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Pour Aziz Akhannouch, la communication semble désormais un exercice maitrisé

C’est un Chef du gouvernement sûr de lui, maîtrisant ses dossiers, à la fois affable et serein qui répondait jeudi dernier aux questions de nos confrères, Jamaa Goulahcen et Sabah Bendaoud. Invité d’une émission spéciale diffusée sur les deux chaînes Al Aoula et 2M, Aziz Akhannouch affichait la mine des grands jours en se prêtant avec aisance au jeu des questions-réponses. Sa facilité de communication, sa posture décontractée et sa capacité à discuter à la bonne franquette avec les journalistes ne sont pas passées inaperçues. N’éludant aucune question, utilisant un langage accessible, pédagogue quand il le faut, le Chef de l’Exécutif a tordu le cou à des clichés qui lui collaient à la peau. C’est désormais un responsable politique qui assume ses choix et qui les défend avec beaucoup de conviction et sans ciller. Jonglant avec les chiffres et répondant sans détours aux interrogations des journalistes, M. Akhannouch a plutôt réussi sa sortie médiatique, abstraction faite des appréciations des uns et les autres du bilan de mi-parcours de son équipe.

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L’État social, le leitmotiv du Chef du gouvernement

D’entrée de jeu, Akhannouch donne le la : le gouvernement a réalisé à mi-mandat des «exploits» notables, chiffres à l’appui. Sur les 7,3 millions de familles que compte le Maroc, 5,3 ont bénéficié de l’une des différentes aides de l’État. Près de 4 millions de familles bénéficient désormais des aides sociales directes et de l’assurance maladie obligatoire (AMO). Et ce sont quelque 12 millions de personnes, dont 5 millions d’enfants et 1,2 millions de personnes âgées, qui bénéficient des aides directes. 1,4 million des familles bénéficiaires sont sans enfants. Ces aides, d’un minimum mensuel de 500 dirhams, iront crescendo jusqu’à 1.000 dirhams en 2026. Par ailleurs, 600.000 personnes ont vu leurs pensions revalorisées, 300.000 personnes sont ciblées par le programme d’aide à l’accès au logement et 400.000 fonctionnaires, notamment ceux de l’enseignement et de la santé, connaîtront des augmentations de salaire.

Rappelant que le gouvernement ne peut prétendre à aucun mérite quant au projet de soutien direct aux Marocains qui est une architecture exclusive de S.M. le Roi, M. Akhannouch indique que l’Exécutif s’est attelé à sa mise en œuvre et l’a réussie en un temps record, et ce en dépit des difficultés. Pour preuve, en seulement 14 mois, le RSU (Registre social unifié) est opérationnel, le remplacement du système RAMED par la couverture AMO Tadamon est réalisé en moins de 2, et en 30 mois, le plus grand projet de soutien au logement pouvant aller jusqu’à un tiers du prix du logement est sur les rails. C’est ainsi que 60.000 primo-acquéreurs en ont fait la demande, dont à peu près 54.000 ont été admis, avec un coût pour le budget de l’État de 9 milliards de dirhams par an. «Nous sommes face à une nouvelle relation du citoyen avec l’État», souligne le Chef du gouvernement.

Répondant à la délicate question des personnes exclues, le Chef du gouvernement a tenu à rappeler que le principe directeur présidant à cette réforme était le ciblage, en ce sens que l’aide de l’État ne doit pas profiter aux familles aisées ni à des personnes qui ne sont pas éligibles. Et d’ajouter qu’à l’instar de tous les régimes similaires de par le monde, le système est bâti sur le niveau des dépenses avec à la base la déclaration du postulant et l’attribution de points tel que cela a été fixé de manière transparente par un décret, précisant que des recours existaient pour les personnes s’estimant lésées, que ce soit pour les aides directes ou pour l’AMO.

Concernant la crainte d’abolir le système de compensation, le Chef du gouvernement s’est montré rassurant, indiquant que ce système doit continuer à jouer son rôle, notamment pour certaines dépenses de la classe moyenne. Entretemps, l’augmentation de 10 dirhams de la bonbonne de gaz butane est différée pour le moment, a-t-il souligné. La réforme de la compensation sera menée graduellement, et c’est ce qui explique selon lui le fait que l’État a commencé par octroyer des aides en premier. «L’idée est d’avoir à terme un équilibre entre le financement des aides directes et celui de la compensation».


