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Plus de 8 millions de Marocains toujours exclus de l'AMO (CESE)

Alors que le Maroc poursuit son ambitieuse réforme de la généralisation de l’assurance maladie obligatoire, des inégalités persistantes entravent l'accès à la couverture sanitaire d'une part importante de la population. Lors d’une rencontre organisée mercredi à Rabat, le président du Conseil économique, social et environnemental (CESE), Ahmed Réda Chami, a alerté sur les difficultés financières et les disparités entre les différents régimes d’assurance maladie. Malgré des progrès notables ces dernières années, le chemin reste semé d’embûches pour garantir une couverture sanitaire véritablement universelle. Cette situation soulève des questions cruciales sur l’efficience et la pérennité d’un système où une grande partie des citoyens continue à supporter une part importante des frais de santé, menaçant ainsi la justice sociale et la durabilité du dispositif.

Ph : Saouri
Ph : Saouri
Le président du Conseil économique, social et environnemental, Ahmed Réda Chami, a tiré la sonnette d’alarme concernant l’accès à la couverture sanitaire au Maroc. Selon lui, environ 8,5 millions de citoyens demeurent exclus de cette protection essentielle. Parmi eux, 5 millions ne sont pas inscrits au système, tandis que 3,5 millions voient leurs «droits bloqués», les privant de tout bénéfice réel.

Un taux de remboursement insuffisant et des déséquilibres alarmants

Intervenant dans le cadre d’une rencontre de communication, organisée mercredi dernier à Rabat, pour la présentation des conclusions de l’avis du Conseil sur le thème «Généralisation de l’assurance maladie obligatoire de base : un bilan provisoire, un progrès social à renforcer et des défis à relever», M. Chami a également mis en lumière une autre donnée préoccupante : les assurés prennent directement en charge 50% des dépenses de santé, un taux bien supérieur aux 25% recommandés par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et la Banque mondiale. Ce déséquilibre pousse de nombreux citoyens à renoncer à des soins pourtant essentiels, soulignant ainsi les limites du système actuel de protection sanitaire.

Les fragilités du système d’assurance maladie au Maroc

Abordant la situation financière du système d’assurance maladie au Maroc, le président du CESE a estimé que ce dernier présentait plusieurs signes de précarité. En effet, les cotisations peinent à couvrir les prestations, révélant une fragilité structurelle et des disparités marquées entre les différents régimes. Si certains régimes, comme celui des salariés du secteur privé et le régime «AMO-Solidarité», ont enregistré un équilibre financier en 2023, d’autres continuent d’accuser des déficits techniques significatifs. C’est le cas du régime «AMO» dédié aux travailleurs non salariés dont le taux de couverture des cotisations par rapport aux prestations a atteint 72%, sachant que le taux de couverture des cotisations par rapport aux prestations n’a pas dépassé 21% pour le régime AMO du secteur public. Une situation qui n’est pas sans conséquence sur les délais de remboursement des assurés ainsi que le paiement des prestations dues aux fournisseurs de services de santé.

Les coûts du secteur privé : un frein à la durabilité du système

Autre tendance alarmante selon le Conseil : l’orientation majoritaire des dépenses des assurés vers les établissements privés, conséquence directe de l’insuffisance de l’offre et de l’attractivité limitée des structures publiques. Pourtant, note le président du CESE, le coût moyen d’un dossier médical traité dans le secteur privé peut être jusqu’à cinq fois supérieur à celui du secteur public. Une situation qui s’explique par l’absence de protocoles thérapeutiques obligatoires, ce qui alimente cette disparité et pourrait mettre en péril la durabilité financière du système d’assurance maladie obligatoire.

Des réformes nécessaires pour une couverture universelle

Pour pallier ces insuffisances et garantir une généralisation effective de l’assurance maladie obligatoire, le CESE préconise la mise en place d’un système obligatoire unifié reposant sur les principes de solidarité, de complémentarité et de convergence entre les différents régimes d’assurance qui le composent. Ce système devrait être renforcé par une couverture complémentaire (facultative et/ou obligatoire), gérée par le secteur mutualiste et/ou l’assurance privée.

L’amélioration de l’offre de soins et la qualité du secteur public

L’objectif principal de cette approche est de garantir une couverture sanitaire réelle pour tous, tout en préservant l’équilibre financier des foyers et en assurant la pérennité du système d’assurance maladie obligatoire. «Les efforts déployés pour atteindre cet objectif doivent aller de pair avec la poursuite et l’accélération de l’amélioration de l’offre de soins nationaux, afin de renforcer la qualité et l’attractivité du secteur public et de maintenir sa position centrale dans le dispositif de soins», estime M. Chami. En outre, le CESE propose de rendre l’inscription au système d’assurance maladie «obligatoire» pour tous, et de supprimer la situation des «droits bloqués», tout en veillant à diversifier les sources de financement du système d’assurance maladie obligatoire.

Amélioration du remboursement et régulation des dépenses médicales

Les experts du CESE recommandent également d’améliorer le taux de remboursement des frais pour les consultations et actes médicaux en général, en particulier ceux visant à détecter précocement les risques de maladies, et garantir un remboursement complet pour les examens et analyses médicaux permettant de détecter les maladies cardiovasculaires et le cancer à des stades et âges critiques fixes. Ils mettent l’accent également sur l’importance de renforcer la régulation médicale des dépenses en développant et en diversifiant le nombre de protocoles thérapeutiques obligatoires pour les gestionnaires du système d’assurance maladie obligatoire et les professionnels de santé, tout en impliquant les acteurs qualifiés dans cette dynamique. Enfin, ils proposent d’améliorer l’accès aux médicaments en révisant le cadre juridique pour réguler et définir les prix, tout en renforçant et en protégeant la production nationale de médicaments génériques.

Progrès de la généralisation de l’assurance maladie obligatoire

Il convient de souligner que le Maroc a réalisé des progrès notables dans le cadre de l’implémentation du chantier de généralisation de l’assurance maladie obligatoire. D’après le bilan d’étape dévoilé par le CESE, 86,5% de la population a adhéré au système de protection sociale, en 2024, contre moins de 60% en 2020. Rappelons également que trois régimes d’assurance maladie ont été créés dans le cadre du chantier de généralisation de l’assurance maladie. Il s’agit de :

1. L'AMO-Solidarité, destinée aux citoyennes et citoyens incapables de supporter les cotisations, ce qui leur permet de se faire rembourser les frais de médicaments et de consultations médicales dans les cliniques privées, ainsi que de bénéficier de la prise en charge des frais d’hospitalisation dans les établissements privés selon la tarification de référence nationale, en plus d’une prise en charge totale dans les hôpitaux publics.

2. L'AMO-Travailleurs non salariés, destinée aux professionnels, travailleurs indépendants et personnes non salariées exerçant une activité privée.

3. Le système AMO-Universel, qui couvre les autres personnes non incluses dans les régimes d’assurance existants.
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