À l’approche de la présentation du projet de loi de Finances (PLF) 2026, l’Alliance des économistes istiqlaliens (AEI) vient de livrer sa vision d’un budget «volontariste et socialement responsable». Dans l’esprit des Hautes Orientations Royales, l’organisation appelle à consolider l’État social, soutenir le pouvoir d’achat, renforcer la souveraineté nationale et rationaliser les dépenses publiques, tout en gardant l’œil sur la soutenabilité financière du pays. À ce titre, l’Alliance a formulé une série de mesures phares qui, selon elle, peuvent accélérer la marche du Maroc vers l’émergence.
1. Accélérer le déploiement de l’État social
Pour l’AEI, la réussite du PLF 2026 passe d’abord par la consolidation de l’État social. Elle appelle à perfectionner le ciblage des aides directes via le Registre social unifié (RSU) en révisant les critères d’éligibilité, mais aussi à mieux encadrer l’Assurance maladie obligatoire (AMO) des saisonniers afin de préserver leurs droits sociaux en cas de périodes d’emploi irrégulier. L’Alliance plaide également pour le doublement de la dotation de 100 DH destinée aux personnes en situation de handicap, l’extension des compétences du SAMU aux secours sur la voie publique, et l’accélération de la mise en place d’une Agence nationale du sang dotée de moyens modernes. Elle propose enfin d’impliquer davantage les Conseils régionaux dans le financement de la santé, d’accélérer la réforme des retraites et de renforcer la digitalisation des services sociaux.
2. Soutenir durablement le pouvoir d’achat
Face à une inflation persistante, l’AEI préconise une batterie de mesures fiscales et sociales. Elle propose de réformer l’impôt sur le revenu (IR) en allégeant la pression sur les revenus modestes et en élargissant la tranche soumise au taux plafond de 180.000 à 240.000 DH. L’organisation préconise l’instauration d’une revalorisation automatique des salaires indexée sur le coût de la vie, la déductibilité fiscale des frais de scolarité à tous les niveaux et une lutte renforcée contre la spéculation sur les denrées alimentaires, notamment la viande rouge et les produits laitiers. Elle propose enfin de dynamiser l’épargne populaire en relevant les plafonds du Plan Épargne Entreprise (1 million de DH), du Plan Épargne Logement (600.000 DH) et du Plan Éducation (500.000 DH).
3. Donner une attention particulière au monde rural
L’AEI insiste sur l’importance de renforcer la résilience du monde rural. Elle recommande d’instaurer des quotas à l’exportation pour sécuriser l’approvisionnement intérieur en produits agricoles de base, de développer des capacités de stockage et de transformation locale des produits, et d’encourager les petits projets touristiques ruraux en facilitant les procédures administratives. L’Alliance propose aussi la création de coopératives locales exonérées de taxe professionnelle pendant cinq ans, la réduction de 50% des coûts d’accès à Internet en milieu rural, ainsi que la mise en place de maisons multiservices pour rapprocher les citoyens des services publics.
4. Lancer une nouvelle génération de programmes territoriaux
Au-delà des infrastructures classiques, l’AEI appelle à des programmes territoriaux intégrés. Elle recommande de prolonger le programme des routes rurales avec un objectif de 10.000 km supplémentaires d’ici 2030, de développer des liaisons ferroviaires régionales et d’ouvrir des maisons de santé pluridisciplinaires intercommunales, appuyées par la télémédecine. Le renforcement des internats et des transports scolaires figure également parmi les priorités, tout comme l’extension de la couverture 4G dans les zones blanches et la construction de mini-barrages et unités de dessalement. Pour assurer un suivi rigoureux, l’AEI propose la création d’un Observatoire national du développement des territoires (ONDT).
5. Créer massivement des emplois de qualité
Le cinquième axe vise à répondre au chômage persistant, notamment chez les jeunes et les femmes. L’AEI recommande d’augmenter la contribution de l’ANAPEC au programme Taehil, de relever le plafond du programme Tahfiz de 10 à 20 salariés et de porter la part de salaire exonérée de 10.000 à 12.000 DH. L’organisation plaide aussi pour des exonérations temporaires des charges sociales afin d’encourager l’emploi formel, la création d’une Bourse nationale de l’emploi et la généralisation de l’inscription des chômeurs via une application mobile. Elle insiste enfin sur l’importance des emplois verts, à travers la plantation d’arbres, la mise en place de ceintures vertes autour des grandes villes et la lutte contre la pollution plastique.
6. Stimuler l’investissement privé et l’innovation
Pour renforcer le rôle du secteur privé, l’AEI appelle à rendre pleinement opérationnelle la charte de l’investissement et à y inclure davantage les PME. Elle propose une révision en profondeur du régime des auto-entrepreneurs en doublant les plafonds de chiffre d’affaires, en réduisant la retenue à la source de 30 à 20%, et en facilitant le passage progressif vers des formes plus structurées comme la SARL. L’Alliance suggère aussi de labelliser et accompagner les entreprises innovantes en partenariat avec les instituts de recherche, afin de stimuler la productivité et l’innovation.
7. Diversifier et renforcer les recettes publiques
Pour financer les grands chantiers du pays, l’AEI prône une meilleure mobilisation des ressources. Elle propose d’augmenter la part de TVA attribuée aux collectivités territoriales de 32 à 34%, de renforcer l’administration fiscale locale et de mettre en place une stratégie de valorisation du patrimoine public par des cessions et acquisitions ciblées. Elle encourage également les régions à créer des sociétés foncières pour mobiliser le foncier public, à développer leurs propres revenus via des péages ou marchés de gros, et à instaurer une redevance minière pour mieux exploiter leurs richesses naturelles.
8. Poursuivre les investissements publics avec rigueur
Dans ce dernier axe, l’AEI souligne l’importance de poursuivre les grands projets d’infrastructures, en particulier ceux liés à l’eau, à l’énergie et à la mobilité, avec en ligne de mire la Coupe du monde 2030. Mais elle insiste sur la nécessité d’une priorisation claire des projets, fondée sur leur impact socio-économique. L’organisation propose un recours accru aux partenariats public-privé (PPP) et la création d’un comité indépendant chargé d’évaluer la soutenabilité des finances publiques et l’efficacité des politiques menées.
