Le Matin : Monsieur le maire, votre visite au Maroc a été dense. Quel sens donnez-vous à ce déplacement ?
Michaël Delafosse : Ce déplacement s’inscrit dans une démarche politique assumée : affirmer que Montpellier, et plus largement la France, doivent bâtir une relation nouvelle avec le Maroc. Une relation d’égal à égal, fondée sur la reconnaissance mutuelle, la souveraineté respectée et la coopération stratégique. À Fès, dès les premières heures de mon séjour, j’ai été frappé par la puissance culturelle du Maroc. La visite de la bibliothèque Qarawiyyine, où sont conservés des trésors comme une Bible du XIIe siècle écrite en arabe, un manuel de médecine médiévale en poésie ou un manuscrit d’Averroès, nous rappelle que le Maroc est une civilisation savante, tolérante et profondément enracinée dans l’universel. Ce patrimoine exceptionnel nous oblige politiquement : nous devons construire des ponts solides entre nos institutions, nos universités, nos jeunesses.
Quels axes concrets de coopération avez-vous identifiés au cours de cette tournée ?
D’abord l’enseignement supérieur et l’innovation. Avec le président de l’Université de Fès et les responsables de la formation en ingénierie, nous avons posé les bases d’une coopération entre l’Université de Fès et Polytech Montpellier pour accompagner le Projet Royal de formation de 10.000 ingénieurs marocains. Ensuite, la transition écologique. À Rabat et Tanger, les discussions sur la gestion de l’eau, et particulièrement la réutilisation des eaux usées, ont montré qu’on peut collaborer ensemble sur plusieurs projets. Nous avons travaillé également avec les équipes du ministère de la Culture sur des projets dans les industries créatives, notamment le secteur du jeu vidéo. À Montpellier, nous disposons d’un écosystème très dynamique dans ce domaine. Le Maroc a une jeunesse créative, ambitieuse et nous devons créer des passerelles : accueillir des jeunes entrepreneurs marocains à Montpellier, favoriser des coproductions, soutenir la mobilité des créateurs.
À Rabat, vous avez rencontré Nasser Bourita, ministre marocain des Affaires étrangères. Quelle position politique lui avez-vous exposée ?
J’ai affirmé, au nom de Montpellier, une position claire : la souveraineté du Maroc sur son Sahara ne souffre aucune contestation. Il ne s’agit pas seulement de convictions personnelles, mais d’une lecture historique rigoureuse. Le Sahara est marocain et la Marche Verte fut un acte de souveraineté légitime face à la colonisation. Cette reconnaissance doit être le socle d’une relation politique apaisée et ambitieuse entre nos deux nations. J’ai également insisté sur l’urgence d’une relation fondée sur l’égalité. Le Maroc avance à pas de géant et mérite un partenariat franc et respectueux.
La France a toutefois tardé à reconnaître officiellement cette souveraineté. Comment expliquez-vous ce retard ?
Ce retard a été, à mon sens, une erreur stratégique. La reconnaissance était historiquement fondée depuis longtemps. ll a fallu une mobilisation discrète mais constante d’élus, d’universitaires, de diplomates attachés à l’amitié franco-marocaine pour faire évoluer les lignes à Paris. La reconnaissance formelle, annoncée en 2024, intervient à un moment clef : avant les grandes commémorations de la Marche Verte et des accords de la Celle-Saint-Cloud. Mais la France aurait dû être pionnière sur ce dossier, fidèle à ses propres engagements et à ses liens profonds avec le Maroc.
La relation France-Algérie reste complexe. Cette tension a-t-elle influé sur le repositionnement diplomatique français au Maroc ?
La relation de la France avec l’Algérie est lourde d’une histoire coloniale douloureuse. Les tentatives de réconciliation n’ont pas produit les résultats espérés. Face à cela, il était logique de consolider nos liens avec le Maroc, un partenaire fiable, tourné vers l’avenir, porteur d’une ambition commune pour la Méditerranée. La relation avec le Maroc n’est pas une alternative : elle est un socle stratégique naturel pour la France.
Pourtant, au sein de votre famille politique (socialiste), certaines voix de gauche restent réservées sur la question du Sahara. Comment l’expliquez-vous ?
C’est un paradoxe. La gauche, qui a historiquement défendu l’émancipation des peuples, devrait être la première à soutenir la souveraineté du Maroc sur son Sahara. Je crois que certains sont restés enfermés dans une lecture idéologique déconnectée de la réalité historique. En tant qu’homme de gauche et professeur d’histoire, je le dis : la Marche Verte est un acte d’affirmation légitime, une page d’histoire qui s’inscrit dans le combat pour l’autodétermination des peuples. Aujourd’hui, la gauche française doit être cohérente avec ses principes.
