Grues, stades, autoroutes, forums et expositions : tout semble indiquer un Maroc projeté dans la modernité. Mais derrière cette façade d’effervescence matérielle, un vide s’installe : celui du discours politique, de la vision collective, de l’élan démocratique. C’est ce paradoxe que Rachid Boufous met en lumière avec fermeté : «Nous construisons à tour de bras, mais nous ne construisons plus d’idées.»
Loin de verser dans la critique stérile, son intervention trace les contours d’un malaise structurel. Absence de débat, élites politiques mutiques, déconnexion du monde rural, oubli du capital humain : l’observateur tire ainsi le constat d’un pays à deux vitesses. «Les grues se multiplient, les discours s’effacent. Il y a un Maroc qui bâtit et un Maroc qui attend qu’on lui tende la main.» À l’approche de 2026, il appelle à une refonte de l’ambition nationale, non plus centrée sur l’événementiel ou le prestige international, mais sur les Marocains eux-mêmes, leur intelligence, leur dignité, leur voix.
Des chantiers en plein essor, des inégalités béantes
À première vue, le Maroc vit une ère de transformation accélérée. Des infrastructures surgissent, des routes se tracent, des stades s’élèvent, et des projets pharaoniques liés à la CAN 2025 et à la Coupe du monde 2030 galvanisent l’opinion publique. Cette effervescence est bien réelle sur le plan économique et symbolique. Mais à y regarder de plus près, cette modernité éclatante révèle une ligne de fracture silencieuse. Ce dynamisme, largement porté par l’État et confié à des entreprises marocaines de plus en plus performantes, ne bénéficie pas de manière équitable à l’ensemble du territoire. Les zones rurales, en particulier, restent à l’écart des fruits de ce développement, et les doléances de leurs habitants peinent à trouver un écho durable dans les politiques publiques.
Rachid Boufous en témoigne : «Je suis heureux de voir que d’immenses projets sont confiés à des entreprises marocaines. Cela forge des champions nationaux. Mais ce progrès visible cache un profond déséquilibre.» Pour lui, ce contraste incarne la fracture d’un pays à deux vitesses : «On est capable de rénover des stades en quelques mois, mais pas de reconstruire des maisons sinistrées dans le Haut Atlas depuis un an. Si tout peut être réglé en dix jours, pourquoi a-t-on attendu aussi longtemps ?»
Rachid Boufous en témoigne : «Je suis heureux de voir que d’immenses projets sont confiés à des entreprises marocaines. Cela forge des champions nationaux. Mais ce progrès visible cache un profond déséquilibre.» Pour lui, ce contraste incarne la fracture d’un pays à deux vitesses : «On est capable de rénover des stades en quelques mois, mais pas de reconstruire des maisons sinistrées dans le Haut Atlas depuis un an. Si tout peut être réglé en dix jours, pourquoi a-t-on attendu aussi longtemps ?»
L’observateur dénonce ainsi une hiérarchisation des urgences, où les impératifs d’image prennent souvent le pas sur les nécessités sociales élémentaires. Cette dynamique, selon lui, nourrit un sentiment d’injustice et creuse davantage le fossé entre le Maroc qui se montre et celui qui attend. Elle questionne l’équité, la répartition des ressources et l’orientation des priorités de l’État. Elle pose en filigrane une interrogation politique majeure : à quoi bon la vitrine si le socle s’effrite ?
Un monde rural oublié : «Ils veulent leur part de développement»
À travers les mobilisations survenues dans le Haut Atlas, Rachid Boufous met en lumière un mal bien plus profond qu’une simple réaction à un séisme ou à une lenteur administrative. Il y voit le symptôme d’un modèle de développement déséquilibré, où les régions rurales restent les grandes oubliées de la dynamique nationale. Selon lui, le problème n’est ni linguistique ni identitaire : «Ce n’est pas une question d’identité ou de langue, c’est une question de dignité.» Les revendications des populations concernées sont limpides : un internat pour leurs filles, un médecin de proximité, une route praticable : rien d’exorbitant, simplement le droit à une vie décente. Ce qui scandalise M. Boufous, c’est la soudaineté avec laquelle des engagements sont pris pour éteindre les braises sociales, sans que les mêmes efforts aient été entrepris en amont : «Si on est capable de tout régler en dix jours, pourquoi ne pas l’avoir fait avant ?»
