grands positionne aujourd'hui le Maroc dans un axe absolument critique pour le développement de l'industrie du semi-conducteur», a expliqué Paul Boudre, ajoutant : «Vous avez tous les éléments ici». Un intervenant a rappelé la déclaration du ministre de l'Industrie affirmant qu'«il n'y a pas d'avion qui vole dans le monde sans qu'une pièce n'ait été fabriquée au Maroc» – un exemple de l'intégration réussie du Royaume dans les chaînes de valeur mondiales.

Les prérequis pour une transformation industrielle durable

Mais pour réussir au mieux ce pari technologique, d’autres conditions doivent être réunies. Paul Boudre a insisté sur la protection de la propriété intellectuelle comme élément fondamental : «Il faut s'assurer de la propriété intellectuelle. La protection intellectuelle est quelque chose de fondamental dans notre industrie». La stabilité réglementaire est tout aussi cruciale : «Il faut donner confiance aux investisseurs, donner confiance que la région est prête à s'engager sur le long terme.»

L'expert a également souligné l'importance des investissements publics : «On voit bien que l'Europe s'est engagée après la Covid pour amener une masse d'investissement public qui va pouvoir s'associer à du privé». Cette combinaison public-privé, que le Maroc a déjà expérimentée avec succès dans d'autres secteurs, constitue la clé pour attirer les géants technologiques. Le système éducatif marocain est pour l'intervenant un atout à ne pas négliger : «Le système éducatif est là, mais l'envie, la passion de ces jeunes que j'ai rencontrés montrent qu'il y a vraiment un terreau favorable et disponible». Cette ressource humaine, combinée à la stabilité politique et à la vision stratégique du Royaume, crée un environnement propice au développement de secteurs aussi exigeants que les semi-conducteurs.

Le capital humain, facteur numéro un de durabilité

Tous les intervenants ont été d’ailleurs unanimes a souligner l’importance de la qualité des ressources humaines. C’est «le facteur numéro 1 de la durabilité», comme l’a rappelé Ahmed Ag Aboubacrine. Le représentant de la BIsD a insisté sur la nécessité d'adapter l'éducation aux exigences industrielles : «Nos universités, nos instituts de formation, les formations professionnelles doivent s'adapter et prendre cela en compte».

Helen Hai, panéliste anglophone spécialisée dans l'industrialisation africaine, a illustré ce défi par une anecdote révélatrice : lors de la visite d'un institut de formation aux métiers de la chaussure, elle a découvert que les formateurs n'avaient «jamais travaillé un seul jour sur une chaîne de production». Cette déconnexion entre formation théorique et réalité industrielle constitue un obstacle majeur que le Maroc a pu surmonter grâce à son réseau d'écoles techniques et ses partenariats avec l'industrie.

Le modèle marocain de coopération régionale

La Banque islamique de développement a fait de la coopération régionale l'un de ses piliers stratégiques pour les cinquante prochaines années. Ahmed Ag Aboubacrine a annoncé une initiative particulièrement significative pour le Maroc : «La Banque islamique de développement a décidé de baser le bureau régional de l'Afrique du Nord à Rabat, chargé du programme de la coopération Sud-Sud pour faciliter les échanges et les transferts de savoir entre les pays qui ont une expertise comme le Maroc et la Tunisie et les pays d'Afrique subsaharienne». Ce choix de Rabat comme hub de la coopération Sud-Sud reconnaît l'expertise marocaine et son rôle de pont entre l'Afrique du Nord et l'Afrique subsaharienne. «C'est un programme que nous facilitons, que nous finançons avec des subventions pour booster la coopération Sud-Sud et en faire un levier de croissance», a précisé le représentant de la BIsD.

Le Maroc bénéficie également de l'appui de la BIsD dans ses grands projets d'infrastructure. Ahmed Ag Aboubacrine a cité en exemple le port de Tanger : «La connexion du port de Tanger aux réseaux ferroviaires, c'est la Banque islamique de développement qui l'a financé». Cette coopération s'inscrit dans une approche multilatérale, la BIsD travaillant «de concert avec nos États membres pour financer les grands projets d'infrastructure qui connectent par exemple le Maghreb à l'Afrique, la route transsaharienne, l'interconnexion de l'électricité» dans le cadre du programme Mission 300, visant à connecter 300 millions d'Africains à l'électricité d'ici 2030.

Les clusters industriels, modèle de développement structuré

Pour sa part, Dr Mona Morad, intervenante égyptienne représentant le secteur privé, a identifié les clusters industriels comme un modèle gagnant, citant explicitement l'exemple marocain : «Le modèle des regroupements industriels, nous le voyons au Maroc, par exemple au centre industriel de Casablanca. C'est un modèle qui a réussi au Maroc, il a réussi en Égypte, il a réussi en Afrique du Sud...» Ces zones industrielles spécialisées permettent de créer des écosystèmes complets où grandes entreprises et PME peuvent interagir, générant des chaînes de valeur intégrées. Le modèle marocain des zones industrielles, combiné à l'approche de clusters sectoriels (aéronautique, automobile, textile, électronique), offre un cadre attractif pour les investisseurs internationaux cherchant stabilité et efficacité opérationnelle. Dr Morad a également souligné l'importance des plateformes tripartites réunissant gouvernement, secteur privé et organisations internationales – un modèle que le Maroc a progressivement développé et qui pourrait être renforcé dans le cadre de la préparation de la Coupe du monde 2030.