Votre visite s’est prolongée à Dakhla. Que représente politiquement cette étape ?
Affirmer la souveraineté du Maroc sur son Sahara, ce n’est pas seulement le proclamer à Rabat ou à Paris, c’est venir dans les provinces du Sud, constater la dynamique de développement et s’y engager. À Dakhla, j’ai rencontré les autorités locales, visité le site du futur port atlantique, échangé sur le potentiel des énergies renouvelables. Dakhla est aujourd’hui une plateforme africaine tournée vers l’Atlantique, symbole du Maroc moderne et ouvert. En venant à Dakhla, je voulais démontrer concrètement l’alignement de mes paroles et de mes actes.
Les entreprises françaises ont-elles un rôle à jouer dans ce développement saharien ?
Oui, mais à condition de respecter pleinement la souveraineté et le développement local. À Dakhla, des entreprises montpelliéraines sont déjà engagées dans des projets d’énergie verte. Cela montre qu’une coopération économique équilibrée est possible. Toute entreprise française investissant au Maroc doit le faire dans une logique de partenariat durable, en s’appuyant sur les compétences marocaines, en contribuant à l’emploi local, en participant au développement humain.
Quel rôle joue aujourd’hui la diaspora marocaine en France, notamment à Montpellier ?
La diaspora marocaine est une chance. Elle participe pleinement au dynamisme économique, scientifique et culturel de nos villes. À Montpellier, les Marocains de France sont des ingénieurs, des médecins, des entrepreneurs, des chercheurs. Ils incarnent une relation humaine vivante, forte, qui dépasse les aléas diplomatiques. Ils sont les premiers bâtisseurs du partenariat franco-marocain de demain.
Quel horizon politique tracez-vous pour la relation franco-marocaine ?
Nous devons construire une relation stratégique d’égal à égal, tournée vers l’avenir. Dans un monde fracturé, instable, l’amitié franco-marocaine peut devenir un exemple inspirant. C’est une responsabilité politique immense : offrir à nos peuples un partenariat fondé sur la confiance, la souveraineté respectée et le développement partagé. Cette ambition, je la porte avec conviction. n
Michaël Delafosse : Ce déplacement s’inscrit dans une démarche politique assumée : affirmer que Montpellier, et plus largement la France, doivent bâtir une relation nouvelle avec le Maroc. Une relation d’égal à égal, fondée sur la reconnaissance mutuelle, la souveraineté respectée et la coopération stratégique. À Fès, dès les premières heures de mon séjour, j’ai été frappé par la puissance culturelle du Maroc. La visite de la bibliothèque Qarawiyyine, où sont conservés des trésors comme une Bible du XIIe siècle écrite en arabe, un manuel de médecine médiévale en poésie ou un manuscrit d’Averroès, nous rappelle que le Maroc est une civilisation savante, tolérante et profondément enracinée dans l’universel. Ce patrimoine exceptionnel nous oblige politiquement : nous devons construire des ponts solides entre nos institutions, nos universités, nos jeunesses.
Quels axes concrets de coopération avez-vous identifiés au cours de cette tournée ?
D’abord l’enseignement supérieur et l’innovation. Avec le président de l’Université de Fès et les responsables de la formation en ingénierie, nous avons posé les bases d’une coopération entre l’Université de Fès et Polytech Montpellier pour accompagner le Projet Royal de formation de 10.000 ingénieurs marocains. Ensuite, la transition écologique. À Rabat et Tanger, les discussions sur la gestion de l’eau, et particulièrement la réutilisation des eaux usées, ont montré qu’on peut collaborer ensemble sur plusieurs projets. Nous avons travaillé également avec les équipes du ministère de la Culture sur des projets dans les industries créatives, notamment le secteur du jeu vidéo. À Montpellier, nous disposons d’un écosystème très dynamique dans ce domaine. Le Maroc a une jeunesse créative, ambitieuse et nous devons créer des passerelles : accueillir des jeunes entrepreneurs marocains à Montpellier, favoriser des coproductions, soutenir la mobilité des créateurs.
À Rabat, vous avez rencontré Nasser Bourita, ministre marocain des Affaires étrangères. Quelle position politique lui avez-vous exposée ?