Dans cet esprit, il insiste : cette fracture territoriale n’est pas le fruit d’une mauvaise conjoncture, mais d’un désintérêt ancien. «Ils veulent leur part du TGV, du PIB triplé, des autoroutes. Et c’est légitime.» Par ces mots, l’analyste rappelle que la justice territoriale ne saurait être un supplément d’âme, mais bien le socle même d’un développement inclusif. À défaut, le risque est grand de voir émerger des foyers de défiance durable. Ainsi posée, la question n’est plus technique, mais profondément politique : que vaut un progrès dont une partie du pays ne profite pas ?
Une classe politique hors sol : «Diplômée, mais sans idées»
Le regard que Rachid Boufous porte sur la classe politique actuelle s’avère sans appel. À ses yeux, les élites en place se distinguent davantage par leurs diplômes que par leur capacité à faire émerger des idées fortes. «Nous avons des gens hyper diplômés, mais où sont les idées ? Où est le souffle ?» interroge-t-il. En effet, il observe que la politique s’est réduite à une logique de posture et de slogans creux, marquée par «les petites phrases», les «invectives» et parfois même «des insultes» entre responsables, mais vidée de tout contenu véritable.
M. Boufous déplore ainsi l’absence d’un débat public nourri, à la hauteur des défis du pays. L’époque des grands hommes politiques issus du mouvement national, porteurs de projets de société, semble révolue. Aujourd’hui, il constate une panne d’imagination et un désintérêt pour la réforme législative. Selon ses mots, «on ne vote pas assez de lois», signe d’un essoufflement de l’inventivité, de la création et de la volonté de réforme. Ce constat, qui touche aussi bien l’Exécutif que le pouvoir législatif, souligne une inertie institutionnelle profonde : «Il n’y a pas assez de création, de réforme».
M. Boufous déplore ainsi l’absence d’un débat public nourri, à la hauteur des défis du pays. L’époque des grands hommes politiques issus du mouvement national, porteurs de projets de société, semble révolue. Aujourd’hui, il constate une panne d’imagination et un désintérêt pour la réforme législative. Selon ses mots, «on ne vote pas assez de lois», signe d’un essoufflement de l’inventivité, de la création et de la volonté de réforme. Ce constat, qui touche aussi bien l’Exécutif que le pouvoir législatif, souligne une inertie institutionnelle profonde : «Il n’y a pas assez de création, de réforme».
Ce vide d’idées et d’initiatives traverse aussi bien la majorité que l’opposition, et contribue selon lui à affaiblir le lien entre citoyens et institutions. «Je cherche encore les idées. Je ne les trouve pas», conclut-il avec gravité. Pour Rachid Boufous, cette apathie politique menace de saper durablement la légitimité du système représentatif, si elle n’est pas corrigée par un sursaut intellectuel et démocratique. Il appelle ainsi à une revivification du champ politique, où la compétence ne saurait suffire sans engagement, ni la gestion sans inspiration.
Une démocratie sans représentativité : «Supprimons la deuxième chambre»
Interrogé sur l’absentéisme chronique des députés, Rachid Boufous n’a pas mâché ses mots. Il dénonce un Parlement déserté, même lors de votes décisifs : «Comment justifier qu’en plein vote de lois cruciales, des centaines d’élus brillent par leur absence ?» Cette désaffection parlementaire, qu’il qualifie d’inacceptable, incarne à ses yeux le symptôme d’un malaise institutionnel plus profond. Pour y remédier, il propose une réforme constitutionnelle majeure : la suppression de la deuxième Chambre, qu’il estime inefficace et détournée de sa vocation initiale. À la place, M. Boufous préconise le renforcement du rôle de la première Chambre, en exigeant des députés une implication plus soutenue dans le travail législatif et un véritable ancrage dans la société.
