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Piratage audiovisuel : l’autre défi à relever pour la CAN 2025

À l’ère du sport business et des plateformes numériques, le succès d’une grande compétition ne se joue plus uniquement sur le terrain, mais aussi dans la capacité à protéger les droits y afférents, à en assurer une exploitation légale. La Coupe d’Afrique des nations 2025, qui débute dans une semaine au Maroc, cristallise ce défi : elle est à la fois une vitrine sportive majeure et un test grandeur nature pour la sécurité audiovisuelle du continent. Conscientes de l’ampleur de la menace que représente un piratage devenu instantané, massif et industriel, les autorités marocaines ont réuni à Rabat, en amont de la compétition, des partenaires internationaux, des régulateurs et des acteurs de l’industrie culturelle dans le cadre d’un séminaire dédié à la lutte contre le piratage audiovisuel. L’objectif : croiser les expertises, renforcer la coopération et consolider les dispositifs de protection des contenus, dans un contexte où le sport en direct est devenu la cible privilégiée des réseaux criminels.

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À l’approche de la Coupe d’Afrique des nations 2025, que le Maroc s’apprête à accueillir dans quelques jours, la question du piratage audiovisuel s’impose comme un enjeu stratégique de premier plan. Bien au-delà du débat juridique lié aux droits de diffusion, ce phénomène interroge la capacité des États à protéger leurs écosystèmes culturels, leurs infrastructures numériques et, plus largement, leur souveraineté médiatique à l’ère des plateformes globalisées. C’est dans ce contexte que Rabat a accueilli un séminaire international consacré à la lutte contre le piratage audiovisuel, réunissant autorités publiques, partenaires européens, acteurs de l’industrie culturelle et organisations internationales. Une initiative louable qui témoigne d’une prise de conscience croissante de l’ampleur de cette menace, et de la nécessité d’apporter les réponses adéquates.

Le piratage, symptôme des fragilités de l’économie numérique

Les échanges ont ainsi mis en lumière que le piratage audiovisuel ne relevait plus de pratiques marginales ou artisanales. Il s’inscrit désormais dans une économie criminelle organisée, transnationale et technologiquement sophistiquée, exploitant les failles des systèmes juridiques, la lenteur des procédures et la fragmentation des compétences institutionnelles. Dans ce contexte, force est de reconnaître que le Maroc occupe une position ambivalente. Carrefour numérique entre l’Afrique, l’Europe et le Moyen-Orient, le Royaume dispose d’infrastructures de télécommunications, d’hébergement et de paiement qui constituent de puissants leviers de développement. Mais cette centralité peut aussi être exploitée par des réseaux criminels opérant à l’échelle régionale et internationale. Elle fait ainsi du Maroc une cible privilégiée mais aussi un acteur clé de la riposte.

Les droits d’auteur au cœur du modèle de développement

Dans ce cadre, l’intervention du ministre de la Communication a inscrit la lutte contre le piratage dans une perspective plus large, celle du modèle de développement du Royaume. Sous les Hautes Directives de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, a-t-il rappelé, le Maroc a fait le choix d’une émergence inclusive, fondée sur la confiance dans les institutions, la solidité de l’État de droit et la valorisation de la créativité culturelle. Les droits d’auteur et les droits voisins apparaissent dès lors comme un pilier structurant de cette vision, garantissant la reconnaissance et la protection des créateurs face aux vulnérabilités induites par la révolution numérique.



Le rappel du Message Royal adressé aux Assemblées annuelles de la Banque mondiale et du FMI à Marrakech en 2023, mettant en garde contre la montée des menaces cybernétiques, souligne que le piratage ne saurait être dissocié des enjeux globaux de sécurité numérique et de confiance dans l’espace digital. Reste toutefois la question centrale de l’effectivité : comment traduire cette ambition politique en mécanismes opérationnels capables de produire des résultats concrets, notamment à l’approche d’un événement de la taille de la CAN 2025 et des enjeux commerciaux qui vont avec ?

