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Parlement : les deux tiers des questions au gouvernement restent sans réponses

Les parlementaires marocains parlent-t-ils dans le vide ? Avec 2.932 questions posées, mais un taux de réponse de seulement 34% et un délai moyen d’attente de 75 jours, cette interrogation n’a rien de cynique, bien au contraire, elle a tout lieu d’être soulevée. C’est ce que confirme d’ailleurs le dernier rapport de Tafra qui met en lumière un grand déséquilibre entre l’initiative parlementaire et la réactivité gouvernementale. Si les députés, notamment ceux de l’opposition et les nouveaux élus, s’efforcent d’exercer leur rôle de contrôle, l’exécutif, lui, esquive, temporise ou ignore. Faut-il y voir une crise de la démocratie parlementaire au Maroc? Décryptage d’un dialogue de sourds entre le législatif et l’exécutif.

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Le Parlement marocain est-il réellement un contre-pouvoir efficace ? Une question qui mérite d’être posée au vu des chiffres contenus dans le dernier rapport de Tafra, centre de recherche spécialisé dans l’analyse des politiques publiques. Publié fin janvier 2025, le document, basé sur les données de six sessions parlementaires (2021-2026), dresse un tableau détaillé des questions parlementaires posées au gouvernement et du taux de réponse de l’exécutif. Si la quantité de questions posées par les députés témoigne d’un certain dynamisme, la capacité du gouvernement à y répondre semble quant à elle beaucoup plus limitée.

Décryptage d’un contrôle parlementaire sous tension

D’après le rapport de Tafra, 2.932 questions ont été posées par les députés lors des six sessions parlementaire de la législature en cours (2021-2026). Pourtant, le taux de réponse du gouvernement demeure faible : seulement 34% des questions ont reçu une réponse. Un manque de réactivité de l’exécutif qui interroge. Pourquoi tant de questions restent-elles sans réponse ? Le règlement intérieur de la Chambre des représentants impose au gouvernement un délai de 20 jours pour répondre aux interrogations des députés. Or le délai moyen observé est bien supérieur : 44 jours pour le ministère de l’Éducation nationale, 75 jours pour l’Intérieur et jusqu’à 91 jours pour les Habous et affaires islamiques. Un constat qui illustre la lenteur, voire l’inefficacité du suivi gouvernemental.



Par ailleurs, au-delà du seul suivi des questions parlementaires, c’est l’ensemble du rendement législatif qui est en cause. Selon un rapport de l’association «SimSim – Participation et citoyenneté», publié en septembre 2024, sur les 350 propositions de loi soumises par les 395 députés au cours des trois dernières années, 95,6% ont été rejetées, soit seulement 16 propositions adoptées. Ce taux de rejet extrêmement élevé pose une question cruciale : le Parlement est-il réellement en mesure d’influencer la politique du pays et de remplir convenablement ses missions constitutionnelles ?

L’opposition en première ligne Sans surprise, 65% des questions proviennent de l’opposition, confirmant son rôle central dans le contrôle de l’action gouvernementale. Parmi les groupes les plus actifs, l’Union socialiste des forces populaires (USFP) et le Mouvement populaire (MP) mènent la danse. La première a posé 615 questions, le second 685. Côté majorité, l’implication est bien plus timide. Le Rassemblement national des indépendants (RNI), parti majoritaire, a posé 437 questions, soit deux fois moins que l’opposition. Un équilibre qui reflète la dynamique classique du Parlement, où les élus de la majorité soutiennent généralement le gouvernement et évitent de l’accabler de questions trop embarrassantes. Puis, contrairement aux idées reçues, ce ne sont pas les députés les plus expérimentés qui posent le plus de questions. Les nouveaux élus (30% de l’hémicycle) sont bien plus actifs, avec 12 questions en moyenne par député, contre 4 pour les anciens parlementaires. Le rapport relève également un autre constat intéressant. Les femmes députées sont plus engagées que leurs homologues masculins. Alors qu’elles ne représentent que 24% de l’Assemblée, elles posent en moyenne 9 questions par élue, contre 6 pour les hommes. Un signe que la faible représentation des femmes au Parlement ne freine pas leur dynamisme.

Un contrôle limité, une démocratie en sursis ? Au-delà des chiffres, ce rapport soulève une question de fond sur l’efficacité du contrôle parlementaire au Maroc. Le Parlement joue-t-il pleinement son rôle lorsqu’il questionne un gouvernement qui lui répond à peine ? Cette situation pose un réel problème de transparence et d’équilibre des pouvoirs. En effet, si le gouvernement ignore délibérément une grande partie des questions des députés, n’assiste-t-on pas à une mise en scène du contrôle parlementaire plus qu’à un exercice réel du pouvoir législatif ? Une question que la présidence de la Chambre des représentants, tout comme l’exécutif, devra inévitablement affronter.
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