Cette refondation passe aussi, selon lui, par un accès plus sélectif aux responsabilités électives : «On ne bâtit pas une démocratie avec des gens analphabètes élus pour se protéger ou faire fructifier leurs intérêts privés». Il plaide ainsi pour une démocratie «élitiste», méritocratique, fondée sur la compétence, l’intégrité et l’engagement public. À ses yeux, le chantier démocratique est aussi crucial que les grands projets d’infrastructure. Il en va de la crédibilité des institutions, de la participation citoyenne et de la capacité de l’État à répondre aux attentes du pays réel.
Cette refondation passe aussi, selon lui, par un accès plus sélectif aux responsabilités électives : «On ne bâtit pas une démocratie avec des gens analphabètes élus pour se protéger ou faire fructifier leurs intérêts privés». Il plaide ainsi pour une démocratie «élitiste», méritocratique, fondée sur la compétence, l’intégrité et l’engagement public. À ses yeux, le chantier démocratique est aussi crucial que les grands projets d’infrastructure. Il en va de la crédibilité des institutions, de la participation citoyenne et de la capacité de l’État à répondre aux attentes du pays réel.
Diaspora marocaine : «Ils financent, mais ne décident pas»
Rachid Boufous appelle à un changement profond de regard sur les Marocains résidant à l’étranger. Pour lui, ils sont bien plus que des pourvoyeurs de devises. «Les Marocains du monde envoient plus que ce que nous rapportent les phosphates ou le tourisme, et pourtant, ils n’ont aucun droit de regard», déplore-t-il. Il plaide pour leur intégration pleine et entière dans la vie parlementaire, partisane et institutionnelle, au nom d’un principe simple : la citoyenneté. «Ils doivent pouvoir voter, proposer, surveiller. Ils sont des citoyens à part entière.»
Ce vivier de compétences, souvent formées à l’étranger et fortement attachées à leur pays d’origine, représente à ses yeux une ressource stratégique encore sous-exploitée. En les privant de représentation et de participation, le Maroc se prive aussi d’un levier d’innovation, d’intelligence collective et d’ancrage international dans la dynamique nationale, dénonce-t-il.
Capital humain : «L’intelligence collective est notre seul levier»
Plus qu’un argument, c’est un fil rouge qui traverse toute l’intervention de Rachid Boufous. Pour lui, l’avenir du Maroc ne se joue pas seulement dans le béton ou dans les événements d’envergure internationale, mais dans l’investissement patient et durable dans les femmes et les hommes de ce pays. «On ne gagnera pas l’avenir avec du béton. On le gagnera en éduquant, en soignant, en cultivant.» Il prend appui sur les trajectoires inspirantes de la Corée du Sud, du Japon et de Singapour pour rappeler une évidence que les politiques semblent oublier : la prospérité durable repose d’abord sur la qualité de l’éducation, de la santé, de la recherche et de la culture. Ce sont là, selon lui, les fondations d’une nation moderne et solidaire.«Nous devons injecter du capital dans le capital humain. Rien n’est plus urgent», martèle-t-il. Il appelle l’État à revoir ses priorités budgétaires pour faire de l’école publique, de l’université, de la formation professionnelle et de l’innovation scientifique les piliers d’un véritable projet de société. Faute de quoi, les réussites matérielles risquent de n’être que des mirages.
Une gouvernance en retrait : «Où sont les ministres ?»
Pour Rachid Boufous, l’attitude du gouvernement témoigne d’un problème plus vaste : un effacement du pouvoir face aux attentes citoyennes. Il critique une forme de mutisme assumé : «Aucun ministre n’accepte de venir débattre en plateau, ni d'être confronté à des journalistes ou à la société civile.» Ce refus de la contradiction traduit selon lui un désengagement grave du débat démocratique. Il le résume en ces termes : «Ce gouvernement ne parle pas. Il fuit le débat, il esquive la contradiction.» Et de poursuivre : «Gouverner, ce n’est pas se contenter d’un bulletin administratif lu après le Conseil du jeudi.» À ses yeux, la politique exige un engagement visible, une présence sur le terrain, une confrontation régulière avec les idées adverses. Sans cela, dit-il, «on se coupe du réel». Le silence, loin d’être une stratégie de prudence, devient alors un aveu de déconnexion.