Coopération euro-marocaine : un levier stratégique

Pour Paul-Henri Presset, chef de la section Commerce à la délégation de l’Union européenne, une importance particulière doit être accordée à la coopération et au travail collectif. Alors que l’Union européenne continue d’affiner son cadre réglementaire, notamment en matière de mécanismes de blocage rapide des contenus diffusés illégalement en direct, un potentiel significatif de renforcement de la coopération avec le Maroc se dessine. Celle-ci pourrait porter sur le partage d’informations, le renforcement des capacités en matière d’application numérique de la législation, ainsi que le soutien aux solutions technologiques permettant la détection et la réaction en temps réel. «La protection des contenus sportifs en direct n’est pas simplement une question de propriété intellectuelle. Il s’agit d’une question culturelle, économique et stratégique, qui reflète notre engagement commun en faveur de l’État de droit, de la concurrence loyale et du développement durable du sport», a-t-il souligné.

Un piratage plus rapide, plus structuré, plus criminel

Sauf que l’évolution du piratage suscite une inquiétude croissante. À ce titre, Gérard Bourlon, vice-président global Content Protection Legal à la Motion Picture Association (MPA), a dressé un constat sans concession : «Le paysage du piratage n’a plus rien à voir avec celui d’il y a dix ans.» Le phénomène est aujourd’hui professionnalisé, industrialisé et profondément ancré dans l’économie criminelle. Des plateformes de streaming illégales se présentent comme des services parfaitement légitimes, avec abonnements, assistance client et offres commerciales comparables à celles des diffuseurs officiels. Plus préoccupant encore, les outils nécessaires pour lancer ces activités sont désormais accessibles en ligne, donnant naissance à ce qu’Europol qualifie de «piracy as a

service».

Le sport en direct, cible prioritaire des réseaux criminels

Si le piratage touchait historiquement principalement les films et les séries, le sport en direct est devenu la nouvelle cible privilégiée des réseaux criminels. Cette évolution a conduit l’Alliance for Creativity and Entertainment (ACE) à intégrer de nouveaux acteurs issus du monde sportif, dont l’UEFA, première fédération sportive à rejoindre cette alliance internationale. À l’approche de la CAN 2025, cette menace prend une dimension particulière. La diffusion illégale de matchs en direct est appelée à se multiplier, faisant peser des risques majeurs sur les droits audiovisuels, les investissements, mais aussi sur la sécurité des consommateurs, exposés aux logiciels malveillants, aux escroqueries et aux vols de données personnelles.

Vers une stratégie globale et coordonnée

Face à cette réalité, Gérard Bourlon a insisté sur la nécessité d’une réponse globale et intégrée. La stratégie de la MPA repose sur une approche à 360 degrés, combinant détection en temps réel des violations, actions judiciaires et pénales, coopération avec les autorités, modernisation des cadres législatifs, sécurisation des contenus dès leur production et sensibilisation du public. «Chaque clic est un choix», a-t-il rappelé, soulignant que le piratage ne fragilise pas uniquement les grandes entreprises, mais affaiblit l’ensemble des écosystèmes culturels, prive les économies locales de recettes fiscales et décourage l’investissement.

Le Maroc, un leadership régional affirmé

Pour les intervenants, le choix de Rabat pour accueillir ce séminaire n’est pas anodin. Il traduit la volonté du Maroc de s’affirmer comme un acteur central et responsable de la lutte contre le piratage audiovisuel à l’échelle régionale. En réunissant autorités publiques, régulateurs, ayants droit, plateformes et partenaires internationaux, le Royaume adresse un message clair : la protection de la création et de la souveraineté numérique constitue une priorité stratégique durable, bien au-delà de la CAN 2025. Dans un environnement numérique en mutation rapide, la lutte contre le piratage apparaît ainsi comme un combat collectif, à la croisée des enjeux culturels, économiques et sécuritaires, appelant des réponses coordonnées, innovantes et résolument tournées vers l’avenir.
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