Santé, accès aux soins, grève des étudiants en médecine

Le Chef du gouvernement a rappelé que 4 millions de familles, soit 10 millions de citoyens, bénéficiaient d’ores et déjà de l’AMO Tadamon, autrement dit leurs cotisations sont prises en charge par l’État. Reconnaissant que le système de santé fait face à des défis de taille, il a indiqué qu’une feuille de route pour la rénovation et la mise à niveau des dispensaires (soins primaires) était en cours de déploiement. 480 dispensaires sont rénovés et 1.400 sont programmés et un programme visant à doter chacune des 12 régions du Maroc d’un CHU (Centre hospitalier universitaire) est en cours de parachèvement.

Le problème du manque de ressources humaines se pose avec acuité et le gouvernement s’attelle à trouver des solutions, notamment à travers l’instauration du concept de médecin de famille qui permettra de réduire la pression sur les formations hospitalières, le doublement des lauréats dans les filières médicales sur les 5 années à venir et la réduction de l’impact des déserts médicaux. Le Chef du gouvernement n’a pas manqué de déplorer les pratiques de certains pays occidentaux, qui comblent leurs besoins en personnel de santé par des politiques de migrations sélectives préjudiciables aux pays qui ont consenti d’importants investissements en enseignement et en formation.

Pour ce qui de la grève des étudiants en médecine et en pharmacie qui dure depuis près de 4 mois, le Chef du gouvernement a indiqué que sur 50 revendications, 45 avaient été satisfaites. Selon lui, il s’agit plus d’incompréhensions que de différends, rejetant le risque d’une année blanche, car les Facultés sont ouvertes et les enseignants dispensent les cours au profit de quelque 3.000 étudiants. Insistant sur l’importance du retour des grévistes aux classes pour décrisper la situation, il a laissé la porte ouverte à de possibles compromis, rappelant au passage que ce qui compte est l’intérêt du citoyen (voir nos éditions du 26 avril 2024).

Emploi, chômage

Face à un taux de chômage qui frôles les 13% de la population active, selon le HCP, le Chef du gouvernement a rappelé les différentes mesures prises depuis son installation, notamment le règlement de la question des contractuels de l’enseignement, le programme Awrach, le remboursement de 2 milliards de dirhams de TVA aux entreprises, le soutien à divers secteurs, dont le tourisme, l’amélioration de l’environnement des affaires et la nouvelle Charte de l’investissement. Toutefois, les gains en emploi dans les secteurs industriels et les services ont été annihilés par les pertes de 200.000 emplois par an dans le secteur agricole, conséquence de trois années consécutives de sécheresse sévère.

Enseignement : nul ne peut s’improviser enseignant

Le Chef du gouvernement a rappelé les objectifs de la réforme de l’enseignement, se félicitant des avancées réalisées, notamment le retour aux classes après des mois de grèves et le nouveau cahier des charges pour les enseignants. Défendant la mesure de Chakib Benmoussa de réserver l’accès au métier aux personnes âgées de moins de 30 ans, il a insisté sur la nécessité pour l’enseignant d’être au diapason avec l’élève et l’apprenant, d’où l’importance de réduire le gap entre les deux parties en termes d’âge. Pour lui, les considérations générationnelles ont toute leur importance dans le domaine pédagogique.

Désormais l’enseignement est un métier que tout le monde ne peut pas exercer, puisqu’il nécessite des formations adaptées et des programmes de formation permanente pour les enseignants. Le Chef du gouvernement a évoqué le programme TaRL (Teaching at The Right Level) qui a touché dans un premier temps 600 écoles et sera étendu aux autres écoles d’excellence. Ce programme a permis de rattraper en un temps record les carences en connaissances de base des élèves, allant jusqu’à multiplier par 4 leur niveau de connaissances en mathématiques, se félicite le Chef du gouvernement.