Accélération des infrastructures et préparation de la Coupe du monde

La préparation du Maroc pour la Coupe du monde, co-organisée avec l'Espagne et le Portugal, a été citée comme exemple d'accélération vertueuse des investissements en infrastructures. Ahmed Ag Aboubacrine a salué cette dynamique : «Nous avons vraiment besoin d'une accélération et le Maroc est un bel exemple, surtout dans le cas de la Coupe du monde où nous avons une montée en gamme des infrastructures». Cette échéance majeure catalyse des investissements massifs dans les transports, l'énergie, les télécommunications et l'hôtellerie, créant un effet d'entraînement sur l'ensemble de l'économie. Le modèle de financement mixte mobilisé pour ces projets – combinant ressources publiques, investissements privés et financements institutionnels – pourrait servir de référence pour d'autres initiatives structurantes.

L'opportunité du «leapfrogging» technologique

Helen Hai a présenté une vision stimulante pour l'avenir africain : la capacité de faire un bond technologique («leapfrogging») sans passer par toutes les étapes du développement industriel traditionnel. «Aujourd'hui, je pense qu'il existe de nombreuses opportunités en or pour les pays africains de faire un bond en avant. Vous n'avez pas besoin de passer par toutes les étapes. Vous pouvez faire un bond directement dans la quatrième révolution industrielle

L'intelligence artificielle et la blockchain offrent des opportunités inédites. Contrairement aux craintes initiales, l'IA ne remplace pas massivement les emplois manufacturiers de base, mais plutôt les professions intellectuelles traditionnelles : «Aujourd'hui, l'IA remplace en fait les avocats, même les médecins, les comptables.» Cette réalité crée une fenêtre d'opportunité pour l'Afrique dans la fabrication de masse tout en développant simultanément des capacités dans les technologies de rupture. Le Maroc, avec son écosystème digital en développement, ses infrastructures de data centers et sa main-d'œuvre jeune et connectée, est bien positionné pour saisir ces opportunités. Paul Boudre a identifié plusieurs secteurs prioritaires : «Infrastructure digitale, data centers, connectivité, cybersécurité, énergie avec Smart Grid et Green Energy, robotique» – autant de domaines où le Royaume développe déjà des compétences.

Pour Helen Hai, attirer les investisseurs repose sur deux piliers simples mais exigeants : «Pour les investisseurs, c'est très simple, ils recherchent deux choses : premièrement, la confiance ; deuxièmement, des exemples de succès – que leurs pairs aient déjà gagné de l'argent et réussi». La stabilité politique du Royaume, soulignée par tous les intervenants, constitue un atout décisif dans un contexte africain marqué par l'instabilité. Dr Morad a insisté sur ce point : «Le mécanisme de stabilité politique est essentiel pour l'investissement. Il n'y a pas de développement si vous sortez constamment des cadres légaux et réglementaires. Le capital va vers les zones les plus sûres.»

Message aux jeunes générations

Le forum a accordé une place significative aux préoccupations des jeunes, plusieurs interventions leur étant directement adressées. Paul Boudre a lancé un message d'encouragement : «Je pense que vous n'avez pas de limite. Vous devez comprendre quel est votre moteur. Le pays aujourd'hui, la région est tout à fait un Eldorado pour ceux qui vont vouloir s'engager. N'ayez pas peur de ce que vous êtes. Ceux que j'ai rencontrés ici au Maroc ont exactement les compétences qu'il faut, la capacité qu'il faut, la motivation qu'il faut et surtout ils ont envie».

Ahmed Ag Aboubacrine a renchéri avec pragmatisme : «Il faut croire en vous-même et vous former. Les jeunes apprennent plus facilement. Leur potentiel d'apprentissage est extraordinaire». Dr Morad, pour sa part, a souligné le tournant culturel en cours concernant l'éducation technique : «À notre époque, il n'y avait pas cette diversité dans le processus éducatif, surtout l'enseignement technique, qui crée des opportunités. Nous avons passé de longues périodes dans notre culture arabe où nous ne considérions pas l'éducation technique comme un processus nécessaire. L'expérience du Maroc et notre expérience en Égypte montrent qu'il faut accorder de l'importance à l'enseignement technique».

La 17e édition du Forum MEDays, avec son focus sur les «trois i» – Infrastructures, Industries et Investissements – a démontré que le Maroc disposait des atouts fondamentaux pour jouer un rôle majeur dans la recomposition de l'ordre économique mondial. La stabilité politique, la vision stratégique à long terme, les succès industriels avérés, l'écosystème financier islamique structuré, la qualité des ressources humaines et le positionnement géographique unique du Royaume constituent autant d'avantages compétitifs dans une période où les chaînes de valeur mondiales se reconfigurent et où l'Afrique s'affirme comme le continent de l'avenir.
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