À l’approche de la Coupe d’Afrique des nations 2025, que le Maroc s’apprête à accueillir dans quelques jours, la question du piratage audiovisuel s’impose comme un enjeu stratégique de premier plan. Bien au-delà du débat juridique lié aux droits de diffusion, ce phénomène interroge la capacité des États à protéger leurs écosystèmes culturels, leurs infrastructures numériques et, plus largement, leur souveraineté médiatique à l’ère des plateformes globalisées. C’est dans ce contexte que Rabat a accueilli un séminaire international consacré à la lutte contre le piratage audiovisuel, réunissant autorités publiques, partenaires européens, acteurs de l’industrie culturelle et organisations internationales. Une initiative louable qui témoigne d’une prise de conscience croissante de l’ampleur de cette menace, et de la nécessité d’apporter les réponses adéquates.
Le rappel du Message Royal adressé aux Assemblées annuelles de la Banque mondiale et du FMI à Marrakech en 2023, mettant en garde contre la montée des menaces cybernétiques, souligne que le piratage ne saurait être dissocié des enjeux globaux de sécurité numérique et de confiance dans l’espace digital. Reste toutefois la question centrale de l’effectivité : comment traduire cette ambition politique en mécanismes opérationnels capables de produire des résultats concrets, notamment à l’approche d’un événement de la taille de la CAN 2025 et des enjeux commerciaux qui vont avec ?
service».
Le piratage, symptôme des fragilités de l’économie numérique
Les échanges ont ainsi mis en lumière que le piratage audiovisuel ne relevait plus de pratiques marginales ou artisanales. Il s’inscrit désormais dans une économie criminelle organisée, transnationale et technologiquement sophistiquée, exploitant les failles des systèmes juridiques, la lenteur des procédures et la fragmentation des compétences institutionnelles. Dans ce contexte, force est de reconnaître que le Maroc occupe une position ambivalente. Carrefour numérique entre l’Afrique, l’Europe et le Moyen-Orient, le Royaume dispose d’infrastructures de télécommunications, d’hébergement et de paiement qui constituent de puissants leviers de développement. Mais cette centralité peut aussi être exploitée par des réseaux criminels opérant à l’échelle régionale et internationale. Elle fait ainsi du Maroc une cible privilégiée mais aussi un acteur clé de la riposte.Les droits d’auteur au cœur du modèle de développement
Dans ce cadre, l’intervention du ministre de la Communication a inscrit la lutte contre le piratage dans une perspective plus large, celle du modèle de développement du Royaume. Sous les Hautes Directives de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, a-t-il rappelé, le Maroc a fait le choix d’une émergence inclusive, fondée sur la confiance dans les institutions, la solidité de l’État de droit et la valorisation de la créativité culturelle. Les droits d’auteur et les droits voisins apparaissent dès lors comme un pilier structurant de cette vision, garantissant la reconnaissance et la protection des créateurs face aux vulnérabilités induites par la révolution numérique.Le rappel du Message Royal adressé aux Assemblées annuelles de la Banque mondiale et du FMI à Marrakech en 2023, mettant en garde contre la montée des menaces cybernétiques, souligne que le piratage ne saurait être dissocié des enjeux globaux de sécurité numérique et de confiance dans l’espace digital. Reste toutefois la question centrale de l’effectivité : comment traduire cette ambition politique en mécanismes opérationnels capables de produire des résultats concrets, notamment à l’approche d’un événement de la taille de la CAN 2025 et des enjeux commerciaux qui vont avec ?
Coopération euro-marocaine : un levier stratégique
Pour Paul-Henri Presset, chef de la section Commerce à la délégation de l’Union européenne, une importance particulière doit être accordée à la coopération et au travail collectif. Alors que l’Union européenne continue d’affiner son cadre réglementaire, notamment en matière de mécanismes de blocage rapide des contenus diffusés illégalement en direct, un potentiel significatif de renforcement de la coopération avec le Maroc se dessine. Celle-ci pourrait porter sur le partage d’informations, le renforcement des capacités en matière d’application numérique de la législation, ainsi que le soutien aux solutions technologiques permettant la détection et la réaction en temps réel. «La protection des contenus sportifs en direct n’est pas simplement une question de propriété intellectuelle. Il s’agit d’une question culturelle, économique et stratégique, qui reflète notre engagement commun en faveur de l’État de droit, de la concurrence loyale et du développement durable du sport», a-t-il souligné.Un piratage plus rapide, plus structuré, plus criminel
Sauf que l’évolution du piratage suscite une inquiétude croissante. À ce titre, Gérard Bourlon, vice-président global Content Protection Legal à la Motion Picture Association (MPA), a dressé un constat sans concession : «Le paysage du piratage n’a plus rien à voir avec celui d’il y a dix ans.» Le phénomène est aujourd’hui professionnalisé, industrialisé et profondément ancré dans l’économie criminelle. Des plateformes de streaming illégales se présentent comme des services parfaitement légitimes, avec abonnements, assistance client et offres commerciales comparables à celles des diffuseurs officiels. Plus préoccupant encore, les outils nécessaires pour lancer ces activités sont désormais accessibles en ligne, donnant naissance à ce qu’Europol qualifie de «piracy as aservice».