Ce que l’on doit au Plan Maroc vert

Le Chef du gouvernement a saisi l’occasion pour en découdre avec les détracteurs du Plan Maroc vert. À cet égard, il a précisé que ce plan a été clôturé et a laissé place au plan Génération Green. Démontrant que sans le Plan Maroc vert, la situation du Maroc aurait été dramatique, il n’a pas hésité à énumérer ses bienfaits : d’abord une croissance annuelle moyenne du secteur agricole de 5,2% l’an, soit à peu près un doublement en 10 ans. Des investissement de 10 milliards de dirhams par an, dont 6 milliards de subventions de l’État, qui ont permis d’équiper 900.000 hectares en système de goutte-à-goutte et d'économiser 2 milliards de m³ par an avec la création de 10.000 coopératives de production valorisant la production de 2,5 millions d’agriculteurs.

Le Plan Maroc vert, toujours selon M. Akhannouch, a permis de diversifier les cultures et de sortir de la culture unique des céréales pour des productions d’arboriculture ayant une meilleure valeur ajoutée. Enfin, l’export de la filière agricole a été multiplié par 2. C’est ce qui fait, a-t-il conclu, que malgré 3 années de sécheresse, les viandes et les produits laitiers sont disponibles. Mieux encore, selon M. Akhannouch, pendant la crise de la Covid, c’est ce modèle agricole qui a permis au Maroc de tirer son épingle du jeu.

Récusant l’idée selon laquelle certaines cultures sont à l’origine d’un usage immodéré de ressources en eau, le Chef du gouvernement a souligné que la consommation annuelle du secteur agricole, qui s’élevait 5 milliards de m³ d’eau, a été ramenée à 1,2 milliard l’année dernière et à seulement 600 millions de m³ cette année. Et pour une meilleure gestion des ressources hydriques, le gouvernement, a-t-il précisé, a réussi en 10 mois à construire une autoroute de l’eau du Sebou au Bouregreg pour alimenter Casablanca et Rabat. Dans le même ordre d’idées, le plan d’installation d’unités de dessalement de l’eau de mer va bon train dans plusieurs villes et localités, comme Dakhla, le Souss, Doukkala, Tiznit, Nador et Tanger, a rappelé M. Akhannouch.

Tremblement de terre du Haouz, la reconstruction se poursuit

Concernant le programme d'urgence de reconstruction, de réhabilitation et de mise à niveau agricole dans les zones touchées par le séisme, la feuille de route est respectée, conformément aux Hautes Instructions Royales, a fait savoir le Chef du gouvernement, précisant que la commission ministérielle ad hoc s’est réunie 9 fois. Plus concrètement, il a précisé que 55.000 familles ont reçu des aides et 50.000 habitations doivent être soit réhabilitées soit reconstruites et déjà 44.000 autorisations de construire ont été délivrées avec des plans types. Malgré ces efforts, du travail reste encore à faire, reconnaît M. Akhannouch, notamment les travaux relatifs au déblaiement, la réouverture de routes, la reconstruction d’écoles, le cheptel à reconstituer, les séguias à réhabiliter ainsi que des centres de soins.

Coupe du monde 2030 : une opportunité pour le Maroc !

Évoquant l’organisation tripartie de la Coupe du monde 2030, M. Akhannouch a salué la Vision Royale quant à cette candidature qui a une dimension stratégique et qui ne manquera pas donner un sérieux coup de fouet aux investissements, notamment ceux en lien avec les grandes infrastructures comme les stades, les routes, les hôtels, la mobilité, etc. Pour le Chef du gouvernement, le Royaume mettra à profit cet événement exceptionnel pour accélérer la dynamique de son développement économique et offrir ainsi au monde entier l’image d’un pays émergent, ouvert et confiant dans ses choix. Tout à son optimisme, M. Akhannouch a rappelé la performance des Lions de l’Atlas au Qatar en 2022 qui a contribué à relancer le secteur du tourisme, puisque 14,5 millions de visiteurs se sont rendus dans le Royaume pour découvrir un pays qui fascine autant par sa culture et son histoire que par son ouverture et son dynamisme.

Dialogue social : 4 axes

Le Chef du gouvernement a énuméré 4 objectifs au dialogue social :

1. Améliorer le pouvoir d’achat des masses salariées. Le dossier est porté par Fouzi Lekjaâ.

2. Les priorités sectorielles ainsi que les questions d’accès du privé à la commande publique. Le dossier est porté par Ghita Mezzour.