Et après 2025 ? Penser au-delà des structures
Alors que le pays se prépare aux législatives de 2026, l’invité de Rachid Hallaouy évoque le besoin de renouveau politique. À ses yeux, les conditions sont réunies pour imaginer un basculement vers une gouvernance audacieuse, inclusive et fondée sur la compétence. Il appelle à rompre avec les logiques de reproduction et à ouvrir l’espace politique à de nouveaux profils, notamment féminins : «Pourquoi pas une femme à la tête du prochain gouvernement ? Il est temps que le mérite et la clarté l’emportent sur les équilibres de façade.»
Mais au-delà de cette aspiration, M. Boufous avance une prévision : pour lui, le RNI reste favori pour les prochaines élections. «Si l’on regarde les chiffres, la configuration actuelle et l’état des partis, tout indique une reconduction probable», explique-t-il, tout en précisant que ce retour ne saurait être légitime sans une transformation profonde des méthodes et des visages. Il revient également sur la stratégie post-2021, qu’il juge contre-productive : «L’erreur a été d’avoir les trois premiers partis au gouvernement. Il fallait en laisser au moins un dans l’opposition, pour construire une alternance.» Cette absence d’équilibre nuit, selon lui, à la respiration démocratique.
Mais au-delà de cette aspiration, M. Boufous avance une prévision : pour lui, le RNI reste favori pour les prochaines élections. «Si l’on regarde les chiffres, la configuration actuelle et l’état des partis, tout indique une reconduction probable», explique-t-il, tout en précisant que ce retour ne saurait être légitime sans une transformation profonde des méthodes et des visages. Il revient également sur la stratégie post-2021, qu’il juge contre-productive : «L’erreur a été d’avoir les trois premiers partis au gouvernement. Il fallait en laisser au moins un dans l’opposition, pour construire une alternance.» Cette absence d’équilibre nuit, selon lui, à la respiration démocratique.
Éthique et manœuvres : entre boule puante et colonne vertébrale
Rachid Boufous revient sur la série d’affaires qui ébranlent certains partis et figures politiques. Il évoque explicitement l’affaire Ouahbi, ainsi que les récentes accusations visant Fatima-Zahra Mansouri, sans omettre les controverses alimentées sur des plateformes comme «Jabartoot» ou «Telegram». Pour lui, ces épisodes relèvent souvent de luttes intestines ou de manipulations calculées à l’approche des élections : «Ce sont des règlements de compte, des choses de bas étage.»
Il met en garde contre l’emballement médiatique, tout en réaffirmant l’urgence d’une éthique publique forte : «Ce n’est pas parce qu’on sort un dossier immobilier ou notarial que la personne est coupable. Ne détruisons pas l’honneur sans preuves.» À ses yeux, cette vigilance critique doit s’accompagner d’un appui résolu aux institutions : «Le Maroc est doté de mécanismes de contrôle solides. S’il y a la moindre faute, elle ne restera pas impunie.»
Et de conclure : «Nous vivons un moment historique. Jamais le Maroc n’a été aussi libre, aussi ouvert, aussi puissant. Mais cette puissance doit se traduire par une élévation du débat, une mobilisation des esprits, un respect du citoyen.» À l’orée de 2026, il appelle à une politique ancrée dans les idées, pas seulement dans les structures : «Le béton ne suffira pas. Il faudra penser, convaincre, débattre et bâtir une politique à la hauteur de l’intelligence de son peuple.»
Il met en garde contre l’emballement médiatique, tout en réaffirmant l’urgence d’une éthique publique forte : «Ce n’est pas parce qu’on sort un dossier immobilier ou notarial que la personne est coupable. Ne détruisons pas l’honneur sans preuves.» À ses yeux, cette vigilance critique doit s’accompagner d’un appui résolu aux institutions : «Le Maroc est doté de mécanismes de contrôle solides. S’il y a la moindre faute, elle ne restera pas impunie.»
Et de conclure : «Nous vivons un moment historique. Jamais le Maroc n’a été aussi libre, aussi ouvert, aussi puissant. Mais cette puissance doit se traduire par une élévation du débat, une mobilisation des esprits, un respect du citoyen.» À l’orée de 2026, il appelle à une politique ancrée dans les idées, pas seulement dans les structures : «Le béton ne suffira pas. Il faudra penser, convaincre, débattre et bâtir une politique à la hauteur de l’intelligence de son peuple.»