J’ai affirmé, au nom de Montpellier, une position claire : la souveraineté du Maroc sur son Sahara ne souffre aucune contestation. Il ne s’agit pas seulement de convictions personnelles, mais d’une lecture historique rigoureuse. Le Sahara est marocain et la Marche Verte fut un acte de souveraineté légitime face à la colonisation. Cette reconnaissance doit être le socle d’une relation politique apaisée et ambitieuse entre nos deux nations. J’ai également insisté sur l’urgence d’une relation fondée sur l’égalité. Le Maroc avance à pas de géant et mérite un partenariat franc et respectueux.
La France a toutefois tardé à reconnaître officiellement cette souveraineté. Comment expliquez-vous ce retard ?
Ce retard a été, à mon sens, une erreur stratégique. La reconnaissance était historiquement fondée depuis longtemps. ll a fallu une mobilisation discrète mais constante d’élus, d’universitaires, de diplomates attachés à l’amitié franco-marocaine pour faire évoluer les lignes à Paris. La reconnaissance formelle, annoncée en 2024, intervient à un moment clef : avant les grandes commémorations de la Marche Verte et des accords de la Celle-Saint-Cloud. Mais la France aurait dû être pionnière sur ce dossier, fidèle à ses propres engagements et à ses liens profonds avec le Maroc.
La relation France-Algérie reste complexe. Cette tension a-t-elle influé sur le repositionnement diplomatique français au Maroc ?
La relation de la France avec l’Algérie est lourde d’une histoire coloniale douloureuse. Les tentatives de réconciliation n’ont pas produit les résultats espérés. Face à cela, il était logique de consolider nos liens avec le Maroc, un partenaire fiable, tourné vers l’avenir, porteur d’une ambition commune pour la Méditerranée. La relation avec le Maroc n’est pas une alternative : elle est un socle stratégique naturel pour la France.
Pourtant, au sein de votre famille politique (socialiste), certaines voix de gauche restent réservées sur la question du Sahara. Comment l’expliquez-vous ?
C’est un paradoxe. La gauche, qui a historiquement défendu l’émancipation des peuples, devrait être la première à soutenir la souveraineté du Maroc sur son Sahara. Je crois que certains sont restés enfermés dans une lecture idéologique déconnectée de la réalité historique. En tant qu’homme de gauche et professeur d’histoire, je le dis : la Marche Verte est un acte d’affirmation légitime, une page d’histoire qui s’inscrit dans le combat pour l’autodétermination des peuples. Aujourd’hui, la gauche française doit être cohérente avec ses principes.
Votre visite s’est prolongée à Dakhla. Que représente politiquement cette étape ?
Affirmer la souveraineté du Maroc sur son Sahara, ce n’est pas seulement le proclamer à Rabat ou à Paris, c’est venir dans les provinces du Sud, constater la dynamique de développement et s’y engager. À Dakhla, j’ai rencontré les autorités locales, visité le site du futur port atlantique, échangé sur le potentiel des énergies renouvelables. Dakhla est aujourd’hui une plateforme africaine tournée vers l’Atlantique, symbole du Maroc moderne et ouvert. En venant à Dakhla, je voulais démontrer concrètement l’alignement de mes paroles et de mes actes.
Les entreprises françaises ont-elles un rôle à jouer dans ce développement saharien ?
Oui, mais à condition de respecter pleinement la souveraineté et le développement local. À Dakhla, des entreprises montpelliéraines sont déjà engagées dans des projets d’énergie verte. Cela montre qu’une coopération économique équilibrée est possible. Toute entreprise française investissant au Maroc doit le faire dans une logique de partenariat durable, en s’appuyant sur les compétences marocaines, en contribuant à l’emploi local, en participant au développement humain.
Quel rôle joue aujourd’hui la diaspora marocaine en France, notamment à Montpellier ?
La diaspora marocaine est une chance. Elle participe pleinement au dynamisme économique, scientifique et culturel de nos villes. À Montpellier, les Marocains de France sont des ingénieurs, des médecins, des entrepreneurs, des chercheurs. Ils incarnent une relation humaine vivante, forte, qui dépasse les aléas diplomatiques. Ils sont les premiers bâtisseurs du partenariat franco-marocain de demain.
Quel horizon politique tracez-vous pour la relation franco-marocaine ?
Nous devons construire une relation stratégique d’égal à égal, tournée vers l’avenir. Dans un monde fracturé, instable, l’amitié franco-marocaine peut devenir un exemple inspirant. C’est une responsabilité politique immense : offrir à nos peuples un partenariat fondé sur la confiance, la souveraineté respectée et le développement partagé. Cette ambition, je la porte avec conviction. n