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Organisations syndicales et patronales : ce que propose l’Union nationale du travail au Maroc

Dans le contexte d’une réforme attendue depuis des années, l’Union nationale du travail au Maroc (UNTM) vient de déposer une proposition de loi visant à encadrer les organisations syndicales et patronales. Cette initiative, portée par les conseillers Khalid Setti et Loubna Alaoui, intervient alors que le gouvernement prépare son propre projet de loi, qui était prévu normalement pour ce mois de juillet 2024. L’ambition est claire : moderniser le paysage syndical marocain en instaurant des règles de transparence, de démocratie interne et de bonne gouvernance.

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Le paysage syndical marocain s’apprête à connaître un bouleversement majeur. Après des années d’attente et de promesses non tenues, c’est finalement du côté des syndicats eux-mêmes que vient l’initiative. L’Union nationale du travail au Maroc (UNTM) a en effet déposé une proposition de loi ambitieuse visant à encadrer les organisations syndicales et patronales. Un coup de théâtre qui pourrait bien accélérer la réforme tant attendue du cadre légal régissant les syndicats au Maroc, sachant que ce syndicat n’est pas associé au dialogue social.

Une longue gestation marquée par l’attentisme

Depuis le gouvernement d’alternance de Abderrahmane El Youssoufi, la question d’une loi encadrant les organisations syndicales est sur la table. Plusieurs moutures ont été préparées au fil des ans, mais aucune n’a réussi à franchir le cap du circuit législatif. La résistance des organisations syndicales elles-mêmes a souvent été pointée du doigt pour expliquer ces échecs successifs.

Le projet le plus abouti jusqu’à présent avait été élaboré par Jamal Rhmani, ancien ministre de l’Emploi et spécialiste reconnu du droit syndical. Mais là encore, le texte n’avait pas réussi à s’imposer. Avec l’arrivée aux affaires du gouvernement actuel, le sujet a été remis sur le tapis dans le cadre du dialogue social. Younes Sekkouri, ministre de l’Inclusion économique, de la petite entreprise, de l’emploi et des compétences, a même annoncé en début d’année que le projet de loi relatif aux organisations syndicales devrait voir le jour en juillet 2024, mais rien n’a encore été dévoilé dans ce sens.

Une initiative syndicale qui bouscule l’agenda gouvernemental

C’est dans ce contexte que l’UNTM a décidé de prendre les devants. Khalid Setti, syndicaliste élu à la Chambre des conseillers, explique cette démarche : «Nous avons estimé qu’il était temps de déposer une proposition de loi dans ce sens». Il est urgent d’adopter une loi sur les syndicats pour encadrer le travail des organisations syndicales et améliorer leur performance organisationnelle et financière, a-t-il appelé en s’adressant au Chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, à la Chambre des conseillers, lors de la dernière séance plénière mensuelle de réponse aux questions relatives aux politiques publiques. «Dans ce contexte, nous avons présenté une initiative législative concernant la loi sur les organisations syndicales et les organisations professionnelles des employeurs. Nous espérons que vous réagirez positivement à cette proposition, comme vous l’avez fait pour notre précédente initiative, élaborée conjointement avec d’autres partenaires, visant à créer l’Institution commune pour la promotion des œuvres sociales au profit des fonctionnaires et agents des administrations gouvernementales», avait-il déclaré.

La proposition de loi, élaborée par Khalid Setti et sa collègue Loubna Alaoui au nom de l’UNTM, vise à combler un vide juridique persistant. Elle s’inspire largement des principes constitutionnels et des conventions internationales ratifiées par le Maroc en matière de droit syndical. «Notre objectif est de garantir la convergence et l’harmonie législative entre les lois régissant les syndicats et les organisations professionnelles, et celles régissant les partis politiques, compte tenu de la place que la Constitution accorde à ces instances», précise la note de présentation du texte.

Un cadre légal pour moderniser le paysage syndical

La proposition de loi de l’UNTM s’articule autour de sept chapitres qui couvrent l’ensemble des aspects de la vie syndicale, mais également les organisations professionnelles des employeurs. De la création des organisations à leur financement, en passant par leur gouvernance interne, le texte ambitionne de poser les bases d’un syndicalisme moderne et transparent.

L’un des points clés concerne les conditions de création. La proposition stipule que «toute création d’une organisation syndicale de salariés ou d’une organisation professionnelle d’employeurs visant à porter atteinte à la religion islamique, au régime monarchique, aux principes constitutionnels, aux fondements démocratiques, à l’unité nationale ou territoriale du Royaume ou aux droits de l’Homme, ou comportant des manifestations de discrimination fondée sur la religion, la langue, l’ethnie ou la région, est considérée comme nulle et non avenue». Cette disposition vise clairement à prévenir toute dérive ou instrumentalisation des syndicats à des fins politiques ou idéologiques. Elle s’inscrit dans la continuité des principes constitutionnels marocains tout en garantissant la liberté syndicale dans le respect du cadre légal.

Transparence financière et démocratie interne : les maîtres-mots de la réforme

Un autre aspect crucial de la proposition concerne la gestion financière des syndicats. Le texte prévoit que «la gestion financière des organisations professionnelles de salariés et des organisations professionnelles est effectuée selon un système comptable spécifique à chaque type d’organisation, publié par décision de l’autorité gouvernementale chargée des Finances».

Cette disposition vise à instaurer une plus grande transparence dans la gestion des fonds syndicaux, qu’ils proviennent des cotisations des membres ou des subventions publiques. La proposition va même plus loin en prévoyant que «tout usage total ou partiel du financement public accordé par l’État à des fins autres que celles pour lesquelles il a été accordé est considéré comme un détournement de fonds publics, punissable en tant que tel conformément à la loi».

La démocratie interne est également au cœur du projet. La proposition prévoit que les statuts des organisations syndicales et professionnelles doivent inclure «les règles garantissant le respect des principes démocratiques qui permettent à tout membre de l’organisation de participer effectivement à la gestion et à l’administration de ses différentes structures».

Un nouveau souffle pour le dialogue social ?

Si elle venait à être adoptée, cette proposition de loi pourrait bien donner un nouveau souffle au paysage syndical. La proposition de loi de l’UNTM a le mérite de lancer un débat national sur l’avenir du syndicalisme au Maroc. Au-delà des aspects techniques et juridiques, c’est bien la place et le rôle des syndicats dans la société marocaine qui sont en jeu. Toutefois, le chemin vers l’adoption de ce texte reste semé d’embûches. Le gouvernement, qui prépare son propre projet de loi, pourrait voir d’un mauvais œil cette initiative parlementaire qui vient bousculer son agenda. Les autres centrales syndicales pourraient également émettre des réserves sur certaines dispositions du texte.

Le gouvernement, qui prépare son propre projet de loi, devra désormais composer avec cette initiative parlementaire. Younes Sekkouri, le ministre de tutelle, avait assuré que le projet gouvernemental serait discuté dans le cadre des rounds du dialogue social. Mais la proposition de l’UNTM pourrait bien accélérer le calendrier et forcer le gouvernement à dévoiler ses cartes plus tôt que prévu.
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