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Moudawana : l’USFP pour une relecture de la notion de la «Qiwamah»

Alors que le débat autour de la réforme de la Moudawana a tendance à se banaliser, Matin TV continue de donner la parole aux différents acteurs concernés, qu’ils soient politiques ou de la société civile. Dans ce cadre, «L’Info en Face» a reçu, le 12 février dernier, Malika Zekhnini, membre du bureau politique de l’Union socialiste des forces populaires, pour exposer la vision de ce parti de gauche ainsi que ses remarques s’agissant de la réforme en cours du Code de la famille.

Malika Zekhnini, membre du bureau politique de l’USFP
Malika Zekhnini, membre du bureau politique de l’USFP
Si la réforme du Code de la famille alimente de moins en moins les discussions sur les réseaux sociaux, elle fait toujours débat dans les sphères politiques et de la société civile. Pour accompagner cette dynamique, «L’Info En Face» a reçu Malika Zekhnini, membre du bureau politique de l’Union socialiste des forces populaires (USFP) qui a exposé la vision du parti sur cette question cruciale.

Pour une réforme équilibrée et adaptée aux réalités actuelles

Répondant aux questions de notre confrère Rachid Hallaouy, Mme Zekhnini a insisté sur l’importance d’une réforme du le Code de la famille qui puisse permettre de réguler les relations familiales en assurant un équilibre entre les droits des époux et, surtout, en protégeant les droits des enfants. «La famille est plus qu’un simple contrat entre un homme et une femme. C’est aussi et surtout des enfants, qui doivent voir leurs droits protégés par un cadre juridique moderne et adapté aux réalités actuelles», a-t-elle affirmé.



Dans ce sens, l’USFP milite pour une révision de la Moudawana à même d’instaurer un équilibre reposant sur l’égalité et l’équité, a expliqué Mme Zekhnini. «Il est essentiel d’avoir un Code de la famille qui prend en compte l’ensemble des composantes de la cellule familiale et qui revisite l’équilibre actuel», a-t-elle ajouté, précisant que l’USFP milite pour une refonte basée sur les principes d’égalité et d’équité, loin des considérations idéologiques et des postures figées. «Je considère que l’un des points essentiels à prendre en considération est que la femme a aujourd’hui un pouvoir économique. Ce n’est plus l’apanage de l’homme».

Selon l’invitée de «L’Info en Face», le modèle traditionnel basé sur la notion de la Qiwamah (prééminence masculine légitimant la prise ne charge de la famille), où l’homme était le principal pourvoyeur des besoins familiaux, doit être révisé à la lumière des changements socio-économiques actuels. «Les relations au sein de la famille étaient bâties sur cette notion, c’est-à-dire que c’est l’homme qui avait le pouvoir et le devoir de prendre en charge sa famille avec toute l’autorité qui en découle. Aujourd’hui, cette tâche est partagée. Plus encore, 20% des femmes assument cette responsabilité de manière exclusive», a-t-elle souligné.



Pour l’USFP, ces mutations doivent impérativement être accompagnées par des réformes juridiques garantissant une plus grande égalité entre les hommes et les femmes dans la sphère familiale. L’élaboration d’un cadre légal plus équilibré et adapté aux évolutions de la société permettrait de mieux protéger les droits des femmes, estime Mme Zekhnini.

Un texte juridique en phase avec les mutations sociales

Défenseure invétérée de l’égalité, l’Union socialiste des forces populaires (USFP) soutient la nécessité de s’aligner sur les défis contemporains, notamment par le biais de l’Ijtihad qui ne peut plus être une démarche abstraite détachée du contexte social et économique actuel. Dans cet esprit, Malika Zekhnini a rappelé : «Tout Ijtihad ne peut être effectué loin des circonstances qui l’entourent. L’écosystème dans lequel nous évoluons aujourd’hui est tout à fait différent de celui qui prévalait lors de l’instauration de ce système», a-t-elle analysé. À ses yeux, l’époque actuelle, avec ses évolutions sociales et culturelles, appelle une révision du texte. «Aujourd’hui nous avons des oulémas tout à fait capables de faire l’effort nécessaire pour trouver une harmonie entre ces évolutions et le texte sacré», a-t-elle soutenu.

Cet effort doit être mis à contribution, selon Mme Zekhnini, pour trouver des solutions adéquates à des questions épineuses et des problématiques comme la question de la reconnaissance de la filiation par le recours aux tests ADN. Selon cette militante socialistes, chaque année, entre 5.000 et 8.000 naissances hors mariage sont enregistrées au Maroc, un chiffre qui ne prend pas en compte le nombre élevé d’avortements clandestins. L’USFP plaide dès lors pour une responsabilisation paternelle obligatoire afin de protéger ces enfants et garantir leurs droits fondamentaux, relève Mme Zekhnini. «Le refus de reconnaître la paternité par test ADN perpétue une injustice où seuls la femme et l’enfant sont sanctionnés, tandis que l’homme échappe à toute responsabilité», a-t-elle expliqué, rappelant que son parti dénonçait également le paradoxe d’un État qui prévoit une banque d’ADN pour les affaires criminelles, mais qui refuse son utilisation pour établir la filiation.

Égalité successorale, polygamie, mariages des mineures...

Autre point sensible de cette réforme : la question de l’égalité dans le régime successoral. L’USFP s’est historiquement positionné en faveur d’une révision de cette législation afin de garantir l’égalité entre hommes et femmes. «L’USFP a toujours eu l’audace et le courage d’exprimer ses positions clairement. Il a été l’un des premiers à poser la question de la réforme du régime successoral au Maroc», a rappelé Mme Zekhnini.

S’agissant du mariage des mineurs et de la polygamie, l’invitée de Rachid Hallaouy a mis en lumière la position de son Parti. Elle a souligné à cet égard que l’USFP avait toujours plaidé pour un durcissement des règles afin de garantir une meilleure protection des droits des femmes et des enfants. Selon Malika Zekhnini, un enfant ne peut être en mesure d’assumer les responsabilités qu’implique une union conjugale. Donc, pour elle, le mariage des mineurs est une pratique qui perpétue les inégalités et expose les jeunes filles, en particulier, à des risques accrus de précarité et de violences.

Sachant que le projet de réforme en cours maintient une dérogation qui permet le mariage à partir de 17 ans sous certaines conditions, Mme Zakhnini a estimé que de telles dispositions laissaient la porte ouverte à des pressions familiales, voire à des abus. «Il est nécessaire de lever toute ambiguïté en fixant un âge minimum légal du mariage à 18 ans sans exception», a-t-elle martelé.

Pour ce qui est de la polygamie, et bien qu’elle soit en nette régression, ne représentant plus qu’environ 1% des unions, son existence continue de susciter des controverses. Malika Zekhnini souligne que l’USFP récuse les justifications traditionnelles de cette pratique et plaide pour une réforme qui garantirait une égalité stricte entre les époux.

La législation actuelle impose déjà des conditions strictes pour qu’un homme puisse contracter un second mariage, notamment l’accord de la première épouse et une autorisation judiciaire. Mais ces mesures ne suffisent pas pour l’USFP qui souhaite aller plus loin en interdisant purement et simplement la polygamie, afin d’assurer une égalité totale entre les conjoints, indique l’invitée de «L’Info en Face».
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