3. Faire aboutir la loi sur la grève toujours en instance au Parlement depuis 8 ans. Ce point avait fait l’objet de l’accord conclu avec le patronat et les syndicats et il est temps, selon M. Akhannouch, de trouver un compromis. Une rencontre de concertation entre les parties est prévue prochainement.

4. Réformer le système de la retraite : là, le Chef du gouvernement tire la sonnette d’alarme, car selon lui, si rien n’est fait, le système sera en faillite à l’horizon 2028. Ce sujet sera pris à bras le corps pour que la réforme soit actée lors de la rentrée en septembre prochain.

Remaniement ministériel : discret, Aziz Akhannouch pèse ses mots

Le Chef du gouvernement est resté discret sur la question d’un éventuel remaniement ministériel. Soufflant le chaud et le froid, M. Akhannouch loue le travail de tous ses ministres, mais n’exclut pas de revoir les priorités (donc les personnes en charge). Il lie par ailleurs toute éventuel remaniement au renouvellement des instances du Parti de l’Istiqlal et les résultats de son 18e congrès et rappelle qu’il s’agit in fine d’une étape constitutionnelle, sous entendant qu’une telle décision requiert des concertations à un niveau supérieur.

Akhannouch : une posture et un style propres

Tout au long de l’entretien télévisé, Aziz Akhannouch est resté plutôt à l’aise dans cet exercice de communication. Concentré, attentif et bienveillant, il a adopté une attitude proactive et presque amicale en s’adressant aux interviewers par leurs prénoms. Le Chef du gouvernement n’a à aucun moment semblé être dépassé ni pris au dépourvu. Il a même rappelé à un des journalistes qu’il n’avait pas oublié sa question et qu’il allait y répondre.

Tout en se gardant d’évoquer le bilan de son prédécesseur, Aziz Akhannouch l’a taclé sans le citer, à une seule occasion, en rappelant que pendant dix ans, le dialogue social était au point mort. De même, le Chef de l’Exécutif a évité de verser dans un raisonnement justificatif. C’est pourquoi il a parlé des facteurs conjoncturels (l’inflation, les conséquences de la Covid ou la sécheresse) comme de contraintes que le gouvernement a gérées tout en gardant le cap sur les objectifs cardinaux.

S’agissant du langage utilisé, M. Akhannouch à choisi de s’exprimer à la bonne franquette. Sans cérémonie, il a eu recours à une combinaison d’arabe classique et de termes français avec la prédominance de l’arabe dialectal. Ce qui importe pour lui c’est de se faire comprendre par les citoyens et que ses idées soient claires et intelligibles. Si bien que sur bien des questions, il n’a pas hésité a fait preuve de pédagogie.

L’entretien n’a pas échappé non plus à quelques piques d’humour. Parlant du bras de fer avec les enseignants, le Chef du gouvernement a fait un parallèle entre le bâton et la baguette magique, exprimés par le même terme en arabe. Rappelant qu’il n’y a pas eu violence à l’adresse des grévistes et que d’un autre côté le gouvernement n’avait pas de solution miracle. À un journaliste qui voulait passer au sujet suivant, Il lui demande s’il était pressé.

Comment financer autant de projets ? l’essentiel est de préserver les équilibres !

Préférant répondre à cette question par des agrégats macroéconomiques et anticiper les questions sur le désendettement ou le déficit, le Chef du gouvernement a indiqué que tous les équilibres macroéconomiques du pays était au vert. Le déficit public qui était à 7% est ramené à 5,5% et devrait s’établir à 3,5% cette année pour se stabiliser à 3% les années suivantes. L’endettement public est passé de 78 à 76% du PIB et le déficit de la balance des paiements est de moins 0,1%, vu le bon comportement de nos exportations et les recettes MRE et tourisme. M. Akhannouch a mis également l’accent sur le bon comportement des recettes fiscales, qui s’explique selon lui par l’engagement et le civisme du citoyen qui, voyant où va son argent, est plus enclin à payer spontanément ses contributions fiscales.
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